jeudi 29 novembre 2007

LE SOUFISME ET LES CONFRÉRIES DANS L’INDE CONTEMPORAINE

Salam alaikoum ;

apres l'Islam en Chine , insha'Allah , une série d'articles interessants sur le soufisme contemporain en Inde ...

Par Marc Gaborieau , École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris .


1. LES CONFRÉRIES DANS L’HISTOIRE

1.1. L’Inde, l’islam et le soufisme.

L’islamisation de l’Inde s’est faite en suivant deux mouvements de périodicité différente (Gaborieau
1995a). D’un côté un lent enveloppement généralement pacifique par les côtes qui, des origines de l’islam à
nos jours, a amené l’installation de colonies de marchands arabes et iraniens. De l’autre côté un mouvement
de conquête par des dynasties turco-afghanes iranisées liées à l’Asie centrale: commencé au début du XIe
siècle par les Ghaznévides dans le territoire de l’actuel Pakistan, il a établi une hégémonie musulmane sur le
sous-continent à partir du début du XIIIe avec le Sultanat de Delhi prolongé par les sultanats régionaux du
XIVe au XVIe; la puissance musulmane atteignit son apogée au XVIe et XVIIe siècles avec l’empire moghol
avant de laisser la place à des États successeurs souvent fondés eux aussi par des dynasties iraniennes, centre
asiatiques ou afghanes. L’introduction du soufisme est liée, mais de façon inégale, à ces deux mouvements. Le
poids des confréries originaires d’Asie centrale est bien plus important que celui des confréries arabes et
iraniennes; l’histoire documentée du soufisme indien ne commence qu’au XIIIe siècle avec le Sultanat de
Delhi (Kumar 1992).
On trouvera aisément ailleurs un inventaire exhaustif des confréries indiennes (Rizvi 1978 & 1983;
Schimmel 1980; Jackson 1988; Nizami 2000) ou des études régionales (Haq 1975; Siddiqi 1989; Bayly 1989;
Ernst 1992; Eaton 1978, 1993 et 2000) ainsi que des réflexions historiographiques sur la façon dont elles sont
été étudiées depuis le début du XIXe siècle (Ernst 1992: 5-93 et 2000; Gaborieau 2000). Je me contenterai ici
d’un bref panorama qui suit une classification bâtie depuis longtemps (Gaborieau 1986 et 1996b).
Quatre grandes confréries que j’appelle “majeures” occupent une place à part par le nombre de leurs
adhérents dans tout le sous-continent et leur rôle dans l’histoire de l’Inde: la Suhrawardiyya et la Chishtiyya
(Lawrence 1978 et 1992) massivement présentes dès le début du XIIIe, la Qâdiriyya (Buehler 2000) qui
n’acquit du poids qu’à partir du XVe siècle, et la Naqshbandiyya qui arriva avec les Moghols au XVIe siècle
(Buehler 1998: 55-81).
J’appelle “mineures” les autres confréries qui ont moins d’adhérents et sont plus localisées. Les
indiens modernes les répartissent généralement en deux catégories, les “orthodoxes” et les “hétérodoxes” (on
verra verra dans la seconde partie, §2.2, le sens qu’il convient de donner à ces termes). Parmi les orthodoxes,
deux (qui sont à nouveau originaires d’Asie centrale) sont relativement connues. La première est la
Kubrawiyya, installée au Kashmir avec Sayyid `Ali Hamadânî (1314-1385), et (sous le nom de Firdausiyya et
alliée à la Suhrawardiyya) au Bihar dans la moyenne vallée du Gange; dans cette dernière région fleurit
Sharafu’d-Dîn Manerî (Jackson 1987) dont les “Cent lettres” (Maktûbât-i Sadî) sont un des grands classiques
du soufisme indien (Jackson 1987); c’est aussi la Kubrawiyya qui, avec Ashraf Jahângîr Simnânî (m.1425),
popularisa l’usage des oeuvres d’Ibn `Arabî qui, avec celles de Jalâlu’d-Dîn Rûmî, alimentèrent les
discussions et les controverses dans le sous-continent jusqu’à nos jours. La seconde confrérie mineure
orthodoxe d’importance est la Shattâriyya (Eaton 1993: 77-82; Gaborieau 1996c; Ernst 1999), réputée experte
en sciences occultes, dont le manuel de dévotions en persan, “Les cinq gemmes” (Jawâhir-i khamsa) de
Muhammad Ghauth Gwalyârî (1502-1563), réputé grand grimoire de magie, est très largement imprimé non
seulement en Inde en traduction ourdoue, mais aussi en traduction arabe juqu’en Egypte et au Maroc
(Gaborieau 1993a; Ernst 1999). D’autres confréries mineures orthodoxes, qui sont liées au commerce
maritime, comme la Kâzerûniyya, la Maghribiyya et la Ni`matullâhiyya, et plus récemment la `Aidarusiyya,
sont plus confidentielles. Les ordres hétérodoxes (Gaborieau 1998) comportent au Nord une confrérie venue
d’Asie centrale, la Qalandariyya (Digby 1984), et une autre de création locale, la Madâriyya (Gaborieau 1977:
121-127); sur la côte occidentale et au Sud est attestée la présence des Sidi, descendants des anciens esclaves
noirs; et depuis cette province jusqu’à Sri Lanka on remarque la présence insistante et spectaculaire des Rifâ`î
célèbres pour les séances fakiriques où ils se transpercent le corps (McGilvray 1988).

1.2. Sultans et soufis

Ce sont surtout les ordres majeurs qui ont fait parler d’eux dans l’histoire à cause de leurs liens avec
les souverains et les puissants.

1.2.1. Suhrawardiyya et Qâdiriyya, confréries aristocratiques. La Suhrawardiyya, confrérie
prestigieuse réputée très orthodoxe venue Baghdad, qui était alors le coeur du monde islamique, apparaît dès le
début au premier plan dans l’entourage des sultans de Delhi, acceptant les charges et les honneurs. Les
Suhrawardî jouèrent aussi un rôle de modèle pour l’organisation du soufisme indien: ils apportaient de
Baghdad la tradition de la vie régulière des soufis dans un hospice, et un manuel en arabe du fondateur de
l’ordre, Shihâbu’d-Dîn `Umar Suhrawardî (m.1234), qui en consignait les règles, les `Awârif al-Ma`ârif qui
resta la référence en la matière pour les soufis de l’Inde, tous ordres confondus (suhrawardy 1891), en
particulier chez leurs grands rivaux, les Chishtis qui en faisaient une lecture et un commentaire réguliers dans
leurs hospices (Matringe 2001). La Suhrawardiyya passa ensuite au second plan comme confrérie
aristocratique; la Qâdiriyya, qui eut au XVIIe siècle la faveur des sultans du Deccan (Eaton 1978: 107-124) et
des Moghols (Lawrence 1993), passe aujourd’hui plus la confrérie la plus répandue. La Suhrawardiyya reste
néanmoins dans l’histoire comme la grande matrice du soufisme indien; ce n’est pas elle cependant qui eut le
plus constamment les faveurs des grandes dynasties de l’Inde.

1.2.2. Le destin paradoxal de la Chishtiyya. Ce rôle échut à une autre confrérie improbable, la
Chishtiyya. Rien ne l’y prédestinait au premier abord: issus des milieux de derviches errants de l’Asie centrale
proches de Qalandars (Zarcone 1994 et 2000), très amateurs demusique mystique (Lawrence 1983), arrivés à
la suite des conquérants à partir du village de Chisht (proche de Herat) d’où ils tirent leur appellation, les
membres de cette confrérie affectaient de mépriser les princes et les rois et de fuir leur compagnie pour rester
hors du monde. Mais cette feinte humilité cachait une conviction de leur propre supériorité et de leurs
pouvoirs, car dans la vision du monde médiévale, le contrôle du territoire (wilâya, apparenté à walâya, la
sainteté) appartient aux saints, et les sultans ne l’exercent que par la délégation qu’ils ont reçue de ces derniers
(Digby 1986: 62-63); en retour les sultans ne peuvent que craindre et reconnaître les pouvoirs des saints dont
ils ont besoin pour asseoir leur règne (Digby 1990). C’est ainsi que ces derviches charismatiques et
redoutables qu’étaient les premiers Chishtis en vinrent progressivement à être considérés comme les saints
protecteurs d’abord du Sultanat de Delhi, puis de l’hégémonie islamique sur Inde entière.
Cette reconnaissance ne fit pas d’un coup; elle se cristallisa selon un processus tortueux qui n’a rien à
voir avec la chronologie linéaire rétablie ensuite par l’hagiographie. En fait le processus ne commença
réellement qu’au début du XIVe siècle, quand le sultanat de Delhi arrivait à son apogée avec les dynasties
Khaljî et Tughluk, autour du personnage de Nizâmu’d-Dîn Auliyâ (1243-1325), le quatrième grand saint
indien de la confrérie: tout en feignant d’ignorer les sultans, il attirait les hauts dignitaires et les lettrés (dont le
grand poète Amîr Khusrau, 1253-1325) dans son hospice qui devint un des creusets de la culture indopersane;
et c’est de là qu’il surveilla l’édition en persan du recueil de ses ‘Dits’ (malfûzât) qui constitue le
premier monument et le modèle de la littérature soufie de l’Inde (Nizâm ad-Dîn Awliyâ 1992). A partir de lui
Delhi (Frykenberg 1986) devint définitivement le symbole de la domination musulmane en Inde; et le quartier
qui abrite sa tombe et qui porte encore aujourd’hui son nom, Nizamuddin, devint une des nécropoles des
grandes dynasties de l’Inde. La synthèse établie à Delhi s’exporta ailleurs en Inde, notamment au Deccan dans
les villes de Gulbarga et Bijapur (Eaton 1978) autour du sixième grand saint de la Chishtiyya, Gesûdarâz
(m.1422, Gulbarga). La faveur des Chishtis connut une nouvelle apogée sous les Moghols. Les premiers
souverains de cette dynastie encore mal établie avaient tâtonné: Bâbur (1526-1530) resta sous la protection de
la Naqshbandiyya qu’il avait amenée d’Asie centrale; Humâyûn (1530-1556) chercha à utiliser, sans grand
succès, les pouvoirs magiques de la Shattâriyya. Mais quand Akbar (1556-1605), le véritable organisateur de
l’empire moghol, décida d’asseoir définitivement son pouvoir, il renoua avec la tradition du Sultanat de Delhi
et prit appui sur la Chishtiyya (Richards 1978; Streusand 1989): la tombe de son père Humâyûn, le premier
monument moghol de l’Inde, est près de celle de Nizâmu’d-Dîn; il établit sa seconde capitale, Fatehpur Sikri,
autour de la tombe d’une autre saint de la même confrérie, Salîm Chishti, par l’intercession duquel il avait eu
un fils pour perpétuer la dynastie; mais surtout, il tira d’un quasi-oubli et dota richement la tombe du premier
grand saint de la Chishtiyya sur le sol indien, Mu`înu’d-Dîn (m. c. 1235) qui s’était établi à Ajmer, alors ville
frontière du Sultanat de Delhi; Akbar en fit le saint patron non seulement de sa dynastie, mais de l’Inde
musulmane en général… avant finalement de sacraliser son propre pouvoir en prenant lui-même les attributs
d’un maître soufi, ce que les historiens coloniaux ont interprété à tort comme l’invention d’une nouvelle
religion (Gaborieau 1992). Après la désintégration de l’empire, les derniers Moghols cantonnés à Delhi et
dans sa région non seulement embellissent la tombe de Nizâmu’d-Dîn, mais font revivre celle passablement
oubliée du second Chishti indien, qui fut aussi le premier à s’établir à Delhi, Qutbu’d-Dîn (m. 1235) que les
textes soufis écrits au XVIIIe et du XIXe siècle considèrent désormais comme le grand saint de la confrérie.
Au terme de cette histoire compliquée la Chishtiyaa émerge clairement comme la grande confrérie tutélaire de
l’islam indien, les autres n’ayant eu de proéminence qu’épisodique.

