vendredi 26 octobre 2007

Sheikh Abū Bakr Sirāj al-Dīn ( Martin Lings )

Sheikh Abū Bakr Sirāj al-Dīn ( Martin Lings )

Par Son Excellence le Cheikh ‘Alī Jum‘a, grand Muftī d’Egypte



(Paru dans le quotidien égyptien al-Ahrām, le 11 juin 2005)

Un grand homme a quitté notre monde le jeudi 12 mai (2005) au matin, chez lui dans le Kent en Angleterre. Il fut enterré dans son jardin dont il s’était occupé la vie durant par amour pour les fleurs et la beauté. Il s’agit du Cheikh Martin Lings dont le nom en Islam est Abū Bakr Sirāj al-Dīn. Il naquit dans le Lancashire, en janvier 1909, dans une famille protestante. Ses parents l’aimèrent beaucoup et s’aperçurent, dès son enfance, de son intelligence et de sa sainteté également. C’est pourquoi ils ne s’opposèrent jamais à lui, pas même lorsqu’il entra en Islam.

Il passa sa prime enfance aux Etats-Unis où son père travaillait. De retour en Angleterre, il commença un cursus scolaire au Clifton College où ses qualités de leader devinrent manifestes. Il entra à l’Université d’Oxford en 1928 où il étudia la littérature anglaise auprès de C. S. Lewis qui trouva en lui un étudiant brillant dont il appréciait la compagnie. Après ses études, il enseigna la littérature anglaise en Lituanie.

Martin Lings avait deux amis qui partageaient sa quête de la Vérité. Le premier, nommé Paterson, lorsqu’il devint musulman, reçut le nom de Sīdī Hussayn Nūr al-Dīn. Il est enterré au cimetière mamelouk du Caire. Le second rejoint l’Islam par une autre voie et fut nommé Sīdī Dāwud. Il mourut en Angleterre. Dans un premier temps, Paterson se rendit en Chine à la recherche de la vérité et rencontra le Confucianisme alors que Lings, n’ayant pas trouvé dans le Catholicisme ce qu’il recherchait, décida de se rendre en Inde pour y étudier l’Hindouisme.

Lors d’un voyage en 1940, Lings rencontra l’intellectuel musulman d’origine française, René Guénon au Caire. Il s’agit de celui qui fut nommé Cheikh ‘Abd al-Wāhid Yahyā ; il mourut au Caire en 1950 où il est enterré près de l’ami de Lings, Sīdī Hussayn. Les enfants de René Guénon vivent encore aujourd’hui au Caire, que Dieu nous fasse bénéficier de leur présence. Martin Lings fut satisfait de sa rencontre avec Guénon et était déjà converti à l’Islam. Lorsque Paterson revint au Caire, il se convertit également. Il enseigna à l’Université du Caire alors nommé Fu’ād 1er. Paterson mourut quelques années plus tard d’une chute de cheval.

En 1944, Martin Lings se maria avec Lesley Smalley qui embrassa aussi l’Islam et reçut le nom Rābi‘a. Elle vit toujours dans leur maison, dans la campagne du Kent après le départ de son époux dont elle partagea les idées pendant plus de soixante ans.

Lings vécut au Caire près des pyramides dans le village de Nazlat al-Samān jusqu’en 1952. Les vêtements traditionnels égyptiens qu’il a toujours portés étaient cousus par le Hājj ‘Āchūr qui était un saint parmi les Amis de Dieu, que Dieu leur accorde à tous Sa miséricorde. Sa boutique était installée à l’entrée de Khān al-Khalīlī. Lings aurait aimé passer toute sa vie au Caire s’il n’y avait eu des troubles politiques qui l’en empêchèrent. En effet, il y eut des manifestations contre les Anglais après la révolution de 1952 où trois de ses collègues à l’Université furent tués.

Le retour à Londres en 1952 fut difficile car la compétition universitaire réclamait plus qu’une simple expérience d’enseignement en Lituanie et en Egypte et il lui fallait obtenir un doctorat. C’est à ce moment que fut publié The Book of Certainty qu’il avait écrit en arabe alors qu’il était en Egypte sous le titre Kitāb al-yaqīn, al-madhhāb al-sūfī fī-l-īmān wa-l-kachf wa-l-‘irfān. Il obtint une licence d’arabe suivi d’un doctorat pour lequel il écrivit une thèse sur le cheikh al-‘Alawī, thèse qui fut publiée par la suite sous le titre Un Saint soufi du vingtième siècle. C’est un de ses livres dont l’influence fut la plus forte car il permet, de manière unique, d’aborder la spiritualité musulmane de l’intérieur.

En 1955, Lings obtint un poste au British Museum où il s’intéressa à la calligraphie coranique. Son livre, The Art of Quranic Calligraphy and Illumination fut publié par ‘‘The World of Islam Festival’’ en 1976 pour coïncider avec l’exposition de Londres.

Lings a passé les trente années qui suivirent à écrire pour son lectorat sans cesse croissant. Parmi ceux-ci : Muhammad : his life based on the earliest sources (1983) et Shakespeare in the light of the Sacred Art (1966) réédité en 1984 avec une introduction du Prince de Galles sous le titre The Secret of Shakespeare. Dans ce dernier livre, Lings examine les fondements traditionnels et l’héritage platonicien et scolastique de Shakespeare. Son livre The Art of Quranic Calligraphy and Illumination fut revu et édité en 2004 sous le titre Spendours of Quranic Calligraphy and Illumination. Son dernier livre devait être Mecca, publié en 2004, il est aujourd’hui suivi par A return to the Spirit qui est une publication posthume.

La rencontre entre René Guénon et Martin Lings eut une grande influence sur ce que l’on nomme l’Ecole traditionnelle (madrasat al-turāth) laquelle dénonce le matérialisme du monde moderne et lui oppose la sagesse présente au cœur de chaque religion révélée que ce soit l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Judaïsme, le Christianisme ou l’Islam. Cette sagesse est la lumière primordiale (al-nūr al-fitrī) que Dieu plaça dans le cœur de chaque homme, lumière par laquelle les hommes peuvent rejoindre la Vérité :

« Tourne ta face en pur monothéiste (hanīf an) en direction de la Religion : telle est la nature originelle (fitra) selon laquelle Dieu a façonné les hommes. Nul ne peut changer la Création de Dieu. Telle est la Religion immuable mais la plupart des hommes sont dans l’ignorance. » (Cor. 30 : 30)

Martin Lings vécut dans la lumière de cette guidée jusqu’au terme de sa vie bénie. Son entrée en Islam se fit auprès d’un Suisse, le Cheikh ‘Īsā Nūr al-Dīn [Frithjof Schuon] lequel avait reçu l’Islam auprès du grand saint Algérien de Mostaghanem, le Cheikh al-‘Alawī dont la tarīqa est toujours vivante en Algérie et ses livres y sont régulièrement édités et largement diffusés.

Martin Lings avait un profond intérêt pour le symbolisme des couleurs, leurs significations et leur développement chez les Musulmans. Il écrivit dans son Spendours of Quranic Calligraphy and Illumination :

 « La couleur, en tant que forme, était utilisée aux mêmes fins. L’or venait au premier rang et, après une courte période de fluctuations, vers le milieu du IV/X ème siècle, le bleu devint prééminent et l’emporta sur le vert et le rouge. Rapidement il devint aussi important que l’or en Orient musulman alors qu’au Maghreb le bleu resta en seconde position. 

Si le bleu libère par ‘‘Infinitude’’, l’or, quant à lui, libère parce que, comme le soleil, il est un symbole de l’Esprit et donc, virtuellement, il transcende la monde des formes. L’or, par sa nature, échappe à la forme au point que le calligraphe doit entourer sa lettre de noir afin que sa forme apparaisse effectivement. En tant que couleur de la lumière, l’or, comme le jaune, est intrinsèquement un symbole de la connaissance. Le bleu en présence de l’or est alors la miséricorde qui tend à se révéler. »

Ce que nous avons cité est bien peu en face de l’œuvre immense de Martin Lings laquelle est et restera d’une grande portée dans un monde en totale confusion. C’est toutefois sa personnalité qui affecta si profondément ceux qui l’ont connu. C’est particulièrement le cas d’un grand nombre de jeunes gens qui ont reçu de sa part des conseils spirituels. Ils porteront cela en eux pour le reste de leur vie sachant qu’ils ne rencontreront plus son pareil. Que Dieu lui accorde Sa large miséricorde et qu’Il accorde à la communauté musulmane des hommes de sa qualité. Āmīn.

Nous avons besoin d’étudier l’œuvre de ces grands hommes qui se sont convertis à l’Islam d’une manière qui confirme l’universalité de cette religion et son caractère approprié à toute époque et à tout lieu.

Traduit de l’arabe par Tayeb CHOUIREF.

Source : www-oumma.com

mardi 23 octobre 2007

L'Islam au Tibet

L'Islam au Tibet

un article du
Dr Moufid Al Zaidi ;


L’islam est arrivé au Tibet avec les commerçants musulmans de la communauté Hu’i qui se sont installés aux départements de Song et Kon. La première génération de musulmans au Tibet remonte au Ier siècle de l’Hégire. Mais il faut attendre le VIème siècle de l’Hégire pour que les musulmans originaires du Turkestan et du Belstan atteignent le Tibet occidental et s’installent à Lhassa. La communauté musulmane de cette région s’est développée au fil du temps jusqu’à sa division au XVIIIème siècle en deux sous-communautés : les musulmans d’origine chinoise et les musulmans asiatiques non-chinois (cachemiris, népalais…). Notons que les musulmans d’origine non chinoise sont dits «kachis» (i.e musulmans cachemiris) ; quant aux musulmans chinois, ils sont appelés «Ghia kachi» (i.e musulmans non cachemiris) et étaient au nombre de 2000 environ en 1998.
Le Tibet compte deux mosquées : La grande est dite «Bara Masjid», la petite «Chu ta Masjid» Une
autre mosquée (Masjid Al Jumu’a) était exclusivement fréquentée par les cachemiris. Ceux-ci ont l’habitude de s’y rendre après une marche de quelques kilomètres pour y accomplir la prière du vendredi et y partager un repas collectif. Située loin du centre ville, cette mosquée est également appelée «Kashi Gang N’ma» (i.e la promenade islamique) car c’est un lieu où sont célébrées les fêtes religieuses et organisées quelques manifestations sociales de tradition cachemirie.
La connaissance de l’islam par le peuple tibétain a donc résulté du contact direct avec les commerçants venus de Chine et d’Inde, notamment ceux du Cachemire, de Bahar et de Calmiong. Une partie de ces commerçants a élu domicile au Tibet où ils se sont liés par le mariage aux femmes tibétaines converties à l’islam. C’est ainsi que la religion musulmane s’est répandue au Tibet et que les musulmans s’y sont multipliés avec le temps.
Source : http://www.isesco.org.ma/

L'adab soufi

Salam alaikoum ,

un article remarquable d' Eve Feuillebois - Pierunek



Le terme d'adab désigne aussi bien un genre de littérature qu'une conduite conforme aux bons usages, ou un art du savoir-vivre. L'adab se rapproche d'une certaine éthique, s'applique à la pensée, la parole et l'acte, crée son propre code de conduite idéale et informe tous les aspects de la vie. Petit à petit apparaît un savoir-vivre spécifiquement soufi consistant en un ensemble de règles, de coutumes et de devoirs qui doivent être respectés par les membres d'une confrérie. Ces normes concernent aussi bien la vie de prière que les plus petits détails de la vie matérielle, car intériorité et extériorité (bâten o zâher) sont étroitement liées et de même que la noblesse de l'âme se révèle dans les actes de la vie quotidienne, la moindre entorse à la norme régissant un acte apparemment sans importance peut influer négativement sur la vie spirituelle. On cherchera à mieux cerner ce rapport entre adab et progrès spirituel en rassemblant les discours et les justifications des soufis par rapport à ce thème.
Les soufis discernent au sein de l'adab -qui est essentiellement un - des parties : Hojviri y voit trois parties : l'adab envers Dieu, envers soi-même, envers les créatures, Najm al-din Kobrâ discerne l'adab extérieur et l'adab intérieur. Quels sont les critères de distinction de ces différents adab ? Quelle en est la signification " théologique " ? Ces différents classements sont-ils la marque d'orientations spirituelles différentes, et si oui, comment ? Quelles sont les normes communes et différentes des confréries ? Comment ces normes sont-elles inculquées aux nouveaux impétrants ? Quelle est la part des manuels qui les présentent et les justifient et quelle est la part de l'exemple et de la pratique effective de ces codes ?
Chaque étape de la Voie mystique possède son propre savoir-vivre. Quelle est la logique interne qui lie à un degré de l'approfondissement mystique un code de conduite particulier ? Lorsqu'on passe à une étape supérieure, y a-t-il simplement affinement ou perfectionnement du savoir-vivre ou bien certains éléments du code primitif deviennent-ils obsolètes ?
On étudiera également les sources de cet adab : sunna du Prophète, exemples de saints personnages, coutumes locales ou propres à une confrérie, etc.

A. La vie quotidienne dans le couvent

· les actes de la vie quotidienne : comment manger, assister à un repas en commun, dormir, parler, saluer, prendre congé, faire la cuisine, laver se vêtements, traiter les serviteurs, voyager, recevoir un hôte, etc. Le savoir-vivre lié à la compagnie d'autres personnes et le savoir-vivre lié aux différents sens (vue, ouïe, etc.), au malheur, à la maladie et à la mort.
· la structure hiérarchique du xanqâh et le savoir-vivre à observer envers les différentes catégories de disciples, le compagnonnage, le savoir-vivre du disciple envers le maître et vice-versa
· l'accueil des voyageurs et les règles à respecter lorsque l'on est hébergé dans un autre couvent
· les vêtements, leur signification et leur symbolisme (couleur, forme, texture, en lambeaux ou somptueux, xirqa, muraqqa'a, kafani).
· les actes rituels (prières, jeûne, actes surrérogatoires), leurs particularités chez les soufis et leur sens intérieur.

B. La vie de prière

· le dhikr et ses variétés selon les moments, les maîtres et les confréries, individuel, collectif, à haute voix (jali) ou silencieux (xafi), assis ou debout, en rang ou en cercle, immobile ou en tournant ou sautant, accompagnés de mouvements de la tête et du buste, formules successives s'adaptant à l'évolution du disciple, dhikr pour des circonstances particulières, significations et raisons des différents dhikrs.
· autres types de prières : oraisons jaculatoires (monâjât), " récitations " (verd : ensemble de formules, de sourates, de prières dites à des moments précis et propre à chaque confrérie).
· la retraite de quarante jours (arba'îna, cehele) et ses modalités. Les autres retraites cellulaires (xalvat).
· l'examen de conscience (mohasebe-ye nafs)
· les pérégrinations (siyâha), seul, en compagnie du maître ou d'un compagnon.
· les veilles (sahr) et les jeûnes (sowm) non obligatoires au regard de la Loi.
· le samâ' (concert spirituel avec psalmodie du Coran, de prières, chant ou récitation de poésie mystique accompagné éventuellement de danse) et ses usages.
· les manifestations spectaculaires (avaler du verre, marcher dans le feu, se transpercer avec des broches, etc…) et leur signification.
· les rituels d'initiation : pacte ('aqd ou bay'a), transmission de la xerqe et du verd, ainsi que d'un dhikr particulier, cérémonial d'entrée dans l'ordre. Géneralites Dans son acception la plus ancienne, adab, refait sur le pluriel âdâb de da'b, "usage, habitude", est un synonyme de sunna et s'applique à une norme pratique de conduite, à la fois louable et héritée des ancêtres. Ce sens primitif s'est développé au cours des premiers siècles de l'hégire. Au sens éthique, adab en vint à désigner la bonne qualité d'âme, la bonne éducation, la courtoisie et l'urbanité. Au sens intellectuel, adab renvoie à la somme des connaissances profanes acquises par un musulman cultivé, ou à la culture générale requise pour exercer une fonction sociale précis .
C'est le sens éthique d'adab qui nous intéressera ici, car le soufisme créa très vite son propre code de conduite idéale, un savoir-vivre spécifique se rattachant à trois références : l'exemple du Prophète (hadith et sunna), l'effort indépendant (ijtihâd) des soufis qui créèrent des règles pour la vie en communauté, et le développement d'institutions typiquement soufies ("couvent", initiation, dhikr et retraite) . Cette discipline concerne aussi bien la vie de prière que les plus petits détails de la vie matérielle, car intériorité et extériorité (bâtin wa zâhir) sont étroitement liées.
Les informations sur ce savoir-vivre apparaissent soit dans les manuels de soufisme dans un chapitre spécial, soit dans de petits traités indépendants. Mais ce qui entre dans le champ de l'adab est variable selon les auteurs, de même que les conseils donnés peuvent varier sur des points de détail. Il nous a paru utile d'établir un premier inventaire des principales sources.
Le Kitâb al-Luma' d'Abu Nasr al-Sarrâj (m. 378/988) consacre au savoir-vivre un chapitre consistant. Sa compréhension très large de l'adab englobe à la fois les obligations religieuses (pureté rituelle, ablutions, prière, aumône, jeûne, pélerinage), le savoir-vivre qui régit les relations avec les autres (art de vivre en communauté (suhba), le mariage et les enfants, l'amitié, l'attitude vis-à-vis des biens de monde, le travail), les codes qui régissent les actes de la vie quotidienne (manger, dormir, s'habiller, s'asseoir, voyager), l'attitude face aux difficultés (faim, maladie, mort), l'adab lié au caractéristiques de la Voie soufie (règles de comportement du maître, des disciples, des débutants, samâ' et expérience extatique (wujûd), isolement (khalwa)) . Les exigences de l'adab augmentent avec la hiérarchie des trois catégories de personnes : pour les gens du monde (ahl al-dunyâ), l'adab est surtout la science et l'éloquence, pour les gens de foi (ahl al-dîn) s'y ajoute le dressage de l'âme, l'obéissance, la tendance au bien, la repentance (tawba), pour l'élite des gens de foi (khusûsiyat min ahl al-dîn), la pureté du cœur, la perception des mystères, la proximité s'additionnent aux qualités précédentes . Cet adab idéal est modelé sur le comportement du Prophète. D'ailleurs, Sarrâj, adepte de la tendance "sobre" du soufisme iraqien personnifié par Junayd, s'efforce de démontrer tout au long de l'ouvrage que le soufisme s'enracine dans la tradition musulmane primitive et situe ses origines à l'époque du Prophète et de ses compagnons. Non seulement les soufis suivent pleinement la Loi divine, mais ils forment l'élite spirituelle de la Communauté musulmane .
Le premier traité entièrement consacré à l'adab dont nous disposons semble être le Jawâmi' âdâb al-sûfiyya du khorassanien Sulamî (m. 325/937) . Il a existé des traités plus anciens sur le même thème, mais seuls leurs titres nous sont parvenus : ?dâb al-Nufûs de Muhâsibî (m. 243/857), Adab al-Muftakir ila'l-Lâh de Junayd (m. 298/910), Kitâb al-Ikhwân de Ibn Abî al-Dunyâ (m. 281/894), Adab al-Nafs de Tirmidhî (m. c. 318/930), Adab al-Faqîr de Rudbari (m. 369/979), etc. Comme la plupart des auteurs de "manuels de soufisme" du 4e/10e siècle, Sulamî cherche à défendre le soufisme contre les attaques des traditionnalistes et présente donc l'adab comme exclusivement inspiré par l'exemple du Prophète. Dieu a orné l'homme de l'adab afin de le guider vers Lui. La perfection de cet adab a été atteinte par le Prophète qui suivait scrupuleusement les prescriptions coraniques, et qui l'a transmis à ses compagnons. Ce savoir-vivre devrait être celui de tout musulman. Les soufis respectent ce code de conduite transmis par le Prophète. Le rapport du maître avec ses disciples est le même que celui du Prophète avec ses compagnons. Le moindre manquement aux règles du savoir-vivre engendre une tare dans la foi. Le savoir-vivre est préféré par Dieu à la science ('ilm) et à l'effort spirituel (riyâzat) . Le Jawâmi' âdâb al-sûfiyya se compose de 163 paragraphes non classés, dont chacun traite d'une seule coutume. Il aborde la relation de maître à disciple, celle entre frères, la lutte avec les passions et l'âme charnelle, la nourriture, le sommeil, le travail, la maladie, la vie solitaire, la piété rituelle, l'abandon à Dieu (tawakkul), la garde de l'instant spirituel (waqt), le samâ' . Sulamî distingue deux sortes d'adab : l'adab extérieur (zâhir) qui consiste à éviter le péché et l'adab intérieur (bâtin) qui préserve la pureté du cœur.
Sulamî a composé un autre ouvrage de savoir-vivre, davantage grand public bien qu'également destiné aux soufis, ?dâb al-Suhba wa husn al-'ishra. Ce traité, écrit dans un style lettré sans terminologie soufie, s'intéresse spécialement à la conduite en société .
Dans la Risâla fi'l-tasawwuf d'Abû al-Qâsim al-Qushayrî (m. 465/1073), l'adab est traité dans un seul court chapitre qui consiste en un florilège de citations non classées, mais des consignes sont également données dans beaucoup d'autres chapitres . Cet auteur cherche à gommer tous les traits extrêmes ou extravagances qui compromettent le soufisme aux yeux de l' "orthodoxie", il condamne les "faux" soufis, mais admet l'existence au sein de la communauté soufie de points de vue divergents concernant des pratiques ou des détails de doctrine .
Avec le Kashf al-Mahjûb li Arbâb al-Qulûb de Hujvîrî, écrit en persan vers 449/1057, s'impose une nouvelle compréhension de l'adab, beaucoup plus étroite. Le chapitre 23, qui lui est consacré, n'étudie que les règles de conduite fraternelle, le voyage, la nourriture, le sommeil, la parole et le silence, la mendicité, le mariage et le célibat. Le samâ' et la piété rituelle sont traités ailleurs. Les bonnes manières font partie de la foi, mais chaque situation et chaque catégorie d'homme possède ses propres règles. Hojviri distingue trois champs d'application, les relations humaines (c'est l'observance de la vertu, morovvat), la foi (observance des coutumes du Prophète, sonnat), l'amour (observance du respect envers Dieu, hormat) . Plus personnel que ses prédécesseurs, il n'hésite pas à donner son point de vue après avoir cité les autorités. Il se montre très prudent dans le traitements des doctrines ou pratiques controversées, notamment la musique, le chant et les comportements extatiques pendant le samâ', blâme l'utilisation de la symbolique érotique ou bachique bien qu'il reconnaisse qu'elle renvoie à des réalités spirituelles, et condamne catégoriquement la danse et la contemplation des jeunes gens . Il conseille le célibat, le mariage lui semblant entraver le progrès spirituel .
L'Ihyâ' 'ulûm al-dîn d'Abû Hâmid al-Ghazâlî (m. 501/1111) comporte quatre parties : les pratiques cultuelles ('ibâdât), les coutumes et comportements ('âdât), les vices (muhlikât) et les vertus (munjiyât), qui marient la piété sunnite au soufisme ascétique. Les '?dât sont consacrées aux règles concernant la nourriture et les invitations, le mariage, le travail (kasb), la vie sociale (suhba) et la vie solitaire ('uzla), le voyage et le samâ' . Ghazâlî est le premier à reconnaître certaines pratiques soufies comme des innovations (vie en couvent, khirqa, samâ', arba'îna) et à les défendre en distinguant entre les innovations blâmables, qui violent un commandement de la Loi, et les innovations acceptables.
Dans l'Uns al-Tâ'ibîn, Ahmad Jâm (m. 536/1132) classe l'adab en deux catégories : l'adab dû aux créatures (khalq), qui n'est autre qu'une politesse irréprochable en imitation de la conduite des sages, et l'adab dû au Créateur (Haqq), qui consiste à accorder son intériorité à son extériorité à l'exemple des prophètes et des amis de Dieu. L'adab doit être observé dans l'usage des cinq sens, dans les activités de la vie quotidienne, et concerne également la garde du cœur .
Dans l'?dâb al-Murîdîn d'Abû'l-Najîb al-Suhrawardî (m. 563/1168) , toute la présentation du soufisme est subordonnée au concept d'adab : les dix premiers chapitres présentent le soufisme, ses doctrines, les ahwâl wa maqâmât ; les suivants traitent de l'adab proprement dit, qui englobe l'usage des membres (langue, cœur, pied, main), les actes de la vie quotidienne, l'attitude face aux épreuves, la vie en communauté, le samâ' et enfin les "dispenses" (rukhsa, actes déconseillés mais tolérés) , qui témoignent de l'apparition d'une nouvelle sorte d'adeptes partageant la vie spirituelle du couvent, mais conservant leurs biens et leurs obligations sociales et non soumis à une ascèse aussi rigoureuse.
Pour Shihâb al-dîn Abû Hafs 'Umar al-Suhrawardî (m. 632/1234), auteur du célèbre traité des 'Awârif al-Ma'ârif et neveu du précédent, le soufisme est essentiellement un savoir-vivre hérité du Prophète, que l'on apprend en compagnie des maîtres et qui se subdivise en adab intérieur et extérieur. L'auteur traite du maître et de l'investiture (khirqa), de la vie en couvent (ribât), du voyage, de l'état civil (mariage ou célibat), du samâ' et de la retraite (arba'îna), de la piété rituelle (sens caché et particularités chez les soufis), de la vie quotidienne, des relations maître-disciple et du compagnonnage (suhba). Il est le premier à présenter une organisation rigoureuse du quotidien d'un couvent .
L'?dâb al-Murîdîn de Najm al-dîn Kubrâ (m. 618/1221) ne traite que des formes de vie sociale et des devoirs de la décence. Il se concentre sur les règles extérieures (port de la khirqa, manière d'être assis et d'être debout, entrer au couvent, manger ou boire, comportement en voyage, lors du samâ'), et renvoie aux Manâzil al-Sâ'irîn de 'Abdallâh Ansâri (m. 481/1088) pour les règles intérieures .
Le Kubrawi Abû'l-Mafâkhir Yahyâ Bâkharzî (m. 735/1335) envisage le soufisme du point de vue de l'adab dans la deuxième partie de son ouvrage, Awrâd al-Ahbâb va Fusûs al-?dâb. Cet adab englobe non seulement toutes les catégories précédentes, mais aussi les akhlâq, les ahwâl et les maqâmât .
Par contre, son contemporain, le Suhrawardi 'Izz al-dîn Kâshânî (m. 735/1335), dont le Misbâh al-Hidâya va Miftâh al-Kifâya est une brillante adaptation persane des 'Awârif, ne range dans le chapitre "Adab" que le savoir-vivre dû à Dieu et au prophète, celui qui régit les relations maître-disciple, les relations entre compagnons, le travail, l'état civil, le voyage et la satisfaction des besoins essentiels (sommeil, nourriture, vêtement). Les actes rituels sont traités dans un chapitre différent. Quant à certaines pratiques soufies telles le port d'un froc rapiécé (khirqa), l'établissement de couvents (khânqâh), le samâ', la retraite de 40 jours (celle ou cilla), Kâshânî reconnaît explicitement que ce sont des innovations et il les classe dans un chapitre spécial sur les coutumes louables (mustahsinât).