1.2.3. L’influence contestée de la Naqshbandiyya. Pourtant l’historiographie récente lui prête une
rivale à partir du XVIIe siècle, la Naqshbandiyya, qui aurait eu alors un rôle plus important que celui de la
Qâdiriyya que nous avons évoquée plus haut. Cette confrérie centre-asiatique fondée à Boukhara à la fin du
XIVe siècle (Gaborieau, Popovic & Zarcone 1990) étend plusieurs rameaux en Inde à partir de la conquête
moghole, au Nord (Damrel 1991) et au Sud (Digby 2001). Elle devint surtout célèbre par une branche
indienne réformée, la Mujaddidiyya fondée au tournant du XVIe et du XVII siècle par Ahmad Sirhindi (1564-
1624) qui posa comme le rénovateur (mujaddid) du second millénaire de l’islam qui avait commencé en 1591
(Ter Haar 1992). Il exprima sa doctrine dans un recueil de “lettres” en persan, les Maktûbât, qui sont le livre
soufi indien le plus diffusé dans le monde musulman; il a été traduit en arabe et en turc. Les idéologues de ce
siècle, dans le cadre du combat nationaliste, s’appuyant sur une hagiographie de basse époque, en ont fait un
héros de l’orthodoxie qui aurait ramené les dirigeants musulmans à une pratique religieuse authentique après
les errements supposés de l’époque d’Akbar. Il aurait converti à ses vues l’empereur Jahângîr (1605-1627) et
commencé le lent processus qui sous ses fils amena l’empereur Aurangzeb (1658-1707) à un austère
alignement du gouvernement moghole avec la Loi islamique. La pure orthodoxie naqshbandie aurait alors
définitivement supplanté l’hétérodoxie implicite de la Chishtiyya. C’est ce qu’il est convenu d’appeler la
“réaction naqshbandie”. Les recherches récentes dans les documents originaux montre que cette théorie n’est
pas prouvée par les sources (Friedmann 1971), ni même acceptée par les Naqshbandis contemporains au fait
de leur propre tradition (Gaborieau 1990). Il est même erroné d’opposer la Chishtiyya et la Naqshbandiyya
Mujaddidiyya sur le plan de l’orthodoxie: le fondateur de cette dernière, Ahmad Sirhindi, avait d’abord été
formé dans la Chishtiyya; et celles de ses idées qu’on attribue à son initiation naqshbandie, comme sa
demande d’exclure les hindous de toute position de pouvoir, ont des précédents dans la tradition chishtie,
notamment chez `Abdu’l-Quddûs Gangôhî (1456-1537, voir Digby 1975) comme l’a montré une publication
récente (Damrel 2000).
Au terme de ce périple dans l’histoire il apparaît que la grande confrérie politique du sous-continent
est la Chishtiyya. Fondée par des derviches errants elle paraissait mal armée pour résister à des confréries plus
prestigieuses et plus policées comme la Suhrawardiyya, la Qâdiriyya et la Naqshbandiyya. Et pourtant elle l’a
emporté. Nous avons mis en avant une première explication, celle du charisme de ses adeptes. Nous verrons
plus loin qu’il y a sans doute une explication additionnelle dans ses affinités avec la culture et la société
indienne, notamment a travers la musique et la poésie soufie.

1. 3. Le soufis dans la politique moderne.

Avec la colonisation qui a déposé en 1857 le dernier empereurs moghol, il n’y a plus de sultanat de
droit divin. Mais l’autorité des soufis est toujours recherchée par les gouvernants musulmans du Pakistan —
Bhutto puisait beaucoup à cette source — et du Bangladesh — dont les dirigeants affectionnent le pèlerinage à
Nizamuddin et à Ajmer. Les leaders hindous de l’Inde ne sont pas de reste: Indira Gandhi allait
ostensiblement à Ajmer non seulement pour capter le vote musulman qui a toujours été important pour son
parti politique, le Congrès, mais pour légitimer son pouvoir; même l’actuel Premier Ministre de l’Inde,
Vajpayee, pourtant hostile aux musulmans, a jugé politique d’aller à Ajmer. La tradition n’est pas morte, et la
Chishtiyya reste la grande confrérie.
Mais les saints ne sont plus seulement garants de la légitimité du souverain. Ils sont convoqués dans
le jeu politique compétitif des systèmes électifs progressivement mis en place sous la colonisation. Richard
Burton disait au siècle dernier, à propos de la province du Sind (actuel Pakistan), que le soufisme était “une
machine puissante” au service de la politique. Cette vue s’est confirmée sous la colonisation et depuis
l’indépendance: les maîtres soufis appelés pîr ont été mobilisés par exemple au service du colonisateur dans le
Sind (Ansari 1992); les réseaux soufis furent aussi mis au service de leaders nationalistes comme ‘Abdu’l-Bârî
(m.1926) de Lucknow qui lança avec Gandhi la première grande agitation nationaliste en 1919; entre 1945 et
1947 Jinnah, mobilisa les Pîr du Panjab pour la cause du Pakistan (Gilmartin 1988).
Si le soufisme reste donc un grand ressort dans la vie politique, c’est non seulement à cause de son
héritage historique, mais aussi parce qu’il est très profondément implanté dans la société musulmane,
deuxième volet de notre étude vers lequel nous nous tournons maintenant.

à suivre ...

lundi 26 novembre 2007

MARIE (Que Dieu la salue)


Marie, Maryam en langue arabe, -seul prénom féminin explicitement désigné dans le Coran- est choisie entre toutes les femmes de l'univers (III,42-44). Selon la Tradition, Muhammad (saws) a dit : « La Dame (syyida) des femmes des mondes, c'est Maryam..» (1)
Le symbole de la virginité de Marie est renforcé en ce qu'elle donne la généalogie à Jésus, selon l'expression récurrente de « fils de Marie », alors que selon la coutume sémitique, un fils se réfère toujours à son père. L'immaculée conception fut donc proclamée un millénaire avant que le dogme ne soit proclamé dans l'Eglise (en 1854).

La XIXe sourate s'intitule « Maryam »

« Mentionne Marie, dans le Livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu vers l'Orient.

Elle plaça un voile entre elle et les siens. Nous lui avons envoyé notre Esprit : il se présentât devant elle sous la forme d'un homme parfait.

Elle dit : « Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ; si, toute fois, tu crains Dieu ! »

Il dit : « je ne suis que l'envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur »

Elle dit : « C'est ainsi : Ton Seigneur a dit : Cela m'est facile. Nous ferons de lui un signe pour les hommes ; une miséricorde venue de nous. Le décret est irrévocable » (XIX, 16-21)

« Elle devint enceinte de l'enfant puis elle se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du tronc du palmier. Elle dit : « Malheur à moi ! Que ne suis-je déjà morte, totalement oubliée ! »

« L'enfant qui se trouvait à ses pieds l'appela : « Ne t'attriste pas ! Ton Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers toi le tronc du palmier ; il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange, bois et cesse de pleurer. Lorsque tu verras quelque mortel, dis : « j'ai voué un jeûne au Miséricordieux ; je ne parlerai à personne aujourd'hui »

Elle se rendit auprès des siens en portant l'enfant. Ils dirent : « O Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! O sœur d'Aaron ! (3) Ton père n'était pas un homme mauvais ta mère n'était pas une prostituée »

L'éloignement de Marie est l'exode nécessaire impulsé par Dieu à ses élus en tant que modèles de servitude parfaite. Il en a été ainsi pour Agar, servante de Sarah, épouse d'Abraham et mère du peuple arabe qui sera finalement secourue par l'Ange. C'est le cas aussi du Prophète (saws) qui pendant sa retraite sera visité par l'Ange. C'est dans ce dénuement qu'à l'Orient, symbole de Lumière, a lieu l'apparition de l'ange Gabriel appelé à transmette la parole et l'esprit divins. C'est Rûhunâ, l'Esprit de Dieu. Et c'est lui qui est insufflé à la Vierge Marie par l'ange manifesté sous la forme d'un homme parfait comme seul un réceptacle immaculé et cristallin est digne de le recevoir. Marie la pure craint Dieu, elle prononce « a'udhu birRahmâni » (je me réfugie auprès du Miséricordieux) : elle prend protection contre le danger d'une intention qui serait entachée : moyen purificateur nécessaire avant de pouvoir exprimer la parole divine (C'est dans cet esprit et non par hasard que tout musulman est tenu de prononcer la parole de protection avant toute lecture du Livre Saint.)
Mais on n'enfante pas sans douleurs : recevoir la grâce ne se fait pas sans mourir à une vie nouvelle. Telle l'eau du ruisseau qui jaillit du lieu le plus bas, à ses pieds, la vraie connaissance ne s'obtient qu'avec humilité : elle en reçoit les fruits dans l'injonction de manger et de boire. Par son jeûne, elle se rend totalement réceptive. La Présence du Verbe divin impose le silence « je ne parlerai aujourd'hui à aucun être humain ». Quand son peuple lui reproche sa maternité, elle désigne l'enfant sans mot dire. Lui seul, en tant que Verbe, a le pouvoir de témoigner.



Marie, femme parfaite, idéal féminin de perfection, aspect féminin de la Présence divine est la Mère, matrice de la Sagesse. Elle symbolise l'âme du contemplatif qui réalise la naissance universelle du Verbe en son cœur. Pour en être le réceptacle, il faut être vierge et pure ou encore pauvre et vide.

L'âme purifiée est comparée par Rûmi -et par d'autres- à la Vierge Marie -Que Dieu la salue-
« Lorsque la parole de Dieu pénètre dans le cœur de quelqu'un et que l'inspiration divine emplit son cœur et son âme, sa nature est telle qu'alors est produit en lui un enfant spirituel ayant le souffle de Jésus qui ressuscite les morts. L'appel de Dieu, qu'il soit voilé ou non, octroie ce qu'il a octroyé à Maryam » . Le cœur pur reflète la beauté et la perfection divine.