Source : http://www.ivry.cnrs.fr/


samedi 20 octobre 2007

La culture islamique chinoise à l’époque moderne

la culture islamique à l’époque moderne
La culture islamique en Chine moderne (Dynasties Ming et Ching) s’est caractérisée par la fusion entre l’islam et la culture locale à travers l’enseignement islamique dans les mosquées, la traduction en chinois des ouvrages islamiques et la multiplication des confréries soufies. L’islam s’est alors montré sous un jour nouveau que l’on ne lui connaissait pas jusque là.
A partir du Xème siècle de l’Hégire (XVIème siècle du calendrier grégorien), l’enseignement islamique dans les mosquées a fleuri, sous la Dynastie Ming, dans les régions continentales grâce à Ho Dang Cho, un originaire de Xianyang (département de Guangxi). L’enseignement islamique a gagné d’autres régions de Chine et donné naissance à plusieurs écoles telles celle de Xianyang qui s’intéressait aux questions de l’unicité de Dieu, celle de Guangdong qui s’est penchée sur les différentes sciences islamiques et celle de Yun tan qui a regroupé des disciplines aussi diverses que la rhétorique, le droit musulman, la grammaire et les fondements islamiques. Savants, professeurs, docteurs et imams ont à leur tour inculqué à la nouvelle génération les commandements et les principes de l’islam. Grâce à eux, la religion musulmane s’est perpétuée en dépit des embûches qui par intermittence ont freiné son évolution à travers l’histoire. L’enseignement au sein des mosquées continue d’ailleurs jusqu’à nos jours.
Quant à l’activité de traduction, elle s’est amorcée avec la fin de la Dynastie Ming et le début de la Dynastie Ching. Ainsi, des ouvrages d’auteurs musulmans ont été traduits en langue chinoise et ont trouvé un grand lectorat parmi les musulmans Han et Hu’i qui vivent au sud du fleuve Jiangxi. Dans un premier temps, la traduction avait pour but de faire connaître davantage la religion musulmane, elle s’est développée ensuite dans les villes de Nan Jing et de Suzhou. Les traductions des savants musulmans étaient toujours étayées par des commentaires terminologiques, des explications thématiques et des comparaisons avec la culture autochtone. Dans ce domaine, se sont distingués de brillants intellectuels chinois tels Wang Dae We, auteur de deux livres intitulés : Les vérités de la religion ancienne et Cours islamiques, Machu, auteur des Preuves de l’islam, Lee Yo Chai, traducteur des Fondements du soufisme islamique et des Rites de la religion islamique et Mafu Cho, auteur d’un Précis sur les fondements de l’islam.
L’enseignement dans les mosquées et l’activité de traduction ont grandement contribué à l’évolution de l’exégèse, de la philosophie, de l’éthique et de la pensée islamiques. En Chine, la culture de l’islam est passé du stade de la diffusion à celui du développement ; elle a trouvé des adeptes parmi les intellectuels chinois après avoir conquis les cœurs des chinois moyens. Le soufisme a par ailleurs trouvé des adeptes en Chine depuis le règne de la Dynastie Yin wan, il s’est propagé surtout au département de Ch’ing-hai, sur le plateau tibétain, à Kansu et dans la région de Ningxia où vit la communauté musulmane Hu’i. Des écoles soufies comme la Qadaria, la khafiya, la jabriya et la bahjariya firent florès en Chine. Grâce aux musulmans soufis (dits soufi Jia ou Minh wan jia) et au soufisme (Minh wan), l’islam a apporté un nouveau souffle spirituel qui a consolidé les liens entre les musulmans chinois de la communauté Hu’i et les autres communautés de Chine .
Au début du XXème siècle, le mouvement culturel islamique en Chine a appelé à la réforme des affaires islamiques et au développement de l’enseignement de tradition musulmane. Dans ce cadre, Tong Song a fondé l’école de Mue i Wan à Xinjiang et a contribué à la création de l’Association générale de l’enseignement islamique en Asie orientale. A Pékin, Sian Ming a fondé l’école Wan Ping et Wang Kwan a créé l’école arabe des musulmans. A Xianyang, Ma Ling-bi était, lui, à l’origine de l’école Keijing pour l’enseignement islamique primaire.
Dans le même esprit, un groupe composé de trente six anciens étudiants Hu’i ont fondé l’Association générale de l’enseignement islamique des étudiants de la mission universitaire chinoise au Japon. Ces jeunes étudiants ont par ailleurs créé la revue Ching Ho Ian où ils ont manifesté leur intention de répandre l’enseignement de tradition musulmane et de réformer les affaires islamiques. Une autre revue islamique chinoise qui a pour titre : La Vraie revue nationale fut fondée par une pléaïde de personnalités musulmanes Hu’i. Durant toute la première moitié du XXème siècle, ces activités ont enrichi la culture locale de par la pensée et la religion islamiques.
Les jeunes musulmans ont continué de créer des associations islamiques. C’est ainsi que Wang Kwa a fondé en 1911 à Pékin l’Association de développement islamo-chinois qui a eu des représentations à travers tous les départements de Chine. Son objectif a été de concrétiser l’union des musulmans chinois (Hu’i), de répandre la foi islamique parmi eux, de rehausser leur niveau culturel et d’assurer leur bien-être. D’autres associations ont été fondées dans le même dessein : l’Association islamique académique à Pékin en 1927, l’Association de soutien à l’enseignement islamique à Nanchang dans la province de Ho-Nan, l’Association islamo-chinoise à Shanghai, l’Association de la Jeunesse musulmane en 1925 à Tang cho, l’Association générale islamo-chinoise par Yo Shang en 1929, l’Association de la jeunesse musulmane chinoise à Shanghai en 1931, l’Association chinoise pour le développement de l’enseignement au profit des jeunes de la communauté Hu’i à Nanjing. Par ailleurs, Matianing Tong Cyan a fondé en 1924 à Shanghai l’Union chinoise pour la culture islamique suivie en 1938 à Duhem par l’Union chinoise de salut de la communauté Hu’i qui a élu domicile ultérieurement à la ville de Kong Ying où elle a quitté son appellation initiale pour celle de «Union islamique chinoise pour le salut national» avant d’adopter en 1934 son appellation définitive : «l’Association islamique chinoise».
La langue arabe était enseignée en parallèle avec la langue chinoise dans les écoles modernes qui forment les imams de mosquées, les instituteurs et les enseignants aux sciences islamiques aussi bien qu’aux sciences modernes. Parmi ces écoles, citons à titre d’exemple l’école islamique de Beijing fondée par Wang Kwan, l’école des instituteurs fondée par Mas Ong Tsi-nan à X’ian (réinstallée quelques années plus tard à Pékin pour former les imams, les présidents d’associations et les directeurs d’écoles), l’école islamique des instituteurs à Wan Chien fondée par Chu Ji Sang et Li Ran Chan, l’école sino-arabe primaire fondée par Massu Yun à Ning Chia, l’école Jontiang des instituteurs, l’école islamique de Pingliang à Ningxia où s’enseignent la langue et la littérature arabes, l’Histoire, la géographie et les mathématiques.
Entre 1930 et 1945, quarante étudiants issus de différentes écoles islamiques chinoises ont été envoyés dans le cadre de missions scientifiques à l’université Al Azhar. A leur retour, ils ont occupé d’importants postes dans l’enseignement, l’éducation islamique, les waqfs et les affaires islamiques. La persévérance de certains d’entre eux leur a valu de compter parmi les savants musulmans chinois les plus distingués tels Mohammed Makin, Abdurrahmane Nanchong, Lin Chong, Shang Yo Ching, Ismaël Majing Yang, Shang Do, Najiong Lin Ching et Ding Chong Ming. Il est à rappeler que ces missions avaient lieu sous la supervision de M. Cha Ko Ching.
En cette période, la Chine connaissait la floraison de périodiques islamiques dont les plus importants sont Ching Hu’i (i .e le Mensuel islamique) paru pour la première fois en 1925, la revue Yo Yis Hu’a en 1928, la revue islamique Du Bao ainsi que d’autres périodiques islamiques qui pour ne pas avoir connu une très large diffusion sont tout de même publiés dans les villes chinoises où vivent d’importantes communautés musulmanes ; citons en à titre d’exemple : L’Islam, l’Aurore, l’Islam de Chine, l’Union islamique chinoise pour le salut de la nation, les Musulmans et la Jeunesse Hu’i.
Sur le plan de la production intellectuelle et scientifique, les auteurs musulmans ont publié plusieurs ouvrages dont la traduction du sens du Coran (Los Wang Jing Chai, 1932), l’augmentation de traduction chinoise du sens du Coran (Los Jien Biau), la grande foi coranique (Lang Kong Ming, 1947) et la traduction chinoise du sens des versets coraniques (Mohammed Makin). D’autres traductions du Saint Coran ont été publiées, dont les plus importantes étaient celles de Li Tih Shang en 1927 et Ji Jiu Wih en 1931.
La production intellectuelle ne s’est guère limitée à la traduction du Coran; d’autres ouvrages de tradition islamique ont été traduits en langue chinoise : la traduction commentée des textes de la Sunna par Jay Wei Ching en est un bon exemple. Mais outre la traduction, des ouvrages originaux ont été également publiés comme celui de Ma Ling Li intitulé les idées générales de l’islam. Par ailleurs, un groupe de docteurs musulmans chinois a entrepris de collecter et de rééditer les anciennes traductions en langue chinoise d’ouvrages islamiques en guise de prévention contre la perte ou la détérioration de ce patrimoine scriptural. De plus, plusieurs ouvrages d’histoire islamique ont été publiés ; citons en les suivants : Histoire de l’islam chinois (Jien Ji Tang, 1935), les annales de l’histoire islamique en Chine (kamali Li Wig, 1940), l’histoire de l’islam en Chine (Guo tong, 1940), Histoire sommaire de l’islam chinois et Références de la méthodologie islamique chinoise (Bâ Yin Cui) et Histoire synoptique de l’avènement de l’islam en Chine (Chai Wan)
En Chine, la communauté Hu’i est celle qui compte le plus grand nombre de musulmans. La renaissance de la Chine est liée à l’épanouissement de l’islam dans cette communauté qui a donné naissance à une génération de savants et de jeunes lettrés. Ceux-ci ont assimilé et embrassé la foi islamique et l’ont transmise avec sincérité et honnêteté. A travers la culture véhiculée par la communauté Hu’i, l’islam a consolidé l’union et la solidarité des communautés musulmanes de Chine.
La proclamation de la république populaire de Chine suite à la révolution de 1949 a apporté davantage de libertés religieuses et cultuelles en Chine. C’est ainsi que la culture islamique a joui d’un épanouissement avant d’être troublée par la révolution culturelle (1966-1976) qui a resserré l’étau sur les pratiques religieuses.

Source : http://www.isesco.org.ma/IndexFR.asp

Des femmes érudites en sciences du hadith

Des femmes érudites en sciences du hadith

Dr. Muhammad Zubayr Siddiqi

Adaptation française de l'article : Oumayma


L'Histoire mentionne peu d'initiatives savantes, ne serait-ce avant les temps modernes, de la part de femmes qui auraient joué un rôle actif et important en coopération avec des hommes. Les sciences du hadith constituent cependant à cet égard une excellente exception. L'islam, religion qui, à la différence du christianisme, refuse d'attribuer un genre à Dieu (1), et n'a jamais nommé une élite mâle sacerdotale comme intermédiaire entre la créature et le Créateur, démarre la vie avec l'assurance que, malgré le fait que la femme et l'homme soient dotés par la nature de rôles complémentaires plutôt qu'identiques, aucune spiritualité supérieure n'est inhérente à la masculinité (2). Ainsi, la communauté musulmane confiait volontiers des affaires de même valeur selon la perspective divine (aux hommes comme aux femmes). C'est uniquement cette considération qui explique pourquoi, l'islam produisit un grand nombre d'éminentes femmes savantes, sur le témoignage et le jugement éclairé desquelles une bonne partie de son édifice repose, ce qui la particularise des religions courantes en occident. Depuis les premiers temps de l'islam, les femmes ont pris une part importante, dans la préservation et la culture du hadith, et cette charge perdura à travers les siècles. A chaque période de l'histoire islamique, vécurent nombre d'honorables femmes expertes en tradition prophétique (hadith), considérées avec révérence et respect par leurs frères. De nombreuses notices leur sont consacrées dans les dictionnaires biographiques. Durant la vie du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), beaucoup de femmes ont été non seulement l'exemple de l'évolution de nombreuses traditions (ancestrales), mais ont également été très actives dans la transmission (de l'enseignement prophétique) pour leurs sœurs et leurs frères de religion (3). Après la mort du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), beaucoup de femmes musulmanes l'ayant côtoyé (Sahâbiyât), en particulier ses épouses, furent considérées comme des gardiens vitales de la connaissance, et furent sollicitées pour l'enseignement par les autres compagnons, avec qui elles partageaient volontiers le riche bagage qu'elles avaient amassé aux côtés du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam). Les noms de Hafsa, Umm Habiba, Maymuna, Umm Salama, et A'isha (radhia Allâhou anhounna) sont familiers à tout étudiant des sciences du hadith comme étant parmi les premiers et les plus distingués des transmetteurs (4). A'isha (radhia Allâhou anhâ), en particulier, est l'une des figures les plus importantes de toute l'histoire de la littérature des ahâdîth -non seulement en tant que l'une des premières à rapporter le plus grand nombre de ahâdîth, mais également comme l'une des interprètes les plus attentives. A la période des Successeurs (tâbéïnes), les femmes occupèrent d'importants postes comme traditionalistes. Hafsa r.a., la fille d'Ibn Sirin (5), Umm Al Darda r.a. (décédée en 81 H/700) et 'Amra bint 'Abd Al Rahman furent quelques unes des femmes clés traditionalistes de cette période. Iyas ibn Mu'awiya r.a., un important traditionaliste de son temps et un juge aux compétences et au mérite incontestés, estimait Umm Al Darda r.a. supérieure à tous les autres traditionalistes de cette période, y compris les célèbres maîtres des ahâdîth tels Al Hasan Al Basri r.a. et Ibn Sirin r.a.(6). 'Amra r.a. était considérée comme étant une grande autorité en matière de traditions rapportées par A'isha (radhia Allâhou anhâ). D'ailleurs, le calife Umar ibn Abd Al Aziz r.a. donna l'ordre à l'un de ses étudiants, Abu Bakr ibn Hazm r.a., le célèbre juge de Médine, de mettre par écrit toutes les traditions connues sous son autorité(7). Après elles, 'Abida Al Madaniyya r.a., 'Abda bint Bishr r.a., Umm Umar Al Thaqafiyya r.a., Zaynab r.a. (la petite fille de Ali ibn Abd Allah ibn Abbas), Nafisa bint Al Hasan ibn Ziyad r.a., Khadija Umm Muhammad r.a., 'Abda bint Abd Al Rahman r.a., ainsi que de nombreuses autres excellèrent dans des cours publics sur les ahâdîth. Ces pieuses femmes venaient de différents horizons, montrant par là que ni le rang social, ni le sexe n'étaient des obstacles à l'acquisition de la science islamique. Par exemple, Abida r.a. était une esclave de Muhammad ibn Yazid r.a.. Elle apprit un grand nombre de ahâdîth auprès de professeurs à Médine, puis fut donnée par son maître à Habib Dahhun r.a., le fameux traditionaliste d'Espagne, quand il visita la cité sainte lors de son pèlerinage. Il fut si impressionné par son apprentissage qu'il l'affranchit, l'épousa et l'emmena en Andalousie. Il est dit qu'elle rapportait dix mille ahâdîth sous l'autorité de ses professeurs médinois (8). Zaynab bint Sulayman r.a. (décédée en 142 H/759), au contraire, était née princesse. Son père était le cousin d’Al Abbas As-Saffah, le fondateur de la dynastie des Abbassides et a été le gouverneur de Basra, de Oman et du Bahreïn sous le califat d'al-Mansur (9). Zaynab r.a., qui reçut une éducation raffinée, acquit une maîtrise du hadith, se distinguant ainsi comme l'une des femmes traditionalistes les plus réputées de son temps, et compta nombre d'hommes d'importance parmi ses élèves(10). Cette association de femmes et d'hommes dans la culture de la tradition prophétique continua quand les fameuses anthologies de hadith furent compilées. Un examen de ces textes révèle que tous les premiers compilateurs importants des traditions reçurent nombre de ces textes de femmes shuyukh (enseignantes expertes) : chaque collection majeure donne les noms de femmes comme autorités immédiates de l'auteur. Quand ces travaux avaient été compilés, les femmes traditionalistes elles-mêmes en avaient une parfaite connaissance et elles donnaient des cours à de grandes classes d'élèves, à qui elles présentaient leurs propres ijazas (autorité de transmission). Au quatrième siècle, les cours de Fatima bint Abd Al Rahman r.a. (décédé en 312/924) -connue comme Al Sufiyya pour sa formidable piété- , de Fatima r.a. (petite-fille de Abou Dâoûd, auteur des Sounan bien connus), de Amat Al Wahid r.a. (décédée en 377/987) -la fille du juriste distingué Al Muhamili r.a.-, de Umm Al Fath Amat as-Salam r.a. (décédée en 390/999) -la fille du juge Abu Bakr Ahmad (décédé en 350/961)- et Jumua bint Ahmad r.a. attiraient une assistance révérencieuse (11). Des femmes continuèrent à se démarquer en tant que savantes du hadith au cinquième et sixième siècle de l'Hégire. Fatima bint Al Hasan ibn Ali ibn Al Daqqaq Al Qushayri r.a. était louée non seulement pour sa piété et sa maîtrise de la calligraphie, mais encore pour sa connaissance des ahâdîth et la qualité des isnads (chaîne de transmission des ahâdîth) qu'elle connaissait (12). Encore plus distinguée fut Karima Al Marwaziyya r.a. (décédée en 463/1070), qui était considérée comme l'autorité de référence du Sahih de Al Boukhâri en son temps. Abu Dharr r.a. de Herat, l'un des chefs de file des érudits de cette époque, estimait tellement son érudition qu'il recommanda à ses étudiants d'étudier le Sahih auprès d'elle seule. Elle figure ainsi au centre de la transmission de cet ouvrage essentiel de l'islam (le Sahih) (13). En réalité, écrit Goldziher, "son nom apparaît avec une extraordinaire fréquence dans les ijazas pour la narration de ce livre." (14) Al Khatib Al Baghdad i r.a. (15) et Al Humaydi r.a. (428/1036-488/1095) comptaient parmi ses élèves (16). Mis à part Karima r.a., quelqes autres femmes traditionalistes "occupent une place éminente dans l'histoire de la transmission du texte du Sahih" (17). Parmi elles, on doit mentionner en particulier Fatima bint Muhammad r.a. (décédée en 539/1144), Shuhda "l'Ecrivain" r.a. (décédée en 574/1178), et Sitt Al Wuzara bint Umar r.a. (décédée en 716/1316) (18). Fatima relatait le livre sous l'autorité du grand traditionaliste Said Al Ayyar r.a. ; elle reçut de la part de spécialistes du hadith le prestigieux titre de Musnida Isfahan (l'éminente autorité de hadith d'Ispahan). Shuhda était une fameuse calligraphe et une traditionaliste de grande réputation ; les biographes la décrivent comme "la calligraphe, la grande autorité en hadith, et la fierté des femmes". Son arrière-grand-père avait été marchand d'aiguilles, et cela lui valut le sobriquet d' "al-Ibri ". Mais son père, Abu Nasr r.a. (décédé en 506/1112) fut pris de passion pour le hadith, et s'arrangea pour l'étudier avec plusieurs maîtres en la matière (19). Se soumettant à la sunna, il donna à sa fille une solide éducation, s'assurant qu'elle étudiait sous de nombreux traditionalistes reconnus. Elle épousa Ali ibn Muhammad r.a., une figure importante ayant des intérêt littéraires, qui plus tard devint un bon compagnon du calife Al Muqtadi et fonda une école et une maison soufies, auxquelles il contribuait généreusement. Sa femme fut pourtant plus connue, de par ses connaissances des ahâdîth et la qualité de ses isnads (20). Ses cours sur Sahih Al Boukhâri et d'autres collections de ahâdîth attiraient de larges foules d'étudiants ; certains se sont même faussement affirmés comme étant de ses élèves (21). Sitt Al Wuzara r.a. était également reconnue comme une autorité sur Boukhâri. En plus de sa maîtrise acclamée du droit islamique, elle était considérée comme la "musnida de son époque", donnait des cours sur le Sahih et d'autres travaux à Damas et en Égypte (22). Umm Al Khayr Amat Al Khaliq r.a. (811/1408-911/1505), considérée comme le dernier grand savant en matière de hadith du Hijaz (23), assurait également des cours sur le Sahih. A'isha bint Abd Al Hadi r.a. était une autre spécialiste de Boukhâri (24). Outre ces femmes qui semblaient s'être spécialisées dans le grand Sahih de l'Imam Al Boukhâri, d'autres axèrent leur expertise sur d'autres textes.