Le « miracle mémorable » de Jésus et de sa mère est une extériorisation de certains aspects intérieurs de la Tradition Abrahamique, preuve du « Trésor ». Cet aspect prophétique axé sur l'esprit de sainteté, a un lien direct avec le retour de Jésus ; il est une préfiguration du « retournement » qui marquera le triomphe de la Lumière sur les Ténèbres. « … Dieu parachèvera Sa Lumière quelque soit le dépit des dénégateurs » (Coran).
L'Islam, esprit de Vérité, est l'Arche qui en conserve la quintessence.
____________________________
(1) la suite de la phrase est : « … puis Fâtima (une des filles du Prophète), Khadîja (femme du Prophète), Asiya (femme de Pharaon)
(2) On trouve ici la marque de la liberté divine qui fond la personne de la vierge Marie avec maryam, sœur d'Aaron : point de vue synthétique ne retenant que l'hérédité spirituelle puisque qu'elle que soient les réceptacles, la Lumière est unique. C'est d'ailleurs l'habitude qu'avaient les juifs de se donner les noms des prophètes et des hommes pieux. Sœur d'Aaron n'est pas sœur de père et de mère. Il faut bien là répondre aux critiques formulées contre l'Islam : le Coran mentirait en affirmant que Aaron serait le frère de Marie, que Marie serait donc la sœur de Moïse dont le père s'appelait Imran. Le Prophète savait pertinemment que des siècles les séparaient ! Al-Mughîra ibn Shu'ba raconte : “Le Prophète (sur lui la paix) m'envoya à Nadjran [Yémen]. Là-bas on me dit : “Vous récitez ce passage : “O Sœur de Aaron” [Coran 19/28] ; pourtant, entre l'époque de Moïse et celle de Jésus il y a eu le temps que chacun connaît !” Je n'ai pas su quoi leur répondre. Lorsque je rentrai (à Médine), je questionnai le Prophète à ce sujet. Il me dit : “Tu les aurais informés qu'ils se donnaient comme noms ceux des prophètes et des pieux ayant vécu avant eux.”" (rapporté par Muslim, n° 2135, At-Tirmidhî, n° 3155, Ahmad, n° 17491).
Ce nom « Aaron », en hébreu, désigne un coffre, c'est à dire l'arche. Aaron est donc une personnification de l'Arche d'alliance ; la filiation de Marie à la famille d'Aaron les relie à la même lignée spirituelle.

Source : http://aminour.unblog.fr/tag/a-propos-les-envoyes/aissa-jesus-et-maryam-marie/

Jésus (Que Dieu le salue)

Dans le Coran, on peut lire :

« Nous avons fait de Jésus et de sa mère un symbole » (XXIII,50)

« Souviens-toi de celle restée vierge en sorte que nous soufflâmes en elle de Notre Esprit que nous fîmes d'elle et de son fils un miracle mémorable pour le monde . » (XXI,91)


JESUS (Que Dieu le salue)

Sa conception et son statut

« ..Nous ferons de lui un Signe pour les hommes ; une miséricorde venue de nous. Le décret est irrévocable.. »

Selon un décret irrévocable, Jean -qui annonçât Jésus- est né de parents stériles, de même la conception de Jésus par une vierge est l'expression de la Toute Puissance et de la Miséricorde divines qui s'exercent en des temps et selon des modalités connus de lui Seul. La création des univers n'est-elle pas tirée du néant ? Adam n'avait ni père, ni mère. Les abeilles naissent par parthénogenèse ; aujourd'hui, on peut naître « in vitro » ; A la Toute Puissance, selon Sa Volonté suprême, rien n'est impossible, et le lien entre la Parole créatrice : « sois » ( « kun ! ») et toute naissance est évidente, comme l'atteste ce verset : «…. Il dit : « Dieu créé ce Qu'Il veut, lorsqu'Il a décrété une chose, Il lui dit : « sois ! » et elle est ». (III,47)

Muhammad (saws) avait, d'après les anales de Tabari, adressé cette lettre au Négus chrétien d'Abyssinie : « Je confesse que Jésus, fils de Marie est l'Esprit d'Allah et Son Verbe qu'il jeta en Marie, la Vierge, la Sainte, la Pure. Elle connût alors Jésus qu'Allah créa de Son Esprit et y insuffla la vie comme Il créa Adam de Ses Mains et y insuffla la vie. Oui, il en est de Jésus comme d'Adam auprès de Dieu : Dieu l'a créé de terre, puis Il lui a dit : « sois » et il est » confirmant la Parole Coranique (III, 47 et III,59) et éclairant l'autre Parole coranique traitant de la prosternation des anges devant l'Homme dans son aspect de perfection.

Dans le coran, Jésus (‛Isâ) est l'Envoyé de Dieu (Rasûl Allah) (IV,157 ; LXI,6), Esprit émanant de Lui (Rûh Allah) - (IV,171), Parole de Vérité (XIX), Son Verbe projeté en Marie, Son Serviteur et adorateur (Abd'Allah) - IV,172 et XIX,30) et enfin le Messie (Al Massih) ; Son pouvoir miraculeux est exceptionnel : de son souffle une forme d'argile devient oiseau véritable ; il guérit l'aveugle et le lépreux ; il ressuscite les morts (III,48-52) ; il parle au berceau. La Ve sourate est intitulée « la table servie » en référence à la Cène.

La Voie

« Je suis, en vérité, le serviteur de Dieu. Il m'a donné le Livre ; il a fait de moi un Prophète ; Il m'a béni, où que je sois. Il m'a recommandé la prière et l'aumône -tant que je vivrai- et la bonté envers ma mère. Il ne m'a fait ni violent, ni malheureux. Que la Paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où je serai ressuscité. » (XIX,30-32)
L'action rituelle sacrée de la prière et de l'aumône sous tend la pureté de cœur en une parfaite adoration : c'est la première étape du chemin spirituel dans la condition de parfaite servitude à l'égard de Dieu. Cette pureté confère la Paix (as-Salâm).

L'heure dernière

La première venue de Jésus en tant que « Rasûl Allah » (Envoyé de Dieu), est porteur d'une nouvelle forme traditionnelle préfigurant l'Heure ; sa seconde venue en tant que « Al Massih » (Le Messie) doit accomplir l'Heure.
« …. Jésus est, en vérité, l'annonce de l'Heure…..» (XLIII,57)

Il est dit que Jésus mettra en déroute l'Antéchrist, ad-dajjâl, cet imposteur borgne qui dans la méconnaissance de la réalité spirituelle de l'homme portera à son paroxysme la tromperie du monde et qui apportera ainsi une vision du paradis qui sera en réalité l'enfer et une vision de l'enfer qui sera en réalité le paradis, et dont le terme sera marqué par de grands événements chaotiques et une crise spirituelle profonde.

« L'heure dernière ne viendra pas tant que Jésus, fils de Marie, ne descendra pas parmi vous » a dit le Prophète (saws).

Mais le Christ de la Parousie n'est pas encore venu ; c'est pourquoi Jésus en Islam, appartient à Dieu. Le principe-christ, c'est l'Esprit de Dieu, toujours vivant mais occulté, dont la parole coranique en contient, en conserve et en transmet providentiellement la présence.
Jésus dit : « Craignez Dieu et obéissez-moi ! Dieu est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur : servez-le : c'est là le chemin droit » (III, 50-51)

Jésus musulman

Il est important de souligner et de comprendre que Jésus fait partie intégrante de la révélation islamique : il n'est pas la propriété exclusive des chrétiens. L'Islam, au titre de dernière révélation, étant une récapitulation de ce qui a précédé et un rappel de l'Heure (que Jésus avait déjà annoncée), le Jésus de l'Islam n'est pas issu du christianisme mais, au contraire, c'est précisément ce dernier qui est issu du Christ, de même que le Christ appartient à Dieu. Les saints musulmans pouvant hériter des messagers antérieurs par l'intermédiaire de la fonction totalisante du Prophète Muhammad (1) qui est l'Océan de Miséricorde où chacun peut s'abreuver, nombreux saints musulmans ont une affinité spirituelle christique. Si l'on prend l'exemple du Cheikh Ahmad al'Alawi , sa ressemblance même physique avec les représentations du Christ est frappante. (2) Cette expression de la proximité d'une station spirituelle d'une présence divine dans le Christ, (Maqâm ‘Isa) fait partie intégrante de La Voie Muhammédienne. Et si le Jésus musulman semble différent du Jésus dit « chrétien », c'est qu'en Islam, il n'est pas situé dans son historicité mais restitué en Dieu dans son Unicité.
________________________________
(1) Lors des funérailles de rûmi, musulmans, chrétiens et juifs se pressaient autour de son cercueil en chantant leur propre modes de glorification. Quand le Sultan demandât aux juifs et aux chrétiens pourquoi ils honoraient ainsi un musulman, ils répondirent « En le voyant, nous avons compris la vraie nature de Jésus, de Moïse et de tous les prophètes. »
(2) Lire « un saint musulman du XXe siècle » Martin Lings et voir sa photo sur www.tasawuf.ws/fr

Source : http://aminour.unblog.fr/tag/a-propos-les-envoyes/aissa-jesus-et-maryam-marie/

jeudi 22 novembre 2007

Les religieux, fers de lance contre l’excision

Que Dieu récompense grandement ces personnes pour leur action contre cette horrible tradition qui est un crime commis à l'encontre des femmes ...


Fulgence Zamblé/IPS, Abidjan le 26 octobre 07

El Hadj Kassoum Traoré, un imam de Côte d’Ivoire, demande de plus en plus aux fidèles de sa mosquée de dénoncer désormais toute personne qui s’adonne aux mutilations génitales féminines (MGF), de refuser de faire exciser leurs filles, et aux exciseurs de se débarrasser des outils utilisés pour cette pratique nocive.


Cela fait une décennie que le parlement de Côte d’Ivoire a adopté la loi contre l’excision, mais elle a du mal à s’appliquer, en raison des considérations liées aux traditions dans ce pays d’Afrique de l’ouest. Et les campagnes de sensibilisation n’ont toujours pas porté les résultats escomptés.

Face à une pratique en cours jusque dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan, et qui a encore la peau dure dans le nord et l’ouest du pays, le nouveau moyen de lutte semble être désormais porté par les religieux. Ils sont réunis en symposium international des leaders religieux engagés dans la lutte contre les MGF, cette semaine à Abidjan.

Depuis près de deux mois qu’il s’est engagé à combattre l’excision, Traoré, imam de la petite mosquée de Belleville, un quartier précaire d’Abidjan, consacre une partie de la prière de vendredi à expliquer à ses fidèles les méfaits des MGF.

Aussi, sans aucun revenu, ni moyens de transport, de communication, ni formation médicale, Traoré réunit chaque semaine autour de lui, les sages de la communauté musulmane du quartier pour débattre du sujet de l’excision. Une pratique qui, lors de ces trois derniers mois, avait été signalée dans des concessions de Belleville.

"Nulle part dans le Coran ou la Bible, n’est autorisée la pratique de l’excision", indique à IPS, Traoré. "Ce sont des pratiques traditionnelles et coutumières qui ont existé et continuent de l’être. Mais les risques sont tels qu’aujourd’hui, il faut penser à y mettre un terme", affirme-t-il.

Depuis la prière du vendredi 12 octobre, contrairement aux précédentes rencontres où les avis étaient très partagés sur la nécessité de continuer où d’arrêter la pratique des MGF, les points de vue ont commencé à s’accorder beaucoup plus autour des idées de l’imam.

De son côté, à la chapelle de l’église méthodiste des II Plateaux, un quartier huppé d’Abidjan, le pasteur François Miézan n’est pas tendre avec les pratiquants de l’excision. "Si quelqu’un ici (dans son temple) à des rapports avec la pratique, qu’il cesse cela maintenant", lance-t-il à l’endroit des fidèles. "Si vous ôtez un organe humain à une personne, vous commettez un crime", ajoute-t-il.