Umm al-Khayr bint Ali r.a. (décédée en 532/1137) et Fatima al-Shahrazuriyya r.a. donnaient des cours sur le Sahih de Muslim 25. Fatima al-Jawzdaniyya r.a. (d. 524/1129) transmettait à ses étudiants les trois Mu'jams de al-Tabarani 26. Zaynab de Harran r.a. (décédée en 68/1289) enseignait aux étudiants, que ses cours attiraient en foule, le Musnad d'Ahmad ibn Hanbal r.a., la plus grande compilation de ahâdîth 27. Juwayriya bint Umar r.a. (décédée en 783/1381) et Zaynab bint Ahmad ibn Umar r.a. (décédée en 722/1322), qui avaient beaucoup voyagé pour développer leur science des ahâdîth, donnèrent des conférences en Egypte ainsi qu'à Médine, et narrèrent à leurs étudiants les recueil de al-Darimi r.a. et de Abd ibn Humayd r.a.. On dit même que les étudiants venaient de très loin pour assister à leurs débats 28. Zaynab bint Ahmad r.a. (décédée en 740/1339), habituellement connue sous le nom de Bint al-Kamal, acquit quantité de diplômes. Elle enseignait le Musnad de Abu Hanifa r.a., le Shamail de al-Tirmidhi r.a., et le Sharh Ma'ani al-Athar de al-Tahawi r.a., qu'elle lut avec une autre traditionaliste, Ajiba bin Abu Bakr r.a. (décédée en 740/1339) 29. "Sur son autorité est basé, dit Goldziher, l'authenticité du manuscrit GOTHA … dans le même isnad, nombre de femmes érudites s'étant intéressées à ce sujet sont citées." 30 En sa compagnie notamment, le grand voyageur Ibn Battuta r.a. étudia les traditions durant son séjour à Damas 31. Ibn Asakir r.a., le célèbre historien de Damas, qui dit avoir étudié auprès de 1200 hommes et 80 femmes, obtint l'ijaza de Zaynab bint Abd al-Rahman r.a. pour le Muwatta de l'Imam Malik 32. Jalal al-Din al-Suyuti r.a. étudia la Risala de l'Imam Shafii r.a. auprès de Hajar bint Muhammad r.a. 33. Afif al-Din Junayd r.a., traditionaliste du neuvième siècle après l'hégire, lut le Sunan de al-Darimi r.a. avec Fatima bin Ahmad ibn Qasim r.a. 34.

Zaynab bint al-Sha'ri r.a. (524/615-1129/1218) faisait également partie des traditionalistes de renommée. Elle étudia le hadith auprès d'autres illutres traditionalistes avant d'enseigner à nombre d'étudiants -dont certains furent réputés comme Ibn Khallikan r.a., l'auteur du célèbre dictionnaire biographique Wafayat al-Ayan 35. Karima la Syrienne r.a. (décédée en 641/1218) était décrite comme la plus grande autorité en matière de hadith en Syrie de son temps. Elle exposa de nombreux travaux sur les ahâdîth sous l'autorité de nombreux professeurs 36.

Dans son étude al-Durar al-Karima 37, Ibn Hajar r.a. donne de courtes indications bibliographiques au sujet d'environ 170 femmes de renom du huitième siècle, dont la plupart sont traditionalistes, et sous la direction desquelles l'auteur lui-même étudia 38. Certaines de ces femmes étaient reconnues comme étant les meilleures traditionalistes de leur époque. Juwayriya bint Ahmad r.a., par exemple, à laquelle nous nous sommes déjà référé, étudia une série de travaux sur la tradition auprès de savants hommes et femmes enseignant dans les grandes écoles de l'époque. Ensuite, elle continua à donner des cours célèbres sur les disciplines islamiques. "Certains de mes propres professeurs ainsi que nombre de mes contemporains assistaient à ses cours, raconte Ibn Hajar." 39 A'isha bin Abd al-Hadi r.a. (723-816), également mentionnée plus haut, qui fut longtemps le professeur de Ibn Hajar r.a., était considérée comme la plus raffinée traditionaliste de son temps. Des étudiants venaient parfois de très loin afin de s'asseoir à ses pieds et étudier les vérités de la religion 40. Sitt al-Arab r.a. (décédée en 760/1358) avait enseigné au traditionaliste bien connu al-Iraqi (décédé en 742/1341) et de nombreux autres qui avaient complété une large part de leurs connaissances auprès d'elle 41. Daqiqa bint Murshid r.a. (décédée en 746/1345), une autre traditionaliste louée, reçut son instruction de plusieurs autres femmes.

L'information se rapportant aux femmes traditionalistes du neuvième siècle est compilée dans un texte de Muhammad ibn Abd al-Rahman al-Sakhawi (830-897/1427-1489), al-Daw al-Lami', qui est un dictionnaire biographique des éminentes personnalités du neuvième siècle 42. Le Mu'jam al-Shuyukh de Abd Al-Aziz ibn Umar ibn Fahd (812-871/1409-1466), compilé en 861 après l'Hégire était consacré aux notices biographiques de plus de 1100 des enseignants de l'auteur, y compris 130 femmes savantes auprès desquelles il avait étudié 43. Certaines d'entre elles furent reconnues pour la précision et l'érudition de leurs travaux et formèrent les grands savants des générations suivantes. Umm Hani Maryam r.a. (778-871/1376-1466) par exemple apprit le Coran par cœur dès son plus jeune âge, puis toutes les sciences islamiques alors enseignées, à savoir la théologie, le droit, l'histoire et la grammaire ; ensuite, elle voyagea afin de compléter ses connaissances en matière de ahâdîth auprès des meilleurs traditionalistes de son époque au Caire et à La Mecque. Elle était également louée pour son don de calligraphe, sa maîtrise de la langue arabe et son sens naturel de la poésie ainsi que pour son strict respect des devoirs religieux (elle accomplit le hajj pas moins de treize fois). Son fils, qui devint un savant notoire du dixième siècle, lui vouait une grande vénération et l'accompagnait constamment dans les derniers jours de sa vie. Elle poursuivit un programme intensif à la grande école du Caire, donnant des ijazas à de nombreux savants. Ibn Fahd lui-même étudia plusieurs travaux techniques sur les ahâdîth auprès d'elle 44.

Bai Khatun r.a., sa contemporaine syrienne (décédée en 864/1459), ayant étudié les traditions avec Abu Bakr al-Mizzi r.a. ainsi que d'autres traditionalistes, et ayant obtenu les ijazas d'un grand nombre de maîtres de ahâdîth, hommes et femmes, donnait des cours sur le sujet en Syrie et au Caire. On raconte qu'elle trouvait un grand plaisir dans l'enseignement 45. A'isha bint Ibrahim r.a. (760/1358-842/1438), connue dans les cercles académiques comme Ibnat al-Sharaihi, étudia également les traditions, entre autres, à Damas et au Caire, et donnait des cours auxquels d'éminents savants assistaient volontiers 46. Umm al-Khayr Saida r.a. de la Mecque (décédée en 850/1446) bénéficia de l'enseignement des ahâdîth de nombreux traditionalistes dans différentes villes, gagnant une réputation toute aussi enviable de savante 47.

D'après ce qui peut être relevé après maints recherches dans les références, il ressort que l'implication des femmes dans l'étude des ahâdîth et des disciplines islamiques en général semble avoir décliné considérablement à partir du dixième siècle de l'Hégire. Des livres tels que al-Nur al-Safir de al-Aydarus r.a., le Khulasat al-Akhbar de al-Muhibbi r.A. et le al-Suluh al-Wabila de Muhammad ibn Abd Allah r.a. (qui sont les dictionnaires biographiques des éminentes personnalités respectivement des dixième, onzième et douzième siècles) ne font mention que d'une petite dizaine de traditionalistes femmes. Il serait pourtant faux de déduire de là que l'intérêt des femmes pour le hadith s'amenuisa à partir du dixième siècle. Quelques traditionalistes qui s'étaient faits un nom pendant le neuvième siècle continuèrent pendant le dixième siècle à servir la sunna. Asma bint Kamal al-Din r.a. (décédée en 904/1498) jouissait d'une grande influence auprès des sultans et de leurs représentants, à qui elle faisait souvent des recommandations... qui étaient toujours appliquées, dit-on. Elle donna des cours sur les ahâdîth et forma des femmes aux diverses sciences islamiques 48. A'isha bint Muhammad r.a. (décédée en 906/1500), épouse du célèbre juge Muslih al-Din, enseigna les traditions à nombre d'étudiants et fut nommée professeur à l'école Salihiyya de Damas 49. Fatima bint Yusuf d'Alep r.a. (870/1465-925/1519) était considérée comme l'un des excellents savants de son temps 50. Umm al-Khayr r.a. donna une ijaza à un pèlerin de la Mecque en l'an 938/1531 51.

La dernière femme traditionaliste de premier rang qui nous est connue fut Fatima al-Fudayliya r.a., aussi connue que al-Shaykha al-Fudayliya. Elle est née avant la fin du douzième siècle musulman ; très tôt, elle excella dans l'art de la calligraphie et les diverses sciences islamiques. Elle eut un intérêt spécial pour le hadith, lut beaucoup sur le sujet, reçut les diplômes de bon nombre de savants, et acquit la juste et méritée réputation d'être une importante traditionaliste. Vers la fin de sa vie, elle s'installa à la Mecque, où elle fonda une riche libraire publique. Dans la ville sainte, d'éminents traditionalistes assistèrent à ses cours et reçurent leurs certificats par elle-même. Il peut être mentionné, parmi eux, en particulier Shaykh Umar al-Hanafi r.a. et Shaykh Muhammad Sali r.a.. Elle mourut en 1247/1831 52.

A travers l'histoire, l'érudition des femmes savantes en islam ne se limitait pas à un simple intérêt pour les traditions ou à des cours particuliers dispensés à quelques individus. Elles passèrent en effet sur les bancs des étudiants avant de devenir enseignantes dans les institutions d'éducation publique, aux côtés de leurs frères en foi. Les colophons de nombreux manuscrits les représentent à la fois en tant qu'étudiantes assistant à des cours magistraux qu'en tant que professeurs titulaires. Par exemple, l'acte des volumes 238-40 de al-Mashikhat ma al-Tarikh de Ibn al-Boukhâri r.a. montre plusieurs femmes suivant un cours de onze volets auquel assistait plus de cinq cent étudiants à la mosquée de Umar à Damas en l'an 687/1288. Un autre acte du volume 40 du même manuscrit montre des étudiantes, dont les noms sont spécifiés, à un cours de six séances sur le livre, dispensé par Ibn Al-Sayrafi r.a. à une classe de plus de deux cents étudiants à Alep en l'an 736/1336. Dans le volume 250, nous découvrons qu'une célèbre traditionaliste, Umm Abd Allah, donnait un cours de cinq séances sur le livre à une classe mixte de plus de cinquante étudiants, à Damas en l'an 837/1433 53 .

Plusieurs notes sur le manuscrit du Kitab al-Kifaya de al-Khatib al-Baghdadi ainsi qu'une série de traités sur les ahâdîth montrent Ni'ma bin Ali, Umma Ahmad Zaynab bint al-Makki et d'autres traditionalistes femmes dispensant des cours sur ces deux livres, soit seules, soit conjointement avec des traditionalistes hommes dans les principales écoles telles que Aziziyya Madrasa et la Diyaiyya Madrasa. Ahmad, le fils du célèbre général Salah al-Din suivit quelques uns de ces cours 54.

1 Maura O'Neill, "Women Speaking, Women Listening" (Maryknoll, 1990CE) , 31 : "Les Musulmans n'ont pas recours à un Dieu mâle comme moyen conscient ou inconscient dans la construction du rôle des deux sexes".

2 Pour une synthèse globale sur la question du statut des femmes en islam, voir M. Boisers, L'Humanisme de l'islam (3ème édition, Paris, 1985CE), 104-10.

3 Al Khatib, Sunna, 53-4, 69-70.

4 Voir ci-dessus, 18, 21.

5 Ibn Sa'd, VIII, 355.

6 Suyuti, Tadrib, 215. التدريب للسيوطي

7 Ibn Sa'd, VIII, 353.

8 Maqqari, Nafh, II, 96.

9 Wustenfeld, Genealogische Tabellen, 403.

10 Al Khatib Al Baghdadi, Tarikh Baghdad, XIV, 434f. تاريخ بغداد

11 Ibid., XIV, 441-44.

12 Ibn Al Imad, Shsadharat Al Dhahah fi Akhbar man Dhahah (Cairo, 1351), V, 48 ; Ibn Khallikan, no. 413.

13 Maqqari, Nafh, I, 876 ; cité dans Muslim Studies de Goldziher, II, 366.

14 Goldziher, Muslim Studies, II, 366. "Il est très commun en fait de retrouver dans l'ijaza de la transmission de Bukhari le nom de Karima Al Marwaziyya parmi les autres noms de la longue chaîne de transmission"(ibid.)

15 Yaqut, Mu'jam Al Udaba', I, 247. معجم الأدباء

16 COPL, V/i, 98f.

17 Goldziher, Muslim Studies, II, 366.

18 Ibn Al Imad, IV, 123. Sitt Al Wuzara' était également une éminente juriste. Des juristes l'invitèrent au Caire afin qu'elle donne sa fatwa sur une épineuse question.