Pour Miézan, chaque fidèle doit désormais dénoncer aux forces de l’ordre toute personne qui s’adonnerait à la pratique de l’excision.

"Quand on sait que des rites ont été hérités du passé, c’est toujours difficile de les abandonner", reconnaît Adja Fatou Diomandé, une fidèle de la grande mosquée d’Aghien-Cocody, un autre quartier chic d’Abidjan. "Mais la femme aujourd’hui, n’a pas plus besoin d’être aussi soumise à des risques mortels comme l’excision", dit-elle à IPS. "Si nos leaders religieux pensent que le moment est venu de voir cette réalité et d’abréger les souffrances des femmes, alors Dieu soit loué !"

L’excision consiste à enlever partiellement ou totalement le clitoris de la femme. Dans certaines régions d’Afrique, on pratique l’infibulation qui consiste à coudre les grandes lèvres du vagin de la fille et à ne réserver qu’un petit orifice pour l’urine et les menstruations. L’objectif de l’opération serait d’empêcher ou de réduire les envies sexuelles.

Les mutilations génitales féminines sont une pratique courante dans de nombreuses régions de Côte d’Ivoire et dans d’autres pays d’Afrique de l’ouest.

Au quatrième symposium international des leaders religieux engagés dans la lutte contre les MGF, le représentant résident du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Youssouf Oomar, a jugé "préoccupante la situation des filles et femmes victimes de l’excision en Côte d’Ivoire".

Selon Oomar, la prévalence des MGF dans le pays est estimée actuellement à 44,5 pour cent, contre 40 pour cent en 1995, soit environ une femme victime sur deux. Se référant aux dernières enquêtes à indicateurs multiples de l’UNICEF en 2006, il affirme que la pratique s’est accrue dans les régions du nord et du nord-ouest du pays avec un taux de prévalence de 88 pour cent, et dans l’ouest avec 73 pour cent.

"La persistance de la pratique s’adosse sur des croyances culturelles et religieuses des communautés qui la pratiquent", soutient Oomar.

"Les mutilations génitales féminines ne sont liées à aucune religion, mais à l’ignorance et à la mauvaise foi qui sont à l’évidence deux fondements de cette pratique", affirme Morissandé Kouyaté, directeur des opérations du Comité interafricain de lutte contre l’excision, basé à Addis Abeba.

Un autre imam ivoirien, Abdalah Djigui Cissé, président de la Fondation "Djigui la Grande espérance", une organisation non gouvernementale basée à Abidjan, a déclaré à IPS : "Notre engagement (des religieux) doit être désormais sans faille. Certains d’entre nous ont entamé la sensibilisation dans les communautés avec des résultats satisfaisants. Mais c’est encore insuffisant, et nous devons poursuivre nos efforts".

"Nous allons adopter une déclaration appelée Déclaration d’engagement d’Abidjan. Elle constituera pour nous la boussole qui nous guidera à l’éradication totale des mutilations génitales féminines", a indiqué Cissé pendant le symposium qui prend fin ce jeudi.

Ce quatrième symposium des religieux, selon les organisateurs, s’inscrivait dans le prolongement des précédentes rencontres internationales : celle de 1998 à Banjul (Gambie), de 2000 à Arusha (Tanzanie), et deux autres conférences organisées simultanément au Caire (Egypte) et à Ouagadougou (Burkina Faso), en 2000.

La Côte d’Ivoire est divisée en deux par une rébellion armée qui occupe la moitié nord du pays depuis cinq ans. En dépit de la signature de l’accord de Ouagadougou le 4 mars dernier, qui a donné l’espoir d’une organisation rapide des élections présidentielles pour sortir le pays de la crise, le processus rencontre toujours des difficultés pour avancer.

Ces difficultés sont liées, en autres, au processus d’identification qui doit permettre d’établir des cartes d’identité aux Ivoiriens sans-papier, confirmant leur nationalité ivoirienne pour leur participation aux prochaines élections.

Le 10 octobre, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon s’est dit "vivement préoccupé par le fait que le non-respect des délais fixés" par l’accord de Ouagadougou "a entraîné un ralentissement qui, s’il se poursuit, risque de compromettre la bonne application" de l’accord.


Source : http://www.humanrights-geneva.info/spip.php?article2393

mardi 20 novembre 2007

le renouveau de l'islam soufi

le renouveau de l'islam soufi


par Chanfi Ahmed


Depuis la période de la colonisation européenne des pays musulmans, beaucoup d'études ont été faites sur de multiples aspects des ordres mystiques musulmans (turuq, sing. tarîqa), ou confréries soufies : leurs pratiques populaires telles que les visites sur les tombes des saints, les danses extatiques ; les complots et les rébellions, réels et supposés, qu'ils ont conduits contre l'État colonial ; les périodes pendant lesquelles ils ont collaboré avec l'État et s'y sont adaptés tout en faisant continûment l'objet de surveillance de la part du pouvoir colonial 2, etc. Avec la décolonisation de la fin des années 1950 et le début des années 1960, les élites qui dirigeaient alors les nouveaux États indépendants ont tout fait pour marginaliser les confréries au double motif qu'elles avaient des pratiques obscurantistes contraires aux idéaux de la sécularisation, du nationalisme, du socialisme, du progrès, de la modernité, etc., ensuite parce qu'elles avaient collaboré avec les colonisateurs européens. À la fin des années 1970, et surtout depuis les années 1980, on assiste à la montée en puissance des mouvements de l'islam politique, lesquels, il est vrai, attaquent, en premier lieu, les pouvoirs politiques en place auxquels ils reprochent d'avoir échoué dans leur mission de réalisateurs du progrès, et cela parce qu'ils ne gouvernent pas selon la loi d'Allah (la sharî‘a) et les « vraies » valeurs de l'islam. Ces mouvements s'appuient, en grande partie, sur l'idéologie politique des Frères musulmans (Ikhwân al-muslimûn) et sur la doctrine salafiyya et wahhâbiyya en ce qui concerne la croyance et la pratique religieuses. Or, cette doctrine entend, justement, promouvoir un islam monolithique « purifié » des pratiques culturelles locales qu'elle considère soit comme des bida‘ (sing. bid‘a : innovation blamâble), des shirk 3 (litt. associationnisme), soit comme des khurâfât (mystifications, superstitions). De plus, comme les élites qui dirigeaient les premiers États indépendants, les leaders islamistes reprochent aux turuq d'avoir collaboré avec les puissances coloniales. La marginalisation des turuq par ces trois pouvoirs (le pouvoir colonial, celui des premières élites de l'État indépendant et celui des partisans de l'islam politique) a pu conduire spécialistes et non spécialistes à parler de la fin des turuq. Et pourtant il n'en est rien. Non seulement les confréries soufies ne disparaissent pas, mais elles se revigorent en s'adaptant au monde moderne aussi bien sur le plan doctrinal que sur celui de l'organisation.

Le regain d'intérêt que suscite l'islam aujourd'hui dans les recherches en sciences sociales et historiques porte surtout sur l'islam politique et sa revendication de pratiques cultuelles « pures » qui feraient abstraction des influences des cultures locales, un islam global qu'on pourrait pratiquer de la même façon aussi bien dans les pays du Sud que dans ceux du Nord. C'est l'islam que les activistes appellent al-sahwa al-islâmiyya (réveil islamique) et que la littérature médiatique rend par différents « ismes » : fondamentalisme, islamisme, radicalisme, intégrisme, etc. Le mouvement que l'on nomme couramment le « néo-soufisme » 4 appelle – curieusement comme ses adversaires wahhâbiyya et salafiyya et pour parer aux critiques de ces derniers – à purifier le soufisme des pratiques « non orthodoxes » et contraires à l'« idéal soufi », et illustre à titre d'exemple, cet effort d'adaptation des turuq sur le plan doctrinal. Les turuq, et les mouvements prosélytes comme le tablîgh, sont non seulement globaux et transcontinentaux depuis longtemps, mais ils renouvellent leur organisation en réseaux translocaux pour faire face au défi que représentent pour eux les activités des mouvements de la sahwa al-islâmiyya, les crises de toutes sortes que connaissent les sociétés islamiques aujourd'hui et les exigences du monde moderne. Peut-on, dans ce cas, parler d'un « réveil soufi » (sahwa sûfiyya) ? Et si oui, comment se manifeste-t-il concrètement ? C'est la question principale à laquelle les différentes contributions de ce recueil essaient de répondre, chacune selon ses terrains d'approche et sa perspective. Une confrérie comme la Shâdhiliyya Yashrutiyya en Afrique de l'Est se revivifie et se perpétue à travers les cérémonies de commémoration et les ziyâra (visites, pèlerinages) que les disciples accomplissent sur les tombeaux des fondateurs de la tarîqa. Les ziyâra créent dans le même temps une culture de mémoire, et des réseaux translocaux et transrégionaux. D'un autre côté, le mouvement de mission islamique « transcontinental » qu'est la Tablîghî Jamâ‘at semble être aux antipodes du soufisme. Et pourtant, il recèle dans son sein un substrat soufi qui sert en quelque sorte de levier à ses militants dans leur travail de mission.

Les contributions publiées ici reflètent à des degrés divers l'entrelacement des deux thèmes de la translocalité et du prosélytisme, auxquels se surajoute le thème dominant de la réforme 5. Le premier thème, la translocalité, mis en évidence par le premier article de ce recueil, est abordé dans son aspect dynamique, que ce soit dans l'histoire des groupes soufis étudiés, dans leurs réseaux et dans leurs rituels principaux. Par contre, dans les trois articles placés au centre, c'est le thème du prosélytisme qui vient au premier plan. Enfin, le thème abordé par presque tous les textes présentés est celui de la réforme des pratiques soufies, qui est particulièrement en évidence dans les trois contributions qui viennent en fin de ce recueil.

L'organisation en réseaux est consubstantielle aux turuq depuis leur apparition (entre le xiie et le xive siècle), mais elle s'était longtemps développée au Sud uniquement. C'est seulement à partir du xxe siècle, à la faveur surtout du développement des moyens de transports et de la révolution des techniques de communication, que les turuq ont pris pied au Nord (Europe, Amérique) et s'y sont développées. La contribution de Roman Loimeier, centrée sur la translocalité, montre bien comment l'organisation traditionnelle des ordres soufis en réseaux s'adapte facilement au contexte contemporain de la mondialisation. L'étude des liens translocaux de la confrérie Qâdiriyya entre Zanzibar (Afrique de l'Est), le Nigeria (Afrique de l'Ouest) et le centre de la tarîqa à Baghdad en Irak, montre comment ceux-ci fonctionnent sur trois niveaux qui s'interpénètrent : celui des guides (‘ulamâ) de la tarîqa de ces trois localités ou régions ; celui de l'enseignement de la tarîqa et de l'enseignement islamique en général ; et celui des rituels et des polémiques que se livrent à leur sujet les réformistes et les traditionalistes. En ce qui concerne le premier niveau, l'auteur présente les liens qui se sont tissés entre ‘Umar Abdallah de Zanzibar, Nasiru Kaba du Nigeria et Sheikh Saif ad-Dîn b. ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî, descendant de ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî (m. 1166), le fondateur de la tarîqa à Baghdad. Ces liens ont été exploités par les personnalités concernées non seulement pour maximiser leur prestige, mais aussi pour faire avancer l'enseignement islamique dans la tradition de leur tarîqa en concurrençant dans ce domaine les réformistes aussi bien que les autres turuq. Roman Loimeier montre d'une manière éclatante comment les deux thèmes de la réforme et de la translocalité se cristallisent dans la polémique autour de l'usage contesté de la musique des tambourins (dufu, bandîr) dans le rituel de dhikr à la fois à Zanzibar et au Nigeria. On y apprend, par exemple, que l'usage de la musique des tambourins dans le dhikr de la Qâdiriyya à Zanzibar et au Nigeria n'était pas du tout une marque de « contextualisation » dans le milieu africain d'une tarîqa venue de l'Orient arabe, mais que cet usage venait du centre même de la Qâdiriyya à Baghdad.