19 Ibn Al Athir, Al Kamil (Cairo, 1301), X, 346.

20 Ibn Khallikan, no. 295.

21 Goldziher, Muslim Studies, II, 367.
Ibn Al Imad, VI. 40.

22 Ibid., VIII, 14.

23 Ibn Salim, Al Imdad (Hyderabad, 1327), 36.

24 Ibn Al Imad, IV, 100.


25Ibn al-Imad, IV, 100.

26Ibn Salim, 16.

27Ibid., 28f.

28Ibn al-Imad, VI 56.

29Ibid., 126 ; Ibn Salim, 14, 18 ; al-Umari, Qitf al-Thamar (Hyderabad, 1328), 73.

30Goldziher, Muslim Studies, II, 407.

31Ibn Battuta, Rihla, 253.

32Yaqut, Mu'jam al-Buldan, V, 140f.

33Yaqut, Mu'jam al-Udaba, 17f.

34COPL, V/i, 175f.

35Ibn Khallikan, no.250.

36bn al-Imad, V, 212, 404.

37Plusieurs manuscrits de cet ouvrage ont été préservés dans les bibliothèques. Il fut publié à Hyderabad en 1348-50. Le volume VI du Shadharat al-Dhahab de Ibn al-Imad, un vaste dictionnaire biographique des éminents savants musulmans du premier au dixième siècles de l'Hégire est largement basé sur ce texte.

38Goldziher, habitué à un environnement exclusivement masculin dans les universités européennes du dix-neuvième siècle est déconcerté par la scène décrite par Ibn Hajar. Cf.Goldziher, Muslim Studies, II, 367 : "A la lecture du fantastique travail biographique de Ibn Hajar al-Asqalani sur les savants du huitième siècle, il y a de quoi s'émerveiller devant le nombre de femmes savantes auxquelles l'auteur a consacré ses articles."

39Ibn Hajar, al-Durar al-Karima fi Ayan al-Mi'a al-Thamina (Hyderabad, 1348-50), I, no. 1472.

40Ibn al-Imad, VIII, 120f.

41Ibid., VI, 208. Al-Iraqi (la plus célèbre autorité en matière de ahadith de Ihya Ulum al-Din de Ghazali) assura que son fils étudia auprès d'elle.

42Il existe un résumé réalisé par Abd al-Salam and Umar ibn al-Shamma' (C. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, second ed. (Leiden, 1943-49CE), II, 34). Un manuscrit en mauvais état de ce dernier est préservé à la bibliothèque O.P. à Patna (COPL, XII, no.727).

43Ibid.

44Sakhawi, al-Saw al-Lami li-Ahl al-Qarn al-Tasi (Cairo, 1353-55), XII, no. 980.

45Ibid., no. 58.

46Ibid., no. 450.

47Ibid., no.901

48al-Aydarus, al-Nur al-Safir (Baghdad, 1353), 49.

49Ibn Abi Tahir, see COPL, XII, no. 665ff.

50Ibid.

51Goldziher, Muslim Studies, II, 407.

52al-Suhuh al-Wabila, see COPL, XII, no. 785.

53COPL, V/ii, 54.

54Ibid., V/ii, 155-9, 180-208. Pour certains manuscrits annotés particulièrement riches conservés à la bibliothèque Zahiriya de Damas, voir l'article de Abd al-Aziz al-Maymani dans al-Mabahith al-Ilmiyya (Hyderabad : Da'irat al-Ma'arif, 1358), 1-14.

Source : Musulmane.com

vendredi 19 octobre 2007

Sidi Abû-l-Hassan Ash-Shadhili

Sidi sheikh Abû-l-Hassan Ash-Shadhili
L’Imâm Abû Al-Hasan (1196- 1256), est décédé en 656 A.H. en Egypte, dans une ville côtière de la Mer Rouge, sur son chemin pour le pèlerinage. Il eut pour disciple Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, lui-même Sheikh du célèbre Imâm Ahmad Ibn `Atâ’ Allâh As-Sakandarî, l’auteur des Hikam et de Latâ’if Al-Minan. Sheikh Al-`Izz Ibn Abd As-Salâm assistait à l’assemblée de Sheikh Abû Al-Hasan et avait une grande estime pour lui.

Il dit au sujet du soufisme: "Le soufisme est un entraînement spirituel pour adorer Dieu comme il se doit et pour se soumettre à la Loi divine".

Un homme vint voir le Cheikh El Shadili pour se plaindre des très nombreux péchés d'un de ses voisins. Le Cheikh lui dit : " Tu es à l'évidence quelqu'un qui n'aime pas voir le péché sur terre. N'est-ce pas ? Eh bien, sache que celui qui ne supporte pas de voir les hommes commettre des fautes n'accepte pas non plus de voir s'exercer la miséricorde d'Allah, et il ne supportera pas l'intercession du Prophète le jour du jugement dernier."

Me trouvant un jour dans une grotte, dit le cheikh Abu l’-Hassan al-Shadili, je m’adressai ainsi à Dieu :
- Mon Dieu, quand serai-je un serviteur plein de gratitude à Ton égard (‘abd shakur) ?
- Lorsque que tu considéreras que tu es le seul à jouir des bienfaits divins, me fut-il répondu.
- Mon Dieu, dis-je, comment pourrai-je me percevoir comme le seul être auquel Tu prodigues Tes bienfaits, alors que les ont reçus auparavant les prophètes, les savants en matière religieuse ainsi que les rois ?
J’eus cette réponse :
- Sans les prophètes, tu n’aurais pas eu de modèle spirituel; sans les savants, tu n’aurais par pu rendre ta vie conforme à la Loi divine; sans les rois, tu ne serais pas en sécurité. Tous ces êtres constituent donc mon bienfait pour toi

Quand tu invoques Dieu, que ton souci ne soit pas de voir ta requête exaucée, mais seulement de t'adresser à ton Maître

Une nuit je vis en rêve le Prophète (ssp). Il me dit : "O Ali, purifie ton habit de ses impuretés et tu obtiendras le soutien divin à chacun des tes souffles." Je lui dis : "Quel est cet habit, O envoyé de Dieu ? Dieu, me répondit-il, t'a revêtu des parures de la foi, de la connaissance, de l'amour et de la reconnaissance de l'unicité divine. C'est alors que je compris le sens du verset : "Et tes habits, purifie les" (Coran 74, 4).

l’oeil du coeur est comme l’oeil : la moindre poussière qui tombe dedans l’empêche de voir, même si elle ne le rend pas aveugle. Il y a un péril dans ce qui brouille la vue et rend les pensées troubles. Les désirer enlève tout le bien, et agir en fonction d’elles retire à la personne une partie de son islam et lui fait arriver à l’opposé. Quand cela atteint un point où on attaque la communauté, où on devient continuellement injuste afin de préserver son rang et sa position et où l’amour de ce monde l’emporte sur l’amour de l’Autre Monde, l’islam quitte complètement la personne. Ne sois pas leurré par ce que tu vois autour de toi : il n’y a de véritable esprit que dans un islam consistant à aimer Dieu et Ses serviteurs.
Abil Hassan Ash-Shadili nous a laissé cette recommandation :
« Il est quatre qualités que doit présenter tout disciple, qui vaque aux affaires de ce monde ; s’il en est dépourvu, inutile de se donner la peine avec lui, combien même se serait l’homme le plus instruit de la terre : qu’il évite la compagnie des tyrans, qu’il préfère les gens pieux, qu’il secoure les miséreux, et enfin , qu’il s’astreigne à prier les cinq prières quotidiennes en commun.»
Le fait de voir Dieu par l’oeil de la foi et de la certitude nous a libéré de tout recours à la pensée discursive.
Source : http://al.alawi.1934.free.fr/

jeudi 18 octobre 2007

Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish

As-Salam alaikoum ;

Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish (عبد السلام بن مشيش العلمي) est un saint soufi, originaire de la région de Beni Aross dans le Tangérois. Du XIIIe siècle jusqu'au XIVe siècle, le saint homme se retira a jabal La'lam où est situé actuellement son mausolée.
Au début de chaque juillet de chaque année les chorfas Alamiyine commencent à célébrer le moussem de ce saint connu pour être le sultan des Jbala, le protecteur de la vallée.
Il fut aussi l'initiateur de Abou Hassan al-Chadhili au soufisme.
Moulay Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish est d'une auguste descendance puisque c'est un Idrisside, descendant de Al Hassan.

Al-Huwwât, Rawda, 602

"Le raisonnable ne se laisse pas entraîner par sa plume, car les mots n'expriment pas toujours ce qui habite les coeurs, d'autant plus que le sujet est glissant , et que ce qui est de l'ordre de la tradition n'appelle pas l'interprétation. Il y a eu parmi ses descendants et ceux de ses frères et oncles un nombre incalculable de savants confirmés qui se sont arrêtés aux limites de ce qui a été rapporté à son sujet, et ils n'ont consigné que ce qui revient à sa généalogie, à sa voie, à ses vestiges au Alam, à sa tombe, aux circonstances de son assassinat, au désaccord sur la date de sa mort, et à ce qui a été rapporté par ceux qui ont fait connaître son disciple, le pôle Abû-l-Hasan al-Shâdili, concernant ses conseils et ses dires. Quant à sa prière authentifiée et connue dans toutes les régions du monde, la beauté de sa rhétorique frise l'inimitable, et tous ceux qui la récitent témoignent de ses effets bienfaisants."

Etude de Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish

Nous connaissons peu de chose sur les enseignements qu’il a suivi, nous ne trouvons que de rares indications éparses dans les notes biographiques.
Al-Lhîouî dans Hisn al-salâm dit : « Quand Moulay Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish est arrivé à l’âge d’apprendre, son père notre seigneur mashîsh le fit entrer dans une école coranique. A l’âge de 12 ans, il a déjà appris le Coran dans sept versions phonétiques auprès –dit-on– du saint vertueux Sidi Salim enterré dans la tribu Bani Yûsuf. On rapporte également que parmi ses maîtres en matière de sciences religieuses, figure le vertueux faqih al-haj Ahmad sit Aqatrân enterré à proximité du village Aburj dans la tribu des Akhmâs, non loin de Bab Taza. Il a reçu de lui les sciences juridiques selon la mudawwana, vulgate de ladoctrine malikite ». Il a eu trois autres maîtres dans l’apprentissage du Coran, son frère al-haj Mûsa al Ridâ, le cheikh Muhammad ibn Ali al-Misbahi et al-Hasan al-Dawâlî enterré à la grande mosquée de Ouezzane. Quant à son initition spirituelle, elle fut l’œuvre de Abd al-Rahman al-Madanî al-Hassanî surnommé al-Zayyât.

L'assassinat de Sidi Abd-as-Salam ibn Mashish

C'est pendant la décadence almohade, Ibn Abî al-Taouâjin était le gouverneur du sultan Yahya al-Mutasim, s'est déclaré prophète et a vu en Abdeslam un ennemi et dans son activisme un sérieux obstacle à ses projets. Selon Ibn Zâkûr:"La raison qui a fait d'Ibn Abî al-Taouâjin l'ennemi du pôle est qu'il a imaginé à travers sa sorcellerie et sa fausse prophétie que celui qui le tuerait est un saint. Il pensa donc à Sidi Abdeslam car il n'y avait en son temps et en cette contréé personne qui soit qualifié de saint comme lui, d'autant plus que la distance entre eux était courte...". Il a été assassiné un peu au dessus de la source où il avait l'habitude de faire ses ablutions.


As-Salat Al-Mashshiyya en audio :


http://www.4shared.com/file/25588351/ec ... d=a1b1b3fa



Traduction Française :

Ô mon Dieu, bénis celui dont dérivent les secrets et dont jaillissent les lumières.
Bénis celui dans lequel s'élèvent les réalités et en lequel furent descendues les sciences d'Adam, de sorte qu'aucun d'entre nous ne peut saisir son immensité.

Les jardins du monde spirituel sont ornés par la fleur de sa beauté, et les bassins du monde de la Toute Puissance débordent par le flux de ses lumières.

Il n'existe pas de chose qui ne soit liée à lui, car s'il n'y avait pas le médiateur, tout ce qui en dépend disparaîtrait.

Ô mon Dieu, accorde-lui une bénédiction telle qu'elle lui revient par Toi et de Ta part, selon l'étendue de sa dignité.

Ô mon Dieu, joins-moi à sa postérité et accorde-moi d'être parmi les Justes par son intermédiaire.

Fais que je le connaisse par une connaissance qui me détourne des abreuvoirs de l'ignorance et me désaltère aux abreuvoirs de la vertu.

Porte-moi sur son chemin, enveloppé de Ton aide, vers Ta présence. Utilise-moi pour frapper sur toute vanité afin de la détruire.

Plonge-moi dans les océans de l'Un, tire-moi des bourbiers du chemin vers l'Unité, noie-moi dans la source pure de l'océan de l'Unicité, afin que je ne voie, ni n'entende, ni ne sois conscient, ni ne sente que par elle.

Et fais du Voile Suprême la vie de mon esprit, et de Son esprit le secret de ma réalité, et de Sa réalité tous mes mondes, par la réalisation de la Vérité première.

Ô Premier, Ô Dernier, Ô Extérieur, Ô Intérieur, écoute mon appel, ainsi que Tu as écouté l'appel de Ton serviteur Zacharie ; viens me secourir, aide-moi à m'orienter vers Toi, réalise l'union entre moi et Toi, et efface tous les liens entre moi et autre que Toi.

Allah ! Allah ! Allah !

" En vérité, Celui qui t'a inspiré le Coran te ramènera là où nous tous retournons " (Coran XXVIII, 85)

" Notre Seigneur, accorde-nous une Miséricorde de Ta part, et dispose de notre sort conformément à la voie droite " ( Coran, XVIII, 10)

" En vérité, Dieu et Ses Anges bénissent le Prophète ; Ô vous qui croyez, priez pour lui et appelez la paix sur lui." (Coran XXXIII, 56)

Que les grâces, la paix, les salutations, la miséricorde et les bénédictions de Dieu se répandent sur notre seigneur Muhammad, le prophète illettré qui est Ton serviteur, Ton prophète et Ton envoyé.

Qu'elles se répandent aussi sur sa famille et sur ses compagnons et qu'elles soient aussi nombreuses que les paroles parfaites et bénies de notre Seigneur.

" Gloire à ton Seigneur, le Seigneur de la Toute Puissance, Celui qui est au-delà de ce qu'ils imaginent. Que la paix soit sur les envoyés de Dieu. Louange à Dieu, le Maître des mondes " (Coran, XXXVII, 180-182)



Transcription de la Salât Al mashîshiyya







« Allahumma salli a‘lâ man minhi Inshaqqat al-asrâr wa Infalaqati al-anwâr


wa fîhi Irtaqati al-haqâiq wa tanazzalat ‘ulûmu âdama fa a‘jaza alkhalâiq wa

lahu Tadâalati Al-fuhûm fa lam yudrikhu minnâ Sâbiqun wa lâ lâhiqun

fariyâdu al-malakûtu bizahri jamâlihi mûniqa wa Hiyâdu al-jabarûti bifaydi


anwârihi mutadaffiqa Wa lâ shay’a illâ wa huwa bihî manût idh lawlâ al-

wâsitatu ladhahaba kamâ qîla al-mawsût Salâtan talîqu Bika minka ilayhi

kamâ huwa ahluhu.