Les trois articles suivants traitent en premier lieu du prosélytisme à travers deux mouvements missionnaires d'origine indienne 6. Les deux premiers de ces articles (Dietrich Reetz et Marc Gaborieau), se répondent en revenant sur une question depuis longtemps posée : les rapports au soufisme et au réformisme dans un même et unique mouvement transnational, la Tablîghî Jamâ‘at créée en 1927. Le troisième article (Denise Brégand) ouvre sur un autre mouvement prosélyte qui est en fait plus ancien, puisqu'il remonte à la fin du xixe siècle, celui de la Ahmadiyya (sans doute le modèle inavoué de la Tablîghî Jamâ‘at).

Dietrich Reetz présente les Tablîghî de quatre points de vue : les origines du mouvement, la manière dont les Tablîghî mènent leur propagande, leur doctrine, et leurs relations avec les autres mouvements islamiques au Pakistan et en Inde. Ce mouvement réformiste, qui a intégré dans son sein l'héritage spirituel soufi, a été fondé par Muhammad Ilyâs en 1927 dans la région de Mewât aux alentours de Delhi au nord de l'Inde. Contrairement au mouvement réformiste qui a émergé dans le monde arabe au début du xixe siècle, d'abord en réaction contre le colonialisme européen, la Tablîgî Jamâ‘at est un mouvement réformiste endogène, né d'une situation locale créée par la propagande de conversion que menaient à l'époque les prêcheurs hindous au sein des tribus converties à l'islam. Dès les origines du mouvement, l'objectif était tout d'abord de reconvertir le converti, en d'autres termes de fortifier la foi du converti, et de provoquer de nouvelles conversions. Cet objectif a conduit les Tablîghî à user des mêmes armes que leurs protagonistes hindous en prêchant intensément. Mieux, ils ont perfectionné les techniques de prédication en imitant les prêcheurs itinérants des différents groupes protestants qui sillonnaient la région à l'époque. C'est d'eux, semble-t-il, qu'ils ont pris et appris leurs prêches de porte à porte, ou gâsht (patrouille : terme persan que les Tablîghî emploient en Inde et que les Tablîghî maghrébins en Europe nomment khurûj, litt. : sortie) pour inviter les musulmans et les nouveaux convertis à la mosquée de la localité afin de leur prêcher la bonne parole.

D. Reetz, après avoir également souligné l'aspect soufi de l'organisation, le questionne en cherchant à savoir comment et jusqu'à quel point les Tablîghî s'inspirent du soufisme dans la construction de leurs autorités et guides religieux, dans leurs formes d'organisation, dans la prise de décision et dans les interactions sociales au sein du mouvement ? Enfin, comment mettent-ils à contribution la spiritualité soufie pour en mobiliser les membres ? Si, d'après D. Reetz, le soufisme est une partie consubstantielle de la Tablîgî Jamâ‘at, il est inégalement réparti entre l'Inde et le Pakistan : dans le premier pays, l'aspect soufi du mouvement est resté très fort ; dans le second, il se fait de moins en moins visible.

Marc Gaborieau conteste pour sa part le caractère soufi de la Tablîgî Jamâ‘at, en rappelant d'abord la généalogie de ce vieux débat des études concernant ce mouvement. Deux traditions de recherche s'affrontent : la première, représentée par Muhammad Anwârul Haq, auteur de la première thèse sur les Tablîghî, soutient que la Tablîgî Jamâ‘at est une organisation soufie, alors que la seconde, représentée par Khalid Masud, affirme qu'il s'agit tout simplement d'un mouvement missionnaire réformiste. M. Gaborieau – en phase avec D. Reetz – rejette la prétendue position apolitique des Tablîghî, mais il maintient néanmoins que le fait que les Tablîghî soient préoccupés de conquérir toujours plus d'espace par leur prédication est à rapprocher, particulièrement pour ce qui concerne leur organisation hiérarchique et presque militaire sous la direction d'un amîr, avec des patrouilles (gâsht ou khurûj), du mouvement du jihâd armé médiéval. Selon l'auteur le prétendu caractère soufi du mouvement, l'habit apolitique dont celui-ci se revêt, la soit-disant non-implication du mouvement dans les conflits interreligieux, et autres moyens auxquels il recourt pour se donner une image politically correct, tout cela relève d'une stratégie de légitimation qui masque le passé historique du mouvement.

Dans le troisième article, plus centré sur le prosélytisme, Denise Brégand revient sur le mouvement Ahmadiyya, fondé en Inde par Mirzâ Ghulâm Ahmad (c. 1838-1898), qui fut la première grande organisation missionnaire dans le monde musulman moderne, et qui inaugure, au niveau du sous-continent indien, ce que l'on a appelé « la montée du prosélytisme » 7. La fondation de ce mouvement illustre la concurrence des musulmans et des hindous dans une lutte d'influence qui prend appui sur le modèle fourni par les missionnaires chrétiens, dont les uns et les autres avaient eu à souffrir. Les spéculations du fondateur avaient leurs racines dans le soufisme, et il se voyait comme un réformateur. Les efforts de ses successeurs ont visé avant tout à répandre l'islam dans le monde entier – véritable globalisation avant la lettre. Le présent article montre comment cette stratégie d'expansion est mise en œuvre aujourd'hui au Bénin, et comment elle s'adapte au contexte africain, selon que l'islam y est minoritaire ou majoritaire.

Dans les débats sur les Tablîghî, comme dans tous les autres articles, notamment ceux de Michael Laffan et de Samuli Schielke, un enjeu essentiel demeure en filigrane : celui de la réforme du soufisme. Michael Laffan rend compte du débat sur l'impératif de la réforme de l'islam en Indonésie en général, et du soufisme en particulier, face à l'idéologie de la globalisation. Il le fait à travers l'étude d'une revue mensuelle sur le soufisme qui a paru en Indonésie de 2000 à 2002 ; une vie assez longue dans le contexte de ce pays, d'après M. Laffan, pour une revue d'opinion. Plusieurs thèmes ont été traités dans cette revue, mais deux grandes tendances paraissent dominer toutes les livraisons. La première est constituée d'une série d'études sur les « pères » fondateurs du soufisme en islam en général (Ghazzâlî, Hallâj, Rûmî, Abd al-Qâdir al-Jilânî, etc.), les grands soufis fondateurs de turuq en Indonésie (Ahmad Khatib Sambas, Ismail Minangkabau, etc.,) et aussi d'informations sur les orientalistes, comme Massignon, qui ont écrit sur le soufisme. La seconde tendance est formée d'articles et d'interviews portant sur le soufisme face à de grands thèmes, tels que la globalisation, l'hégémonie de la culture occidentale, la modernité. Il faut se rappeler que la revue paraissait dans une période pendant laquelle le pays connaissait un regain de propagande islamique dans différentes versions et une intensification des activités politiques à la suite de l'ouverture libérale qui a suivi la chute du régime de Suharto et l'arrivée d'Abdurrahman Wahid au pouvoir. Mais c'est en même temps la période qui a suivi la crise financière de 1997-1998 qui a durement frappé le pays. C'est dans cette situation d'ouverture politique et de crise économique que la revue paraissait. Et c'est à juste titre que M. Laffan pose la question de savoir quel genre de remède la revue propose pour guérir ce grand mal.

Dans sa contribution, S. Schielke analyse les cérémonies populaires soufies des mawlid – ou fêtes anniversaires des saints – en Égypte aujourd'hui, et les discours réformistes et rationalistes visant à les « moderniser », à les « réformer », et à les purifier pour en faire, dit-on, des « pratiques islamiques authentiques ». Depuis l'apparition des mawlid il y a un millénaire, à l'époque des Fatimides, puis des Mamluks, les oulémas réformistes ont toujours critiqué leurs aspects populaires et festifs considérés par eux comme des bid‘a (innovations blâmables) et contraires à l'« islam authentique ». Aux xixe et xxe siècles, les modernistes, rejoignant les réformistes, les stigmatisent aussi comme des pratiques obscurantistes, irrationnelles et contraires au progrès et à la modernité. Ils dénonçaient (comme aujourd'hui) l'atmosphère festive, carnavalesque, des dhikr collectifs, avec leur lot de musiques et danses extatiques, le commerce informel, les pèlerinages sur les tombes des saints, la non séparation entre les femmes et les hommes, ainsi que d'autres aspects du mawlid qui dénotent à leurs yeux l'ignorance, la transgression des normes islamiques, le manque de rationalité et le désordre.

Pour contrecarrer les attaques des détracteurs du soufisme, l'État, les représentants officiels de l'islam – le recteur de l'université al-Azhar, le Supreme Council of Sufi Orders (al-Majlis al-al‘â li-t-turuq as-sûfiyya) et les représentants du soufisme réformiste – ont engagé une série de mesures tendant à réformer et à moderniser les mawlid ; ce qui se traduit par la tentative (réussie en grande partie) d'imposer du nizâm (à la fois ordre, discipline et organisation) dans le mawlid. L'espace dans lequel il est autorisé à s'accomplir est soumis partout à des frontières et des barrières (matérielles et/ou idéelles) séparant ce qui relève du mawlid authentique et ce qui en serait une déviation, même si le mawlid « inauthentique » ou « déviant » persiste toujours aux marges du premier, avec ses foules bigarrées, ses transgressions, son aspect festif et carnavalesque. S. Schielke souligne que les représentants de l'État et les soufis réformistes acceptent malgré eux cet aspect essentiel et consubstantiel du mawlid : en témoigne, ce que disent certains parmi eux : « C'est la foule qui fait le mawlid » (il-mûlid fî zahmituh). Après tout, le permis et le défendu, la norme religieuse et sa transgression, sont les deux faces d'une même médaille : chacune a besoin de l'autre pour exister.

A. Popovic aborde les deux thèmes de la translocalité et de la réforme à partir d'une périodisation historique qu'il applique à l'évolution du soufisme dans les pays balkaniques (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine et Albanie). Il montre que dès les premières conquêtes ottomanes dans la péninsule, aux xive-xve siècles, des turuq comme la Bektâshiyya, la Naqshbandiyya se sont implantées. Elles furent suivies entre le xvie et le xviiie par d'autres comme la Qâdiriyya, la Rifâ‘iyya. Et enfin au xixe siècle une troisième sorte de turuq comme la Melâmiyya-Nûriyya a fait son apparition. Dans chacune de ces périodes, les autorités ottomanes instrumentalisaient massivement ces turuq selon leurs besoins politiques du moment, notamment dans la colonisation des territoires et l'encadrement de l'armée. Les turuq se sont forgées, d'une période à l'autre, une habitude d'adaptation qui allait leur permettre de survivre dans les moments difficiles notamment après l'avènement des États-nations, puis sous les régimes communistes. La fin de la guerre froide a ouvert une nouvelle période du soufisme dans les Balkans. On y observe, en effet, un renouveau des anciens réseaux translocaux des turuq et l'apparition de nouveaux réseaux venant de Turquie, d'Iran et d'autres pays musulmans, voire même des différentes diasporas balkaniques en Europe et aux États-Unis d'Amérique. En même temps sont apparues sur la scène de l'islam balkanique différentes « missions islamiques », de charité et d'enseignement islamique, dont la plupart sont contre les pratiques des turuq.