Allahumma innahu sirruka aljâmi‘u addâllu ‘alayka wa hijâbuka al-a‘zamu al-

qâimu laka bayna yadyka. Allahumma alhiqnî binasabihi wa haqqiqnî

bihasabihi.

Wa ‘arrifnî iyyahu ma‘rifatan aslamu bihâ min mawâridi aljahl Wa akra‘u bihâ

min mâwâridi alfadl, wa hmilnî ‘lâ sabîlihi ilâ hadratik hamlan mahfufan

binusratik, wa qdhif bî ‘alâ al-bâtil fa adhmaghahu, wa zujja bî fî bihâri al-

ahadiyya, wa nshulnî min awhâli al-ttawhîd, wa aghriqnî fî ‘ayni bahri al-

wahda hattâ lâ arâ wa lâ asma‘a wa lâ ajida wa lâ uhissa illâ bihâ. Wa j‘ali al-

hijâba al-a‘zama hayâta rûhî wa rûhahu sirra haqîqatî wa haqîqatahu jâmi‘a

‘awâlimî bi tahqîqi al-haqqi al-awwali : Yâ awwalu, yâ âkhiru, yâ zâhiru, yâ

bâtin, isma‘a nidâî bimâ sami‘ata bihi nidâa ‘abdika sayyidinâ Zakariyyâ

‘alayhi assalâm, wa nsurnî bika lak wa ayyidnî bika lak wa jma‘a baynî wa

baynak wa hul baynî wa bayna ghayrik, Allâh , Allâh, Allâh. Inna alladhî

farada ‘alayka al-qurâna la râddika ilâ ma‘âd. Rabbanâ âtinâ min ladunka


rahmatan wa hayyi’ lanâ min amrinâ rashadâ. »


Interprétation de la Salât Al mashîshiyya

Sujet de thèse pour le diplôme de La Sorbonne : Al-harrâq et sa mystique (mort en 1845)

« Allahumma correspond à Yâ Allah en éliminant le Yâ et en ajoutant le Mîm, c'est un Nom englobant l'essence divine et tous les attributs de Sa grandeur. C'est le Nom suprême chez le commun des connaisseurs. Salli , la prière sur le Prophète est de la part de Dieu une miséricorde, de la part des anges une demande de pardon et de la part des serviteurs une prière pour implorer Sa miséricorde. La miséricorde est une finesse, une sensibilité et une faiblesse du cœur. Par rapport à Dieu, il est impossible de la comprendre de la sorte, c'est plutôt la grâce et les bienfaits envers le Prophète (paix et salut sur lui). Ces bienfaits et cet élitisme sont spéciaux à l'égard du Prophète et ne peuvent être égalés par aucun de Ses bienfaits envers les autres créatures. Le prophète est la lumière de l'existence et est l'origine de toute chose créée et existante. L'existence d'une chose est une miséricorde pour elle, par conséquent le Prophète paix et salut sur lui est la miséricorde pour les univers et une guidance pour les croyants. Dieu a même fait du Prophète l'intermédiaire et la liaison, car sa station est inconnue, sa noblesse et sa grandeur ne seront jamais égalées par aucune des créatures.

Inshaqqat -qui veut dire fendre ou émerger – c'est-à-dire de sa vérité (celle du prophète : la vérité Mu h ammadiénne) lumineuse qui provient de la vérité de Son essence s'est répandu les secrets ( Asrâr sing. Sirr ) dans les secrets (les cœurs) des gnostiques et les états spirituels des réalisés. Le sirr est ce qui est profond de vérité subtile et éternelle. Cette vérité englobe toutes les vérités : de l'Essence, du Nom et de l'Attribut : elle est ce qui existe dans l'existence au-delà du temps, de l'incarnation ( al- h ulûl ) et de tout ce qui ne se mesure pas à elle.

Infalaqat veut dire apparaître de Son essence et de Sa vérité de part la constitution de sa beauté.

Al anwâr –les lumières – c'est-à-dire les attributs de l'existence (al takwîn ) sont apparus grâce à la vérité Mu h ammadiénne. C'est les lumières qui montrent la voie vers l'essence et qui à travers elles, Dieu guide celui qu'Il veut guider vers la connaissance de ces secrets qui émanent du secret Mu h ammadien qui englobe les secrets de l'univers.


Irtaqati ce verbe exprime l'élévation et la grandeur qui n'admet pas la comparaison et qui est au dessus de tout car elle se diversifie et prouve la perfection de la puissance au regard de la sagesse.


Alhaqâiq –les vérités- quelque soit ces vérités, elles sont toutes issues de la vérité A h madienne. Il est, paix et salut sur lui, le flambeau qui illumine toutes les lumières et le minerai à partir duquel tous les secrets ont été constitués.


Tanazzalat ‘ulûmu âdama (3) : c'est les noms qui constituent la beauté Mu h ammadiénne, sa vérité et son essence. Il n'y a pas de nom qui ne coïncide pas avec une de ses lumières essentielles ou avec une manifestation de ses attributs. C'est dans ce sens que le poète (4) dit : Pour toi (o Mu h ammad) a été révélé l'essence des sciences de la part du Connaisseur des secrets et parmi ces sciences les noms que Dieu avait appris à Âdam. C'est lui -paix et salut sur lui- la vérité qu'on a appelé par ces noms. Il connaissait les noms que Dieu avait révélé à Âdam et il connaissait en plus l'utilité, les qualités de ces noms et d'autres sciences que lui seul pouvait connaître.




Fa a‘jaza alkhalâiq : c'est-à-dire les créatures ont été réduits à l'incapacité et l'impuissance. Ils ne peuvent percevoir sa vérité englobant les vérités universelles. Il est le secret caché par la présence de la création qui constitue le grand voile visualisant la différence. Sa grande station dépasse ce que peut atteindre l'intellect, elle est le voile de la vérité.


Ta d âalati : ce verbe évoque aussi l'impuissance et l'imperfection.


Alfuhûm : masculin de fahm – la compréhension - c'est la lumière subtile qui permet la compréhension consciente, c'est dans ce sens que l'auteur de la Burda (5) (le manteau) dit : Comment des gens insoucieux qui sont distraits à cause de leurs rêveries pourraient comprendre sa vérité !


Si les compagnons eux même, bien qu'ils furent la meilleur communauté et que leur station fût grande, n'ont pas pu voir en Gabrielle (paix et salut sur lui) que la beauté de Di h yata Alkalbî (6) , comment alors quelqu'un pourrait comprendre la réalité de Mu h ammad (paix et salut sur lui) ?! Il est le secret protégé par l'Essence et l'origine de l'existence des créatures des cieux et de la terre…


Sâbiqun : nul parmi les précédents ne peut connaître son secret. Il est l'Imam qui devance les mondes car il est l'origine et l'explication judicieuse du monde apparent.


Wa lâ lâ h iq : Malgré sa manifestation apparente, nul parmi ceux qui sont venus après ne peut comprendre sa vérité. Il est la lumière à laquelle sont rattachées toutes les lumières par sa lumière et il est la dernière lumière.


Fariyâ d u : les paradis ou les jardins, Almalakût : Son royaume, bizahri jamâlihi : c'est le monde de lumière qui jaillit du monde de l'essence vers le monde des Noms et des Attributs.


Mûniqa : qui plait à tout ceux dont l'œil du cœur n'est pas voilé et dont la lumière du secret intime brille. En tant que vérité immuable, Dieu Se déploie (théophanie) dans le monde à travers Ses signes : Son signe le plus grand est la vérité de la beauté Mu h ammadiénne. C'est un déploiement infini d'une Création qui repose sur la "Compassion" divine ( ar-ra h man ).


Riyâ d u est utilisé ici pour faire allusion à son essence et zahri (fleurs ou parfums) est utilisé pour faire allusion à la manifestation de ses attributs : c'est le guide vers l'Essence divine, et la preuve de Sa perfection, par l'apparition des attributs et la clarté des signes.


H iyâ d u (sing. H aw d ) c'est le réservoir ou le bassin où l'eau se rassemble pour irriguer les jardins. Cela fait allusion à la vérité essentielle source de toutes les vérités qui donne la vie.


Al-jabarût : les secrets de Son Essence ( Monde de l'omnipotence et des lumières originales).

Ce monde jaillit (émane) de la lumière de l'existence cosmique ( takwîniyya). Il concerne ce que Dieu a octroyé à son élu Prophète (paix et salut sur lui), de puissance et de volonté.


Anwârihi : ses lumières essentielles

Mutadaffiqa : ces lumières jaillissent par une force et une abondance.

Wa lâ shay'a : Toute chose dans les univers.

Illâ wa huwa bihi manû t : est liée à lui car il en est l'origine. Toute chose dans les univers est une branche et une conséquence de son existence principielle et essentielle.


Idh lawla alwâsi t atu : l'intermédiaire et le moyen qui est Mu h ammad.


Ladhahaba kamâ qîla almawsû t : Si ce n'étais pas toi ô Mu h ammad qui est l'intermédiaire, toute chose ( almawsû t ) ne serait pas créée et serait anéantie ( i d ma h allat ). Ceci est une chose admise par les savants exotériques et ésotériques et reconnue par la logique et la tradition (révélée). Les choses ne seraient pas sorties du néant, si tu ne devais pas être créé.

S alâtan talîqu : une prière qui honore son rang élevé…


Bika minka ilayhi kamâ huwa ahluhu : de Toi vers lui car Tu possèdes la science ancienne et personne ne peut connaître son rang hormis Toi.


Allahumma innahu sirruka aljâmi‘u : Il est Ton secret subtile, et il est la synthèse de la lumière de Ta beauté,

Addâlu : qui s'étend et se répand pour guider vers Toi : par la parole, l'état, l'essence et l'aspiration ( himma ).


‘ alayka : vers l'essence de s secrets de Son Essence ( Monde de l'omnipotence et des lumières originales) qui se manifeste dans le Malakût (le Royaume).


Wa h ijâbuka : c'est-à-dire le voile (Mu h ammad) que Tu as mis pour « voiler » Ta Gloire et Ta Grandeur sublime, car Tu es Le Superbe, Celui qui se magnifie ( Al-Moutakabbir ). Personne ne pourra ainsi parvenir à Ta connaissance sauf par une providence (‘ inâya ) venant de Toi. Tu T'es voilé par Ton dévoilement, car même en état de voile, Tu es Le plus apparent parmi toute chose par Tes signes évidents dans les univers.


Al-a‘a z am : Ce voile a montré Ta puissance dominante et Ta sagesse manifeste. Tu as montré le point de l'unicité dans la diversité des choses contradictoires. Tu as montré la manifestation de la proximité à travers les enceintes de l'éloignement. Tu es ainsi L'Extérieur, l'Apparent ( Az- Z ahir ) par ce qui Te cache, et Tu es L'Intérieur, le Caché ( Al-Bâ t in ) par Ta manifestation.

Tu as réalisé la vérité Mu h ammadiénne dans tout cela, Mu h ammad paix et salut sur lui est le voile venant de Toi pour Toi (pour Te voiler) et le guide vers Toi par Ta lumière première.


Alqâimu laka bayna yadayka : Ce voile est entre les Mains de Ta Contemplation ( shuhûdika ). Ne peut se trouver dans la présence de cette contemplation que celui qui dans la manifestation muhammadiénne, se réalise par les attributs de la servitude où réside les attributs de la seigneurie. La confirmation dans la station de la liberté (7) est tributaire de la confirmation dans la station de la servitude. La servitude est le talisman de la liberté et la liberté est le secret de la servitude. Celui qui réalise la servitude jusqu'à ce qu'elle soit pour lui une nature, réalisera sans doute la liberté. Et Dieu est plus Savant.


Allahumma al h iqnî binasabihi : O mon Dieu affecte moi à sa filiation lumineuse et argileuse, afin que je réalise sa vérité et que je tourne autour de son cercle (le cercle fait allusion à sa vérité) jusqu'à qu'il ne me quitte d'un clin d'œil comme cela était le cas pour le pôle Sidi ‘Abdessalam Ibn Mashîsh.


Wa h aqqiqnî bi h asabihi : Confirme o mon Dieu mon affectation à sa gloire et son honneur…Il insinue ici par le « h asab » : le breuvage, le goût et le sens de ses attributs. C'est-à-dire même si je ne suis pas à la hauteur de son rang élevé, o Dieu fasse – par Ta grâce- que je sois réalisé par ses qualités sublimes.


Wa ‘arrifnî iyyahu : Fais moi connaître le prophète paix et salut sur lui.

Ma‘rifatan : Une connaissance globale car la connaissance de l'élitisme du Prophète ne peut être attribué qu'à Dieu.

Aslamu bihâ : Tu me prémuniras et Tu me protégeras


Min mawâridi aljahl : des sources de l'ignorance et le la méconnaissance de sa valeur. Cette connaissance qui permet d'éviter la méconnaissance de sa valeur et de sa faveur se résume dans l'anéantissement ( al fanâ ) en lui. Car, si on s'anéantie en lui on sera présent et vivant par Dieu. Ceci est chez l'élite le plus haut degré car c'est le signe de la perfection. Abû Bakr avait dit à propos du Prophète : « J'ai aimé dans ce bas monde trois choses : que je m'assois entre tes mains, que je dépense mon argent pour toi, et que je prie sur toi abondamment. »

La femme d'Abû Bakr dit un jour à sa fille ‘Âïsha mère des croyantes : « remercie le Prophète paix et salut sur lui.. » (8) . Omar a dit après la mort du Prophète : « Je frapperai avec ceci (l'épée) quiconque ose prétendre que le Prophète paix et salut sur lui est mort ». Les réalisés perçoivent la présence Muhammadiénne en permanence par la grâce de Dieu.


Wa akra‘u bihâ : Je m'abreuve par cette connaissance.


Min mâwâridi alfa d l : des breuvages de la lumière des bienfaits et de la grâce. La lumière des bienfaits est la vision contemplative qu'on acquiert par l'effort continu ( almujâhada ). Sinon, cela ne peut être réellement atteint que par la grâce et la faveur purement divine sans aucune cause intermédiaire. Que Dieu prenne en sa miséricorde le poète soufi qui dit : « Je croyais que parvenir à Toi s'achetait au prix de sacrifices…Jusqu'à ce que je réalise que Tu prends en charge qui Tu veux par Ta grâce… »

Ce breuvage est le moyen d'accès à Sa présence. Ce moyen ne s'acquiert pas par les causes et ne s'obtient pas par le travail. La fin du travail ou de l'effort et son apogée, c'est le fait de s'arrêter devant Sa porte (la porte de Dieu). L'accès ou l'entrée ne peut avoir lieu que par Sa générosité.


Wa h milnî ‘alâ sabîlihi ilâ h a d ratik : porte moi par ce chemin de Ta providence -qu'est le Prophète- vers Ta présence. C'est-à-dire vers une présence où Tu seras seul sans aucun idole dans mon cœur. Le prophète (pais et salut sur lui) est la preuve et le guide vers Toi par la grâce venant de Toi. Tu lui as donné sans cause et Tu l'as enrichi sans effort. Il était la preuve de Ta générosité.


H amlan ma h fûfan binu s ratik : Tu me porteras et Tu m'entoureras de Ta victoire et Ton soutien. Celui que Tu soutiens dans le cheminement vers Toi, ne sera pas lésé ou coupé de Toi à cause des obstacles. Tu es le Parfait dans Ta puissance, et Tu le protéges de la rupture du cheminement vers Toi par la vision des lumières de Ta sublimité. Tu assistes celui qui est sincère dans sa recherche de la vision de Ta face, et dans son désir de s'arrêter avec Toi (auprès de Toi) et avec personne d'autre que Toi.