Les quelques contributions présentées ici prouvent, si besoin est, la vitalité de l'islam soufi qui s'exprime sous différents aspects. D'abord dans ses structures classiques que sont les turuq, ensuite dans de nouvelles institutions telles que les revues, et enfin, d'une manière voilée, dans des organisations missionnaires islamiques qui pourtant ne se réclament pas explicitement du soufisme. Les réformes engagées sont à la fois doctrinales et organisationnelles. Confronté à la poussée des mouvements islamistes qui revendiquent aussi leurs tendances réformistes et modernistes, le soufisme est forcé de relever le défi. Il ne faudrait pas voir cependant les réformes du soufisme et son action prosélyte comme une simple réaction aux mouvements islamistes. Il s'agit aussi et surtout de la marque d'une tradition soufie de survie et d'adaptation au monde qui change. En effet, ni les tentatives des pouvoirs politiques établis pour les marginaliser ou les instrumentaliser, ni les attaques dont elles ont toujours fait l'objet de la part des réformistes de la Salafiyya et autres islamistes n'ont rien entamé de leur dynamisme.

Notes

1 Je remercie Marc Gaborieau d'avoir lu et commenté cette introduction. Une grande partie de ses remarques y sont intégrées.

2 Sur ce thème de l'adaptation et de la surveillance dont les turuq faisaient l'objet, voir surtout David Robinson, « The Murids: Surveillance and Collaboration », Journal of African History, 40, 1999, p. 193-213 ; David Robinson, Paths of Accommodation. Muslim Societies and French Colonial Authorities in Senegal and Mauritania, 1880-1920, Athens, Ohio University Press, Oxford, James Currey, 2000.

3 C'est « associer autre chose » (d'où le terme associationnisme) à la prière, à l'invocation et à l'adoration d'Allah. C'est croire que quelque chose ou quelqu'un d'autre que le Prophète Muhammad peut, avec l'agrément d'Allah, intercéder entre le croyant et Allah dans sa volonté toute-puissante.

4 Sur le débat autour de la notion du « néo-soufisme », voir surtout R. Sean O'Fahey, Bernd Radtke, « Neo-Sufism Reconsidered », Der Islam, IXX, 1993, p. 52 ff.

5 Les articles réunis ici sont principalement issus d'un colloque tenu à Berlin les 4-5 avril 2003 dans le Centre de l'Orient Moderne (ZMO : Zentrum Moderner Orient, Centre For Modern Oriental Studies). Ce centre qui est dirigé par Mme la Prof. Ulrike Freitag, historienne du Proche-Orient, est le seul centre de recherche en Allemagne à avoir une approche interdisciplinaire et une perspective d'histoire comparée sur le Proche-Orient, l'Afrique, l'Asie du Sud et du Sud-Est. Les interactions entre les sociétés musulmanes ainsi que les relations qu'elles entretiennent avec les régions voisines non musulmanes sont au cœur de ses préoccupations de recherche. Fondé en 1996, le ZMO est un centre extra-universitaire de recherche en sciences humaines et sociales.

6 Sur ces mouvements, voir Catherine Clémentin-Ojha, Marc Gaborieau, « La montée du prosélytisme dans le sous-continent indien », Archives de sciences sociales des religions, no 87, juillet-septembre 1994.

7 Catherine Clémentin-Ojha, Marc Gaborieau, op. cit.


Chanfi Ahmed : le renouveau de l'islam soufi ;

http://assr.revues.org/document3685.html

lundi 12 novembre 2007

Le commentaire de l'Imam Nawawi (ra) sur le hadith Jibril

Le commentaire de l'Imam Nawawi (ra) sur le hadith Jibril

«Parle-moi au sujet de la foi (iman).»

L’Iman, lexiquemment parlé, signifie une conviction de nature générale. Légalement, c’est une expression pour une conviction spécifique dans la croyance en Allah, Ses anges, Ses livres, Ses messagers, le jour dernier, et tout ce qui est décrété, le bon et le mal. Islam est un mot signifiant la performance des obligations légales. Celles-là sont les actions externes que l’on applique à soi-même.

Allah Le plus Exalté a fait une différence entre la foi (iman) et la soumission et ceci est aussi mentionné dans le hadith. Il dit: «Les Arabes disent: «Nous avons la foi.» Dit: «Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt: Nous sommes simplement soumis» (49:14). Ceci est parce que les hypocrites priaient, jeûnaient, et payaient l’aumône légale cependant ils niaient dans leur cœur. Lorsqu’ils prétendaient avoir la foi, Allah déclara leur revendication de mensonge à cause du refus dans leur cœur, mais Il confirma leur revendication de soumission à cause de leur performance des devoirs.

Allah dit: «Quand les hypocrites viennent à toi, ils disent: «Nous attestons que tu es certes le Messager d’Allah,» Allah sait que tu es vraiment Son Messager, et Allah atteste que les hypocrites sont assurément des menteurs» (63:1). Ils sont menteurs dans leur revendication d’attestation au message puisque leurs cœurs le nient. Les mots de leur bouche ne sont pas en accord avec le contenu de leurs cœurs, alors que la condition de l’attestation au message est que la langue confirme ce que contient le cœur. Lorsqu’ils mentaient dans leur revendication, Allah exposait leur mensonge.

Puisque la foi est aussi une condition pour la validité de la soumision, Allah l’Exalté différencie le soumis (musulman) du croyant (mou'min) en disant: «Nous avons donc fait sortir ce qu’il y avait comme croyants, mais Nous n’y avons trouvé qu’une maison de gens soumis» (51:35-36). Cette distinction lie la croyance et la soumission comme étant une condition et son exécution.

Pour finir, Allah désigna la prière par le nom de "foi" lorqu’Il dit: «Et ce n’est pas l’objectif d’Allah de vous faire perdre votre foi» (2:143) et «Tu n’avais aucune connaissance du Livre ni de la Foi» (42:52). Il parle de la prière.

«Et de croire en ce qui a été décrété (qadar), le bien et le mal.»

Le mot est prononcé de deux manière; qadar et qadr.

La voie des Gens de La Vérité (c’est-à-dire Ahl al-Sunna wa al-Jama`a) est de fermement croire au décret d’Allah. Le sens de ceci est qu’Allah – Glorifié et Exalté soit-Il – a décrété les choses depuis la pré-éternité et qu’Il – Glorifié et Exalté soit-Il – sait qu’elles se manifesteront aux temps qui sont connus de Lui; et elles se dérouleront exactement selon ce qu’Il a décrété – Gorifié et Exalté soit-Il!

Sache qu’il y a quatre sortes de décrets:

1. Le décret dans la Prescience Divine. Il est dit à son sujet: L’affection (`inaya) devant l’amitié (milaya), le plaisir avant la naissance, et la moisson se poursuit dès les premiers fruits. Allah l’Exalté dit: «Est détourné de lui quiconque a été fait pour être détourné» (51:9). En d’autres mots, l’un est détourné d’entendre le Coran et de croire dans ce monde celui qui a été détourné d’eux dans la pré-éternité.»

2. Le décret sur la Tablette Protégée. Un tel décret peut être changé. Allah: «Allah efface ce qu’Il veut, et Il confirme ce qu’Il veut, et l’Ecriture Mère est auprès de Lui» (13:39). Nous savons qu’Ibn `Oumar avait l’habitude de dire dans ses invocations: «O Allah, si Tu as prédestiné des difficultés pour moi, efface-les et écrit de la félicité pour moi.»

3. Le décret dans la matrice concernant ce que l’ange est ordonné d’écrire au sujet de la subsistance et le terme de la vie de l’un, et s’il sera malheureux ou prospère.

4. Le décret qui consiste à rejoindre des choses spécifiques pré-établies au moment où elles doivent se dérouler, car Allah l’Exalté a créé à la fois le bien et le mal et a ordonné qu’ils atteignent Ses serviteurs au temps désigné par Lui.

Il est évident qu’Allah Tout -Puissant créa à la fois le bien et le mal puisqu’Il dit: «Les criminels sont certes dans l’égarement et la folie. Le jour où on les traînera dans le feu sur leur visage on leur dira: "Goûtez au contact de l’enfer Sakar." Oui! Nous avons créé toute chose avec mesure (qadar)» (54:47-49). Ce verset fut révélé concernant les partisants du libre arbitre absolu ou Qadariyya à qui on a dit: «Votre croyance est en enfer.»

Comme évidence supplémentaire de ce qui a été décrété , l’Exalté dit: «Dit: Je cherche refuge auprès du Seigneur du couperet contre le mal qu’Il a créé» (113:1-2). La lecture de ce serment au moment où quelque chose de bien arrive au serviteur d’Allah repoussera le mal avant qu’il l’atteigne. Il y a aussi dans le hadith: «Les bonnes actions et renforcer les liens familiaux évitent une mort terrible et éventuellement la change en une bonne»; «L’invocation et l’affliction sont suspendues entre le ciel et la terre, vivante, et l’invocation repousse l’affliction avant qu’elle ne descende.»

Les partisans du libre arbitre absolu [les Mou`tazila] prétendent qu’Allah l’Exalté n’a prédestiné aucune chose, que Sa connaissance ne les précède pas, qu’elles commencent à exister seulement lorsqu’elles se déroulent et que c’est à ce moment seulement qu’Il – Exalté soit-Il – les connait. Ils mentent au sujet d’Allah. -Exalté soit-Il -Il est très haut, au-dessus de leur propos mensonger. Ils rentrèrent dans l’obscurantisme.

Plus tard les Qadariyya disent que le bien provient d’Allah pendant que le mal provient de quelqu’un d ‘autre que Lui. Allah est aussi Exalté haut au-dessus d’une telle déclaration. Dans un hadith authentiquement rigoureux, le Prophète dit: «Les croyants au libre arbitre absolu sont les Zoroastriens de cette Communauté.» Il les nomma Zoroastriens parce que leur école de pensée ressemble à celle du dualisme Zoroastrien. Les Dualistes prétendent que le bien est effectué par la lumière et le mal par l’obscurité, et c’est ainsi qu’ils méritèrent ce nom. Similairement, les partisants du libre arbitre absolu attribuent le bien à Allah et le mal à quelqu ‘un d’autre que Lui,– Exalté soit- Il –Il est le Créateur à la fois du bien et du mal.

L’Imam des Deux Sanctuaires dit dans le "Livre de Guidance aux Preuves Définitives Concernant les Fondations de la Coyance" que certains des Qadariyya disent: «Ce n’est pas nous, mais vous (Ahl al-Sunna) qui êtes les Qadariyya à cause de votre croyance au soit disant Décret.» Jouwayni répondit à ces ignares qu’ils se sont attribués le pouvoir du décret, et quiconque revendique, par exemple, le pouvoir du mal et se l’attribue, mérite son attribu, plutôt que celui qui l’attribue à d’autres qu’à lui-même et nie toute paternité à son sujet.

«Informe-moi au sujet de l’ihsan.» Il dit: «L’ihsan c’est l ‘adoration d’ Allah comme si tu Le voyais.»

Ceci est la station de la Vrai Vision ( maqam al-mouchahada). Quiconque est capable de voir directement le Roi répugne à se tourner vers d’autres que Lui dans la prière et à affairer son cœur avec d’autres que Lui.

La Station d’ihsan est la Station des Saints les Plus Véridiques (maqam al-siddiqin) à laquelle nous avons fait référence dans notre commentaire sur le hadith de l’intention (Les actions sont selon leurs intentions):

[Al-Mouhassibi dit: «La véracité (sidq) en tant qu’attribut d’un serviteur d’Allah, signifie la constance dans le comportement visible et caché d’une personne, en privé comme en public. La véracité est réalisée après la réalisation de toutes les stations (maqamat) et états (ahwal). Même la sincérité (ikhlas) a besoin de la véracité, alors que la véracité n’a besoin de rien, parce que quoique la réelle sincérité est de chercher Allah à travers l’obéissance, on peut chercher Allah en priant et toujours être insouciant ou absent en son propre cœur en cours de prière. La véracité est ainsi chercher Allah au moyen de l’adoration avec une complète présence du cœur devant Lui. En vérité tout véridique (sadiq) est sincère (moukhlis), pendant que tout sincère n’est pas véridique. Ceci est la signification de connection (ittissal) et déconnection (infissil): le véridique s’est déconnecté de tout ce qui est autre qu’Allah (ma siwa Allah) et il s’est empressé en la présence auprès d’Allah (al-houdour billah). Ceci est aussi le sens de la renonciation (takhalli) de tout ce qui est autre qu’Allah et l’auto-revêtement (tahalli) avec la présence auprès d’Allah, Le Glorifié, L’Exalté.»]

«Il te voit certainement».

Il voit ton insouciance si tu es insouciant pendant la prière et que tu converses avec ton moi.

«Informe-moi au sujet de l’Heure.» Il répondit: «Celui qui est interrogé n’en sait pas plus sur elle que celui qui l’interroge.»

Cette question indique que le Prophète – le salut et la paix d’Allah sur lui – ne connaissait pas l’Heure. La connaissance de l’Heure est parmi les choses dont Allah s’est réservé la connaissance. Il dit: «La connaissance de l’Heure est auprès d’Allah» et «C’est lourd dans les cieux et sur la terre, et elle ne viendra à vous que soudainement» (7:187) et «Qu’en sais-tu? Il se peut que l’Heure soit proche» (33:63, 42:17).

En ce qui concerne ceux qui prétendent que l’âge de ce monde est de 70000 ans et qu’il en reste 63000, c’est une fausse déclaration rapportée par al-Tawkhani dans les «Causes de la Révélation» par certains astrologues et mathématiciens. Encore, quiconque prétend que le terme du monde est de 7000 années, fait une affirmaton audacieuse au sujet de l’Inconnu, et ce n’est pas permis d’y croire.

«Informe-moi au sujet de ses signes.» Il répondit: «Quand la fille-esclave donnera naissance à sa propre maîtresse.»

Une autre version dit: «à son maître.» La plupart des commentateurs disent que ceci est un signe de multiplicité des filles-esclaves et leurs progénitures. Un enfant né d’un maître de fille-esclave est comme son maître, parce que les possessions du proprétaire vont à ses enfants. Certains disent que la signification se réfère aux filles-esclaves donnant naissance à des rois. La mère tombera alors sous la souveraineté de son fils. Une autre signification est qu’une personne peut avoir un fils avec une fille-esclave avant de la vendre; ensuite le fils grandit et achète sa propre mère. Ceci est une des conditions de l’Heure.

«Quand tu verras les va-nu-pieds, les déguenillés, les pauvres gardiens de bêtes rivalisant les uns les autres dans la construction de grands buildings.»

Cela signifie que les Bédoins qui vivent dans le désert et leurs semblables parmi les parvenus et les pauvres deviendront des experts dans l’érection de grandes structures. Le monde leur sera généreux et ils finiront par vivre dans le luxe avec leurs buildings.

«Et il (le Prophète) attendit [labitha] longtemps.»

Les rapports disent aussi: «J’attendis [labithou] longtemps.» Les deux sont fiables. Dans la narration d’Abou Dawoud et de Timidhi, `Oumar dit: «Après trois jours.» Dans le Charh al-Tanbih de Baghawi, il est rapporté: «Après trois jours ou plus,» ce qui apparemment signifie après que trois nuits soient passées. Tout ceci apparemment contredit la version d’Abou Hourayra dans sa narration (dans Boukhari): «L’homme se leva et parti, après lequel le Messager d’Allah dit – la paix et le salut d’Allah sur lui: «Ramenez-moi cette personne» et ils le cherchèrent pour le ramener, mais ils ne trouvèrent personne. Alors il dit—la paix et le salut d’Allah sur lui: «C’était Gabriel.»»

Il est possible de réconcillier les deux versions de l’évènement en considérant qu’Oumar n’a peut être pas été présent au moment de la révélation du Prophète – la paix et le salut d’Allah sur lui –qu’il s’était levé et avait pris congé du groupe à ce moment-là. Ainsi le Prophète – la paix et le salut d’Allah sur lui – fit juste sa révélation à ceux qui furent présents, et ils informèrent `Oumar à leur tour après trois jours, puisqu’il n’avait pas été présent au moment où le reste des Compagnons avaient été informés.

«C’était Gabriel. Il était venu vous enseigner les prescriptions de votre religion.»

Il y a une indication dans cette déclaration que l’islam, l’iman, et l’ihsan sont ensembles nommés «religion» (din).

Le hadith démontre que la croyance au décret d’Allah est une obligation, et que l’on doit éviter les choses interdites, et que le contentement avec ce qui advient est une obligation.

Un homme vint à Ahmad ibn Hanbal – qu’Allah soit satisfait de lui – et dit: «Donne-moi des conseils»: Il lui dit:

«Si Allah l’Exalté S’est approprié la provision de toutes les subsistances, pourquoi t’inquiètes-tu? Si en vérité la compensation pour toutes les choses appartiennent à Allah, pourquoi être mesquin? Si en vérité il y a un Paradis, pourquoi ne pas s’appaiser maintenant? Si en vérité il y a un Feu, pourquoi désobéir? Si le questionnement de Mounkar et de Nakir est vrai, qu’est-ce qui est bon de se tenir en compagnie des humains? Si le monde est destiné à une instinction, quelle paix d’esprit y a-t’il? Si en vérité il y a un compte à rendre, à quoi servent les possessions? Et si toutes les choses sont mesurées et décrétées à passer, pourquoi avoir peur?»

L’auteur de Maqamat al-`oulama (Les stations des érudits) mentionne que le monde est divisé en 25 parties:

· Cinq ont rapport à ce qui est mesuré et décrété à se produire: la subsistance, les enfants, les parents, le pouvoir, et l’âge;

· Cinq ont rapport à l’effort personnel (ijtihad): le paradis, l’enfer, la décence, la galanterie, et l’écriture;

· Cinq ont rapport à l’habitude: manger, dormir, marcher, l’accouplement, et se soulager des excréments;

· Cinq ont rapport à la constitution naturelle: l’abstinence, la pureté, l’altruisme, la beauté, et la dignité;

· Cinq ont rapport à l’héritage: la richesse, les relations, l’indulgence, la vérité, et la loyauté.

Aucun des éléments ci-dessus cités ne contredit le dire du Prophète – la paix et le salut d’Allah sur lui – où il dit «Toute chose est mesurée et destinée à passer.» Au contraire, cela veut dire que certaines de ces choses sont déterminées par des causes (secondaires), tandis que d’autres ne le sont pas, et toute chose est destinée mesurée et destinée à passer.

Source : http://al.alawi.1934.free.fr

jeudi 8 novembre 2007

Sidi Mûstafa Bassir (Qu'Allah sanctifie son secret)

Nous appartenons á Dieu et nous retournons à Lui . Sayyidi Muhammad al-Mustafa Basir ibn Sayyid Ibrahim ibn Sayyid Imbarak al-Basiri al-Hasani al-Maghribi al-Susi al-Muqri’ al-Maliki al-Shadhili al-Darqawi est decedé dans sa zawiya à Bani A'yaat (moyen Atlas marocain) dans la nuit du mileu du mois de Sha'ban 1427 (dans la nuit du 7-8 Septembre 2006) à l'âge de 67 ans .


Il laisse derriere lui de nombreux fils et filles ainsi que de nombreux disciples . Sidi Isma'il son fils
ainé , continue à s'occuper des affaires courantes de la zawiya qui est assiduement fréquenté par les foqara(s) et les recitateurs du Coran chaque moment de l'année ; j'ai eu l'occasion de la visiter il y a un mois comme je l'ai décrit dans mon article " Du Maroc benie : voyage au monde du Coran " .

http://www.livingislam.org/n/wqm_e.html

Durand mon séjour à la zawiya , j'ai eu l'honneur de lire avec lui la partie de la Rissala al Qushayriyya consacrée à la 'Aqida , le commentaire de la sourate al-Fatiha d'ibn Juzay ainsi que quelques pages du livre Mi`raj al-Wusul ila Ma`rifat Allah wal-Rasul de sayyid Ahmad Zayni Dahlan .
Lorsque j'ai remis à sidi Mustafa une copie en arabe du livre " Jami' al Irshad al Sharif " (publié à Beyrouth) regroupant les discours de sheikh Nazim , il a lu des passages de l'ouvrage durant plusieurs semaines . Un an ou deux ans plus tard , lorsque son fils légal l'a conduit à Damas , ils m'ont enmené avec eux pour rendre une visite mémorable à maulana sheikh Nazim à Chypre qui l'a vetue de son jubbé (sorte de manteau) .

Sidi Mustafa a souvent visité Damas sur la route qui le menait en Arabie Séoudite pour le pélerinage ou la 'Umra et honorait de sa grâcieuse présence les maisons de ceux qui l' aimait ; visites qui laissaient ces maisons pleine de simplicité et de bon humour . Ou il se trouvait , il attirait l'attention et il était particulierement attentionné envers les étudiants Nord Africains qui transformaient leur réunions en cercles de lecture du noble Coran . Parmi ces étudiants , le plus noble et le plus savant d'entre eux , ce d'après l'avis des autres étudiants , se trouvait sheikh Farid ibn `Azzouz al-Hasani al-Jazairi (qui a passé dix années à Damas et qui est maintenent de retour en Algérie) et qui a recut l'Ijaza de sidi Mustafa .
Je me souviens d'une visite avec sidi Mustafa au tombeau de sheikh Muhyi al-Din Ibn `Arabi à Damas ; les hommes et femmes venaient à sidi Mustafa pour lui demander conseil ; il leur repondit :
" Le sheikh est ici , il n'y a pas besoin de ma personne " .
Une autre fois nous visitâmes la hadra du sheikh Mustafa al Tûrkmani à Jami' al Ward . Après la hadra et une fois que les gens se soient assis et que le thé fût servit , Shaykh Mustafa al-Turkmani remit le livre de la wasaya de sheikh Muhyi al-Din Ibn `Arabi , à sidi Mustafa de prononcer le cours à sa place.
Une autre fois , sidi Mustafa nous enmena avec lui à Amman oú nous visitâmes sheikh Nuh Keller dans sa zawiya ; ce dernier lui remit son travail sur la Shadhiliya et
dirigea la hadra . Lors de sa derniere visite à Damas , il demeura à l'institut Abu Nour oú nous le visitâmes .