Wa qdhif bî : jettes moi, car Tes attributs cacheront mes attributs jusqu'à ce que je sois une lumière de Tes lumières : c'est l'union.


‘alâ albâ t ili : le faux, l'orgueil : l'illusion de la séparation ( al-farq ) dans l'essence de l'union( al-jam‘a ) pour les gens de l'extinction en Dieu ( fanâ ). Et l'illusion de l'union dans l'essence de la séparation pour les gens de la subsistance en Dieu ( baqâ ) (les gens qui sont dans un état où l'extinction de la conscience dans la présence divine est accompagnée d'une grande lucidité envers le monde des phénomènes ) . Pour les gnostiques nul illusion, car l'évolution de la station de la séparation ( al-farq ) (la différence : on voit les choses comme elles sont dans le monde des phénomènes : différentes les unes des autres) à la station de l'union commence par un brouillard d'illusion mais finit par la confirmation dans la station. L'évolution de la station de l'extinction en Dieu ( fanâ ) à la station de la subsistance en Dieu ( baqâ ) passe par l'anéantissement dans cette subsistance et l'extinction de l'extinction : l'absence qui augmente la présence.


Fa admaghahu : Tu me permettras de toucher le faux en pleine tête et je le tuerais… J'extrairai l'illusion de l'essence de l'union et je ne verrai plus de séparation ( al-farq ) . J'extrairai l'illusion de l'essence de la séparation et je ne verrai plus d'union ( al-jam‘a ). Je serai dans (la station) de l'union et de la séparation en même temps : l'union ne me voilera pas la séparation, ni la séparation l'union ; mon extinction ne me détournera pas de ma subsistance, ni celle-ci de mon extinction. A chaque chose sera donnée sa part qui lui revient, envers chacune, je m'acquitterai de son dû.


Wa zujja bî fî bi h âri al-a h adiyya : Fais moi entrer dans les océans de l'union. A l-a h adiyya veut dire ici l'unicité pure ou l'union qui efface tout ce qui n'est pas Dieu du cœur. Je serai porté par les vagues de Ta puissance vers les manifestations de la séparation jusqu'à ce que je sois mélangé avec le point du témoignage de Son unicité pure ou de l'union : tafrîd . Ma vision sera celle de l'unicité envers la création de la beauté essentielle dans le grand espace du dépouillement ( al-tajrîd ). Je m'arrêterai avec l'essence et je serai absent des causes et des volontés : c'est le ravissement : jadhb.

Wa nshulnî min aw h âli al-ttaw h îd : Fais moi sortir ô mon Dieu (car je ne dois pas rester dans le ( jadhb ) : l'inconscience, le ravissement) des obstacles qui freinent mon cheminement, et qui m'empêche d'accomplir (de parfaire) l'union ( tafrîd). Ces obstacles sont le ( tawhîd ) : l'unicité ou l'attestation de l'unicité qui amène à la séparation : la différence entre le serviteur qui atteste ( Al-muwa hh id ) et le Seigneur : le sujet de l'attestation ( Al muwa hh ad ) : Le fait de voir que l'un est le contraire de l'autre au regard de la sagesse. Ceci constitue le frein de l'accomplissement de la vision de l'union pour ceux qui croient que la proximité réside dans l'existence de l'éloignement et que le contact ( al-itti s âl ) avec Lui réside dans l'exclusion ( a tt ard ) : cela est le cheminement pure ( Al-ssulûk al-ma hd ).


Wa aghriqnî fî ‘ayni ba h ri al wa h da : après m'avoir jeté dans les océans de l'unité qui est un dépouillement et un affranchissement des altérités ( al-aghyâr ) et une absence par rapport à toute chose existante : et ceci est un union sans séparation, une vie sans mort, une bienveillance ( lu t f ) sans densité (kathâfa ), une liberté sans dépendance, une puissance au dessus de la sagesse, une imparité ( watriyyatun ) sans parité ( shaf‘iyyatun ) , une antériorité sans postériorité, une extériorité sans intériorité, une vie dans le monde spirituel sans retour dans le monde des phénomènes (manifesté), et une entrée dans l'océan profond de la vérité sans noyade ou perte de conscience.

Sors moi (sauve moi) de cette sainteté incomplète, de ces chemins touffus de l'unicité, et inonde moi dans l'essence de l'océan de l'union ou la fusion ( al-wa h da ) qui englobe la présence (la vision) seigneuriale avec son opposé qui est la servitude, et la présence de la parité dans l'essence de la présence de l'imparité. Je serai ainsi, l'isthme ( barzakh ) entre les deux choses. Je verrai l'essence des choses ( al-‘ayn ) dans la différence ( al-bayn ). J'acquérrai l'union de l'union qui est la subsistance ( baqâ ) dans l'extinction ( fanâ ) : ceci est la sainteté complète.


Hattâ lâ arâ : par l'oeil du cœur - intelligence ( al-ba s îra ) qui est aussi le lieu de l'ouie, car il voit de là où il entend, et il entend de là où il voit. Par conséquent, il peut percevoir Celui qui est partout.


Wa lâ asma‘a : par l'ouie du cœur - intelligence ( al-ba s îra ), qui est aussi le lieu de la vision, car il entend de là où il voit et il voit de là où il entend.


Wa lâ ajida : et je ne trouverai (sentirai) dans la manifestation apparente de l'existence cosmique que l'essence de l'existence cosmique, par la manifestation de l'Intérieur dans l'Extérieur (la présence de l'intériorité dans Son extériorité) et du Premier dans le Dernier (la présence de Son antériorité dans Sa postériorité).



Wa lâ u h issa : je ne sentirai : c'est une exagération (une insistance) au sein de la présence à cause de la prédominance de l'intérieur sur l'extérieur. Jusqu'à ce que je sente dans le monde manifesté (le monde des phénomènes) ( ‘âlam al- h iss ) ce que je sens dans le monde spirituel ( ‘âlam al-ma‘anâ ), grâce à la force de la présence et la prédominance de l'état spirituel (extatique) ( al-wajd ) sur la conscience.


Illâ bihâ : je ne sentirai que par l'union ( al-wa h da ). Le sens de ceci – et Dieu est plus savant- est : la demande à Dieu de l'inonder dans la présence de l'essence de l'unité jusqu'à ce qu'elle pare son intérieur et son extérieur, qu'il ne voit que par elle, qu'il n'entend que par elle et qu'il ne sent dans ses états intérieurs que par elle.


Il est d'elle et par elle dans ses deux états : intérieurs et extérieurs. C'est le sens du fameux h adîth du wali «…et lorsque Je l'aime je suis son ouie par laquelle il entend, son regard par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied par lequel il marche ; s'il Me demande, assurément Je l'exaucerai ; s'il cherche près de Moi asile, assurément ; Je le lui donnerai. » (9)


Wa j‘ali al- h ijâba al-a‘ z ama : O Dieu, fasse que le monde dense ( ‘âlam al-kathâfa ) : le voile sublime qui est le monde manifesté, s'alimentant de l'essence des attributs et se caractérisant par la vérité mu h ammadiénne. Son côté humain –paix et salut sur lui- est équivalent à l'esprit du commun parmi les créatures. Gabrielle ne s'est il pas arrêté bien au dessous de la station où le Prophète s'est arrêté à cause de ses limites humaines (10).


H ayâta rû h î : O Dieu fasse que ce voile sublime soit la vie de mon esprit : la vie de l'esprit par la présence et l'absence par rapport à une partie des choses est une absence par rapport au tout. Car, la vie de l'esprit se réalise grâce à sa contemplation complète, sa contemplation de la vérité ne peut se compléter que par la vision de la différence des silhouettes (des corps) ( al-ashbâ h ) dans tous les esprits. L'esprit sans le voile est voilé en réalité, et en sa présence (en présence du voile) il est lié et vivant.


C'est pour cela que les esprits des communs après qu'ils aient quittés les matrices ( al-ar h âm ) sont dont l'isthme et ne sont destinés ni pour la vie d'ici bas ni pour l'au delà car ils n'ont pas encore vu le monde intérieur. Les esprits de l'élite sont eux à l'intérieur des cous d'oiseaux verts qui airent au paradis et qui convergent vers des lampes suspendues au dessous du trône, pour leur permettre de savourer les moments de proximité auprès de leur Bien Aimé dans le monde des silhouettes. Ce monde implique la perfection seigneuriale par la manifestation de l'union (la fusion) dans les miracles des choses opposées s'alimentant du monde des attributs qui sont dans l'au-delà plus beaux et plus majestueux. Les communs sont -après leur mort -enveloppés dans l'essence ( al-dhdhât ). Ils sont après leur mort, cachés et intérieurs car ils se sont manifestés dans le monde d'ici bas par leur existence. L'élite, quant à elle, est, après sa mort, répandue par les attributs. Et elle est après la mort, dans la manifestation et l'illumination car elle était dans cette vie, cachée et intérieure grâce à son extinction dans la contemplation. Le fait de voir la séparation dans l'union, montre la vie de l'esprit et sa manifestation dans le monde des attributs.


Wa rû h ahu sirra h aqîqatî wa h aqîqatahu jâmi‘a a‘wâlimî : C'est-à-dire l'esprit de Son essence qui est élevé par la noblesse de Ses lumières et ne peut être comparé à un autre esprit. Son esprit ne pourra se mêler ou s'unir à un autre jusqu'à ce que ce dernier s'élève à la station spirituelle par la persévérance dans la purification : il s'élève par ce biais dans la station de lumière originale jusqu'à ce qu'il parvient à la station de l'esprit. C'est là où la réunion avec lui paix et salut sur lui se réalise. Mais cette réunion n'est qu'une réunion des rayons avec la lumière et non la réunion des lumières avec les lumières. Le prophète ne pourra en fait jamais être égalé. Il est la première manifestation de l'existence cosmique. La lumière Subtile a été projetée sur lui en premier puis, de lui ont émergé les phénomènes. Il n'y a pas au-delà de la lumière de Mu h ammad que la lumière originale. Il (Mu h ammad) voit le monde de l'omnipotence et des lumières originales ( al-jabarût ) par son affirmation en son sein. C'est pour cela qu'il a pu voir son Seigneur par l'œil de sa tête et il « ne fut plus qu'à une longueur d'arc (tout prés) ou plus prés encore » (11) , et la vision de Dieu lui était possible sans même des conséquences sur sa constitution d'humain. C'est parce qu'il est resté toujours dans le monde original et n'est apparu dans l'existence que son ombre. Les gens qui ne sont pas des experts (des connaisseurs) ont cru que c'est son essence qui est apparu. Ses compagnons ont pu le percevoir et personne d'autre.


Bi ta h qîqi al- h aqqi al-awwal : par la réalisation de la vérité première. Une vérité dépourvue des obstacles des formes et des voiles.


Yâ awwalu : O Premier en étant le Dernier sans personne avec Toi hormis Toi.

Yâ âkhiru : O Dernier en étant le Premier sans personne avant Toi. Que c'est merveilleux : comme l'existence se manifeste dans le néant ! Et comme se confirme Ton incidence bien que Tu aies l'attribut de l'antériorité absolue ( al-qidam ) !

Yâ z âhir : O l'Apparent dans Son Intériorité. Il est apparu par Son essence pour Son essence dans Son intériorité par Son essence par rapport à Son essence, car personne n'était avec Lui pour qu'Il apparaisse pour lui ou qu'Il s'intériorise par rapport à lui. Il est l'Apparent pour Son essence dans son intériorité par rapport à Son essence.

Yâ bâ t in : O l'Intérieur dans son extériorité (la manifestation de Ses signes). Il est Intérieur par Son essence par rapport à Son essence dans Son extériorité par Son essence pour Son essence car Il est l'Unique Existent dans Son extériorité (apparition) et Son intériorité. Il est donc l'Apparent à Son essence dans son intériorité et l'Intérieur à Son essence dans sa manifestation. Il est Lui ( huwa ), il n'y a avec Lui que Lui. Il est subtil dans Sa manifestation par Son intériorité due à Sa forte manifestation par la sagesse : on dira, Il est quelqu'un d'autre et personne d'autre avec Lui. Il est tellement subtil dans Sa manifestation et Son intériorité qu'Il se manifeste par sa forte intériorité grâce à l'omnipotence. Son sens est ainsi si fin que les compréhensions ne parviennent pas à le déceler et qu'elles restent éblouis derrière la sublimité et la magnificence. Les consciences restent incapables de comprendre dans tous les états. L'incapacité des consciences est une conscience. La sagesse de l'Omnipotent a fait qu'Il soit le Premier, le dernier, l'Apparent (l'Extérieur) et l'Intérieur.


Isma‘a : Entend ô mon seigneur


Nidâî : mon appel, et exauce le par Ta générosité grandiose.


Bimâ sami‘ta : que Tu agrées mon appel, comme pour lui paix et salut sur lui. Tu l'as laissé dans la subsistance en Toi ( baqâ ) après l'extinction. Son appel était de Toi, par Toi et pour Toi.


Nidâa ‘abdika : l'appel de Ton prophète que Tu as honoré par la servitude qui est en vérité le fait qu'il agit à Ta convenance et qu'il observe l'obéissance, qu'il suit Ta volonté et non la volonté de son âme.


Zakariyyâ : qui a mis entre les mains de Ta seigneurie sa plainte, et qui a montré son humilité, son besoin et sa faiblesse et il n'était pas malheureux (12) dans sa prière car elle fut accomplie par Ton autorisation et Ton agrément.


Wa n s urnî bika : donne moi la force pour que les cercles du monde manifesté qui sont l'ombre du soleil de la vérité, s'anéantissent et soient son soleil.


Laka : pour Toi car tout doit être pour Toi dans le commencement et la fin. »

Sidi Al ‘Arbi Addilâî, interrompt alors le récit en disant (13) : « ceci est la fin de l'interprétation de mon maître, mais j'ai eu une inspiration après avoir prié Dieu pour continuer le travail et je me suis permis malgré ma faiblesse d'intervenir (14) entre ces deux maîtres (Al- h arrâq celui qui interprète et ‘Abdessalam Ibn Mashîsh celui qui a écrit cette prière) que Dieu nous fasse profiter de leur bénédiction. Et je dis :

Wa ayyidnî bika lak : Il demande à Dieu le soutien par Lui pour Lui dans sa subsistance en Lui ( baqâ ). Ce n'est que grâce à ce soutien qu'il sera victorieux dans tous ses états pour que tout ce qu'il reçoit ou ce qu'il donne ne soit que par Dieu et pour Dieu.


Le soutien comme le définit Al-ghazâlî, est une consolidation du cœur – intelligence ( ba s îra ) venue de l'intérieur. C'est aussi, un affermissement des actions et une aide par les causes intermédiaires venus de l'extérieur. Il (le soutien) englobe la guidance qui provient du cœur – intelligence ( ba s îra ) et qui dévoile la réalité des choses. Il comprend de même, la maturité qui mène au bonheur, la bonne orientation vers le but ultime et la facilité pour l'atteindre.

Notre maître dit : Celui qui est guidé par Lui n'est pas absent à cause des faveurs et n'est pas subvertit par la souffrance : c'est un ésotériste en qui la conscience des causes est annihilée par la vision du Causateur des causes. Rappelle toi d'Ayyoub et Soloman (15).


Si cela est la limite (l'apogée) du soutien (divin) et ses conséquences, le gnostique réalisé doit le demander à Dieu pour parfaire sa réalisation et embellir son secret intime ( sarîra ) et son cheminement ( sayr ).


Dieu a dit à son prophète paix et salut sur lui qui est le plus grand connaisseur de Dieu et l'élu du Seigneur : « C'est Lui qui t'a soutenu par Sa victoire et par les Croyants » (16). Le soutien par Sa victoire est la vérité et le soutien par les croyants est la loi divine et la cause ( sharî‘a ). Le soutien par Sa victoire est ce qui est d'intérieur et d'ésotérique et le soutien par les croyants est ce qui est d'extérieur et de manifesté.


L'Imam demande à Dieu une volonté sur l'existence cosmique qui lui permettra de prendre de toute chose sans qu'aucune chose ne puisse le désorienter ou le distraire de Dieu. Il a eu ce qu'il voulait car Dieu lui a fait parvenir à la réalisation parfaite et la présence avec Lui. Et il fut exaucé aussi, car il a eu un disciple éminent et un soutien de Dieu en la personne d'« Abû al-hasan ashshâdhilî » qui donna naissance à cette voie (17).



Wa jma‘a baynî wa baynaka : unit entre moi et Toi, un union qui me protégera de voir un autre que Toi et grâce auquel je serai dans le chemin de la rectitude (droiture).


Il demande l'union de l'union : l'union dans la station de la subsistance en Dieu ( baqâ ) consiste à voir Dieu en toute chose, car il dit : unis entre moi et Toi. Il a confirmé ainsi son existence par son Seigneur. L'expression « inonde moi dans l'essence de l'océan de l'union ( al-wa h da ) … » fait allusion à la subsistance par Dieu ( baqâ ) après l'extinction, quant à l'extinction toute seule elle est exprimée dans : « jette moi ( zujja bî ) dans l'océan de l'unité ( al-a h adiyya )… »


Gloire à Celui qui a caché le mystère de la sainteté sous l'extérieur de la nature humaine ( bashariyya ) et qui a manifesté Sa magnificence seigneuriale en faisant apparaître l'état de la servitude.


Wa h ul baynî wa bayna ghayrika : épargne moi la présence dans mon cœur d'un autre que Toi. La réalité des choses réside dans leurs opposés : celui qui a fait rentré à son cœur la présence sacrée de son Seigneur le purifie de son implication dans le monde manifesté (le monde des sens) ( h iss ), jusqu'à ce qu'il parvient à Allah dépouillé : « Très certainement vous êtes venus à Nous seuls, tout comme Nous vous avions créés une première fois. » (18)

C'est pour cela qu'il dit pour terminer sa prière et pour montrer que « le terme, en vérité, est vers ton Seigneur » : (19)


Allâh, Allâh, Allâh : Il a répété trois fois ce Nom noble, pour que le lecteur s'abreuve de la clarté de l'eau de ce Nom sacré, pour qu'il frôle le sens du secret subtil, et que le Nom assure sa fonction dans son fort intérieur avec une rectitude sans déviation ou dérive.


L'Imam Al-Bukhârî dit : « chapitre de la répétition d'une parole trois fois pour l'apprentissage et pour mettre l'accent sur le fait que l'extinction est de trois sortes : une extinction dans les actions, une extinction dans les attributs, et une extinction dans l'essence (divine), la première correspond à l'établissement de la station de l'Islam, la deuxième correspond à la déclaration de la station de la foi et la troisième correspond à la présence dans la station de l'excellence. On peut dire plutôt que la première est le chemin vers Dieu, la deuxième est l'extinction en Lui et la troisième la subsistance par Lui ( baqâ ). Et Dieu est plus savant ».


Quand le prophète a émigré par son esprit ( rû h âniyyatihi ) de la Mecque de son humanité ( bashariyyatihi ), une émigration qui représente son effort spirituel ( mujâhadatihi ), vers Médine qui représente sa vision contemplative ( mushâhadatihi ), il a été appelé par l'annonciateur de son arrivée qui lui annonça la bonne nouvelle ( bishâratihi ) (il a parfait son effort et en a récolté les fruits, car il parvint à Son seigneur : le terme de son voyage).


Inna alladhî fara d a ‘alayka al-qurâna la râddika ilâ ma‘âd : c'est le verset coranique : « Oui, Celui qui t'a prescrit le Coran te ramènera certainement à un (beau) lieu de retour ». (20)

Ma‘âd : est un des noms de la Mecque.


Quand le connaisseur (le gnostique) s'affirme dans l'extinction et la vision, il revient à la subsistance par Dieu ( baqâ ), en se félicitant de la bonne nouvelle de l'ouverture ( al-fat h ), et de la rencontre (avec Dieu), content et joyeux, soutenu et victorieux.


Quand Le prophète paix et salut sur lui, quitta la Mecque il dit : « O Dieu, Tu m'as fait sortir de l'endroit le plus chère à moi, installe moi alors dans l'endroit le plus chère à Toi ». Le verset coranique suivant lui fut alors révélé : « Inna alladhî fara d a ‘alayka al-qurâna la râddika ilâ ma‘âd » : Dieu lui promis qu'il reviendra à la Mecque et ce fut accompli en l'année de la conquête ( ‘âmu al-fat h ). Le prophète rentra à la Mecque soutenu et victorieux. Sa religion fut honorée au dessus de tout et c'est à Dieu que revient la finale de toute chose.

Le gnostique est toujours dans le besoin permanent de Dieu ( i dt irâr ), il est tourné dans ses décisions vers Dieu seul, et il dépend entièrement de Sa faveur. Ainsi, le pôle continue à implorer la faveur divine en évoquant le verset :


Rabbanâ âtinâ min ladunka ra h matan wa hayyi' lanâ min amrinâ rashadâ : « O notre Seigneur, apporte nous de Ta part une miséricorde ; et arrange-nous une bonne conduite de notre affaire » (21) : le pôle (auteur de cette prière) demande à Dieu Sa miséricorde spéciale avec laquelle Il recouvre l'élu de l'élite. Il classe cette miséricorde parmi les dons purs ( min ladunka ) : qui viennent de Toi. Il a demandé à Dieu le secours et l'assistance ( madad ) sans un intermédiaire, un effort, ou une cause. En effet, le connaisseur accompli n'a plus entre lui et son Seigneur aucun voile ( h ijâb ). On peut dire aussi : quand le gnostique s'installa dans la caverne de l'existence cosmique chez Dieu seul (avec Dieu), il demanda comme l'avaient demandé auparavant les gens de la caverne quand ils se sont consacrés à Dieu et se sont remis à Lui seul: « Quand les jeunes gens se réfugièrent dans la caverne et dirent : « Notre Seigneur ! Apporte nous de Ta part une miséricorde et fais en sorte que notre conduite nous mette sur la juste voie » » (22) : Dieu les a ainsi reposé et leur a épargné les souffrances et les épreuves de ce bas monde par le biais du sommeil qui est un repos extérieur. Comme Dieu leur a évité les tracas dans le monde sensible (extérieur), Il a reposé leurs esprits dans le monde intérieur en leur épargnant la perception des choses créées ( al-âthâr ). Le prophète paix et salut sur lui a dit : « le repos du serviteur est auprès de son Seigneur ». Le connaisseur ne demande à Dieu que Sa proximité et l'observance des bonnes convenances ( al-adab ) à Son égard.


Notre maître dit dans ses sagesses : « demande à Lui le soutien dans ta volonté et qu'Il te protége des causes de l'éloignement (de Lui) », Ibn ‘a t â Allah dit dans ses sagesses à ce propos : « Les connaisseurs ( ‘ârifîn ) demandent à Dieu d'être sincères dans le service, et d'observer les droits de la seigneurie ».


Les bonnes convenances ( al-adab ) à Son égard sont proportionnelles à la proximité (de Lui). Dieu –Vérité n'a pas de fin et les convenances ( al-âdâb ) du connaisseur n'ont -eux aussi- pas de fin. C'est pour cela que le prophète disait : « Je suis celui qui connaît le plus Dieu, et celui qui Le craint le plus ». Ceci, car les connaisseurs perçoivent Sa grandeur, Sa majesté et Sa beauté.


Lorsque le pôle a pu percevoir Sa sublimité, il s'est convaincu de son impuissance et son humilité vis-à-vis de Son seigneur, il chanta alors Sa gloire en évoquant le verset : « Gloire et pureté à ton Seigneur, le Maître de la puissance et de la considération, très au-dessus des descriptions qu'ils inventent. Paix et salut aux messagers et la louange est à Dieu, Seigneur et Maître des univers » (23). Il fit savoir ainsi, que seul Dieu peut connaître Dieu, et que personne ne peut Le décrire ou L'apprécier à sa juste valeur, même les purs adorateurs ou les connaisseurs : « Et ils n'englobent rien de Son savoir sauf ce qu'Il veut bien » (24).


Il a clôturé sa prière par ce verset « Gloire et pureté à ton Seigneur, le Maître de la puissance.. » car la tradition incite à couronner les prières par cette noble parole divine.

Ceci est la fin de cette interprétation par l'aide et le bon soutien divin. »


(1) Sidi Al ‘Arbi Addilâî, ManâqibAsh-sharîf Abi ‘AbdiAllah Muhammad ibn Muhammad Al- H arrâq Al-‘Alamî Atti t wanî, manuscrit numéro 275, Rabat Page : 121-132 Chapitre 5


(3) Il est fait allusion au verset coranique : « Il enseigna à Adam les noms et caractéristiques de toutes choses puis exposa aux anges les porteurs de ces noms et leur demanda : « Informez Moi des noms de ces choses si vous êtes véridiques » Sourate II verset 31

La science humaine est elle autre chose que la connaissance des noms et caractéristiques ou propriétés des choses de ce monde sans jamais en connaître l'essence ou l'entité ? C'est donc cette science enseignée par Dieu au premier homme qui a justifié aux yeux des anges (d'abord récalcitrants) le droit de l'Homme à la lieutenance sur terre. Al Qur'ân Alkarîm, traduction et notes Dr Salah Eddine Kechrid, édition Dar Algharb Al islâmî, p:8

(4) Il s'agit d'Albû s îrî dans sa fameuse Humaziyya. Le maître fait référence à ses poèmes à plusieurs reprises dans le citer.

(5) Il s'agit d'Albû s îrî

(6) Dans le fameux Hadîth de Jibrîl, où Gabrielle interroge le Prophète sur la religion en présence des compagnons, Gabrielle est descendu exceptionnellement sous la forme humaine d'un compagnon qui était très beau qui s'appelle Di h yat.

(7) Ce terme a été évoqué plusieurs fois par le maître dans ses écrits, il fait allusion au détachement du cœur et au fait que la volonté du serviteur « libre » s'harmonise avec la Volonté du Seigneur : il veut par Dieu et de Dieu.

(8)Il fait allusion à l'événement du « Ifk » : le mensonge à l'égard de ‘Âïsha : elle a été accusé à tord d'adultère par les hypocrites et le Coran l'a innocenté…On lui demanda alors de remercier le Prophète qui est venu lui annoncé la nouvelle, mais elle dit, je remercie plutôt Dieu car c'est Lui qui m'a innocenté. Beaucoup de soufis commentent cet événement en disant que ‘Âïsha était (baignait) dans la station Al h adiyya (de la contemplation de Dieu l'unique) et n'a pas eu conscience des convenances à l'égard du Prophète. Al- H arrâq ici s'abstient de tout commentaire.

Ibn ‘atâ allah dit au sujet de cet événement : « lorsque Aïsha fut justifiée par la Révélation et que cette justification fut proclamée par la bouche de l'envoyé, Abû bakr dit à sa fille : « Remercie l'envoyé de Dieu ! »

Elle répliqua : « Par Dieu, je ne remercierai que Dieu seul ! » En cette circonstance, Abû Bakr lui montrait la station la plus parfaite, celle de la subsistance (baqâ) qui permet d'être conscient des créatures. Dieu n'a-t-il pas dit : « Sois reconnaissant envers ton père et ta mère » ? (Coran XXXI, 13).

L'envoyé de Dieu n'a-t-il pas déclaré : « N'est pas reconnaissant envers Dieu celui qui ne l'est pas envers les hommes » ? Mais, à ce moment, Aïsha était arrachée à la perception des objets extérieurs, inconsciente des créatures et ne voyait que l'Unique, le Triomphant. » Ref : Hikam : paroles de sagesse d'Ibn ‘Atâ-Illah al-Iskandarî, traduite de l'arabe par El-Hâj ‘Abd-ar-Rahmâne Buret 2éme épître p : 124

(9)C'est un Hadith qudsî qui commence par : « Allah exalté a dit : celui qui fait montre d'hostilité envers un de Mes Walis (saints ou amis de Dieu) je lui déclare la guerre.. » H adith rapporté par al-Bukhârî.

(10) L'allusion est faite ici au voyage ascensionnel du Prophète vers la présence et la vision divine effective : juste avant l'accès à cette vision réelle Gabrielle dit au Prophète : « si tu continues tu perces (grâce à la prédisposition venant de Dieu), et si je continue je brûle.. »

(11)Coran Sourate 53 verset : 9

(12) L'allusion est faite aux versets de la Sourate de Marie : « C'est l'évocation de la miséricorde que ton Seigneur accorda à Son humble adorateur Zacharie. Lorsqu'il adressa à son Seigneur un appel discret. Il dit : « Seigneur ! Voilà que mes os se sont affaiblis et que ma tête s'est enflammée de cheveux blancs et, grâce aux invocations que je T'ai, Seigneur, toujours adressées, je n'ai jamais été un misérable (un malheureux) » » Sourate XIX versets : 2-4

(13) Sidi Al ‘Arbi Addilâî, ManâqibAsh-sharîf Abi ‘AbdiAllah Muhammad ibn Muhammad Al- H arrâq Al-‘Alamî Atti t wanî, manuscrit numéro 275, Rabat Page : 129 Chapitre 5

(14) Ce disciple a certainement repris les propos oraux qu'il avait entendu de son maître pour continuer à expliquer cette prière et d'ailleurs, il citera son maître à plusieurs reprises.

(15) Le premier était un prophète des plus patients malgré les épreuves surhumaines qu'il avait subi, et le deuxième était un prophète roi (l'épreuve de la richesse et du pouvoir sur terre). Malgré cela, les deux personnages sont restés humbles et reconnaissants envers le Causateur. L'analogie est faite surtout entre ce prophète et Ibn Mashîsh car le premier a eu grâce à cet appel son enfant Jean (ya h yâ) bien qu'il eut dépassé l'âge d'enfanter …Ibn Mashîsh quand à lui a eu une progéniture spirituelle en la personne d'Abî Al-hasan shâdhilî qui fut d'ailleurs son unique disciple .

(16) Coran Sourate IIX, verset 62.

(17) L'allusion est faite à la voie shâdhiliyya, car Al- h arrâq fut le disciple des Darqawas qui suivent l'enseignement de la shâdhiliyya.

(18)Coran : Sourate VI verset 94

(19)Coran : Sourate 53 verset 42

(20) Sourate 28 verset 85.

(21) Coran Sourate 18 verset 10

(22)Coran, Sourate 18 verset :10 :c'est le récit des « sept dormants » qui seraient des princes Byzantins qui auraient fui les fausses croyances de leur peuple et se seraient réfugiés dans une caverne avec leur chien.


Source : www.saveurs-soufies.com