Une de ses paroles favorite , qu'il aimait à repeter lorsqu'on évoquait un de ses amis décedé , était : “Bi-khayr, wa-fi khayr, wa-`ala khayr!” . Il souriait souvent amicalement et venant d'une famille originaire du désert , il ne se sousciait pas des apparences . On pouvait deviner colere , mais il la réservait , à ce que j'ai pus constater , aux Wahabbis ,qu'il appelait "Shalafis" et "Talafis" et pour qui il n'avait pas de
tolérance .


Un autre fils de sidi Mustafa , Sidi `Abd al Mughith à qui je dois l'honneur d'avoir pu rencontrer son père est l'auteur d'un important
ouvrage intitulé "al-Nazr al-Yasir min Manaqib Zawiyat Al al-Basir fil-Sahra’ wa-Sous wa-Bani A`yat bil-Maghrib " . Il est également l'auteur d'une brève histoire de la Shadhiliya ainsi que d'une biographie de l'Imam al Jazuli accompagné d'une nouvelle édition des Dala’il al-Khayrat.

On m'a raconté bien des années après ma premiere rencontre avec le sheikh , l'évenement qui fût la cause des problemes qu'il avait à une de ses jambes . Alors qu'il était jeune ,
un déséquilibré entra dans l'école oú il enseignait , avec une arme à feu à la main ; tout le monde tentait de s'échapper sauf sidi Mustafa qui restait à sa place . L'homme se trouva en face de lui et lui dit :" Qui te proteagera de moi ?" ; sidi Mustafa répliqua :" Entre toi et moi , il y a Allah (Dieu)".
L'homme tira alors sur sidi Mustafa jusqu'à ce que son chargeur soit vide mais par la grâce d'Allah sidi Mustafa survécut et eut la grâce d'avoir quatre épouses et de succeder à son père à la

direction des zawiyas Darqawiyya-Bassiriyya .

Puisse Allah lui accorder la plus haute place au paradis à côté de son ancêtre sayydi Mohammed le messager d'Allah , paix et bénédictions sur lui et sa famille.

GF Haddad

vendredi 2 novembre 2007

La renaissance islamique en Chine

La renaissance islamique en Chine

un article du Dr Moufid Al Zaidi


Au cours des dernières décennies, la Chine a connu une renaissance islamique sur des plans aussi divers que l’enseignement islamique, la construction des mosquées, l’enseignement de la langue arabe, la traduction de l’arabe vers le chinois.

1. L’enseignement de la langue arabe.
L’enseignement de la langue arabe a commencé à partir des années quarante du siècle précédent grâce aux efforts de certains professeurs et lettrés comme Majiang (Mohammed Makin), Abdurrahmane Nanchong, Rédouane Li Yong Yang Ro’i, pour ne citer que ceux-là.
L’enseignement de l’arabe connut un élan de développement tel que de plus en plus d’étudiants et de jeunes chinois s’y sont intéressés. Mais au delà du simple apprentissage, plusieurs d’ente eux ont poussé leur intérêt linguistique jusqu’à préparer une maîtrise, voire un doctorat ès langue et littérature arabes. Ainsi, jusqu’en 1998, une trentaine d’étudiants environ ont obtenu des diplômes supérieurs dans cette spécialité. En outre, une «Académie de la langue arabe» constituée d’arabisants chinois a vu le jour en octobre 1984 pour promouvoir la langue sur les plans de l’enseignement et de la recherche. Les activités concernant la langue arabe se sont ainsi étendues à toutes les villes et départements chinois grâce en partie à ladite Académie qui a organisé de nombreuses conférences et stages de méthodologie d’enseignement au profit d’arabisants chinois. Ont été organisés aussi des stages de formation sur l’utilisation des techniques modernes d’enseignement ainsi que des conférences en collaboration avec les organisations et les institutions arabes sur les techniques discursives, la culture, la calligraphie, la langue et la littérature arabes, l’enseignement supérieur, les programmes universitaires, la traduction et bien d’autres sujets connexes.
2. L’édification des mosquées :
Les musulmans des siècles passés ont construit des mosquées dans les différentes villes de Chine. La plus importante d’entre elles est la mosquée Yi-no Ji sur l’avenue qui porte le même nom et qui signifie «avenue des vaches». Citons également la mosquée Angxi qui fut édifiée sous la Dynastie Ming et qui comprend une bibliothèque où sont conservés d’anciens manuscrits et un exemplaire du Coran qui remonte à l’an 718 de l’Hégire. Elle abrite en sus le siège de l’Association islamique de Pékin et l’Institut islamique de Pékin. Sans oublier Jien Chan Da et Huarchi, deux autres mosquées pékinoises.
Construite sous la Dynastie Tang, la mosquée Hua’i Change (qui signifie commémoration de la tradition du Prophète) est l’une des plus anciennes de Chine. Située à Kuang Cho, l’un des haut-lieux de l’architecture islamique en Chine et dans le monde musulman, cette mosquée est surmontée d’un minaret et de tours et entourée de murs, construits sur le modèle architectural islamique. Elle comprend par ailleurs une bibliothèque, une salle de cérémonies sociales et une salle d’accueil réservée aux invités. A travers son histoire, cette fameuse mosquée a été sujette à des restaurations périodiques dont la plus importante reste celle de 1924. Grâce à «l’Association de Canton pour le développement de l’islam en Chine» et aux fonds qu’elle a collectés auprès des musulmans de ce département chinois, cette fameuse mosquée fut reconstruite de manière à remplir la fonction d’un centre islamique pouvant abriter les activités religieuses des musulmans de la république de Chine. Rappelons au passage que le département des affaires religieuses du Conseil d’État et le gouvernement populaire de Guangzhou ont généreusement contribué au projet de reconstruction et de réaménagement de ladite mosquée qui fut par ailleurs classée en 1997 parmi les principaux monuments historiques de Chine.
3. L'enseignement dans les mosquees :
L’enseignement islamique dispensé dans les mosquées commença vers le début du règne de la Dynastie Ming (IXème siècle de l’Hégire/ XVIème siècle de l’ère chrétienne) par l’intermédiaire de Ho Ding Chu, un savant de la communauté musulmane Hu’i, rebaptisé Muhammad Abdullah Ilias. Ce type d’enseignement qui s’est répandu au fur et à mesure que l’islam prenait de l’ampleur a fait de la mosquée le lieu tout indiqué autant pour donner une instruction islamique que pour subvenir aux besoins religieux des musulmans. Dans ces mosquées-écoles, l’imam fait office d’enseignant et le Coran représente le sujet d’étude principal. Quant aux enseignants, ils sont recrutés aussi bien parmi les autochtones que dans les autres pays musulmans.

Un corps enseignant spécialisé a vu le jour ; l’enseignement ressemblait de plus en plus à celui des écoles coraniques traditionnelles où la langue locale est utilisée parallèlement à la langue arabe. L’enseignement dans les mosquées a conféré à la pédagogie islamique en Chine des caractéristiques nationales. C’est ainsi que les cultures islamique et chinoise ont continué à coexister et que l’enseignement islamique s’est répandu dans les différentes régions de Chine, jouant de la sorte un rôle primordial dans la diffusion de l’islam dans ce vaste pays.


L’enseignement dans les mosquées proposait un cursus varié qui comprend la rhétorique, la logique, le tawhid (concept d’unicité de Dieu), la langue, les sciences du hadith, la philosophie, la grammaire, la littérature arabe et le commentaire coranique. Et parce qu’il s’appuie sur un certain nombre de références en langue arabe, l’enseignement joue un rôle important dans le soutien des programmes et l’orientation des musulmans chinois vers l’apprentissage de l’arabe, la culture islamique et les sciences juridiques de tradition musulmane.
4. La traduction en arabe :
La traduction du sens du Coran en langue chinoise est une entreprise qui a débuté sous les Dynasties Ming et Ching. Mais antérieurement à cette époque, des essais de traductions qui se sont toutefois limitées à quelques versets ont été effectués dans le cadre d’ouvrages ou d’articles afin d’en révéler le sens au lecteur. Le Coran était étudié à la seule lumière des interprétations qu’en faisaient les imams. Le grand public musulman, lui, dépendait entièrement des imams pour accéder au texte sacré en arabe mais sa compréhension reste toutefois incomplète. D’où la nécessité de la traduction en langue chinoise, nécessité d’autant plus évidente que l’islamisation de la communauté Hu’i s’est mise graduellement à faire usage de la langue chinoise.
Vers la fin de la Dynastie Ming et le début de celle des Ching, les savants musulmans chinois comme Wang Da’i Yu’i et Machu Lee o Chai ont senti la nécessité de traduire le sens du Coran mais l’appréhension de ne pas être à la hauteur de cette lourde tâche a développé chez eux une certaine prudence.
Au départ, la traduction avait pour objectif de servir la vie religieuse et de la faire connaître aux musulmans. Dans ce contexte, il a été procédé à la publication en 1924 de la première édition du livre du savant musulman Ting Chiang intitulé traduction et commentaire du Coran par une maison d’édition. Cette publication fut suivie d’une autre intitulée : Commentaire précis de la première sourate du Coran par le savant Da Win édité en 1941 par l’Association chinoise de Hong Kong. Quant à Ma Dao, il a traduit la première sourate du Coran (Al Fatiha) ainsi que quelques versets de la sourate de la Génisse. Cette traduction a été publiée plusieurs fois par l’Association des musulmans pour la Daa’wa.
L’apprentissage complet du Coran est célébré par un cérémonial qu’on appelle Midkhaiti ou Kaïnite, il s’agit d’une compilation d’extraits coraniques choisis publiés sous forme de livre. C’est un livre qui est largement répandu parmi les musulmans chinois en ce qu’il contient des versets traduits et classés par thèmes afin d’en rendre la lecture commode et de permettre aux fidèles d’y puiser selon les besoins de leur vie quotidienne. Deux versions de ce livre ont été publiées : la première est une traduction thématique de versets coraniques choisis, établie par Yang Bin Sang, imam de la mosquée de Pékin (ex-Dong Tsi) et révisée par l’imam Ching Kuang Wan. Publiée en 1992 par l’Association islamique de Pékin, cette traduction contient 105 chapitres traitant des principaux thèmes du Coran. Quant à la deuxième, il s’agit d’une production collective intitulée : Sélection des préceptes coraniques ; ce livre qui se divise en deux grandes parties : «la vie spirituelle et «la vie temporelle»(2) est signée Lio Fi Mao et Najing Won, Lin Tao et Dan Yang Li et publié en 1993 par la maison d’édition «Al Kawmiyat».
Parmi les autres œuvres de traduction, citons l’ouvrage de Kao Haran intitulé «Etude quotidienne du Coran», publié en 1987 par le Centre de recherche sur l’islam et le Coran ; il s’agit d’une sélection de versets coraniques destinée à la lecture et à la méditation quotidienne. Dans cet ouvrage, le texte traduit en langue chinoise est présenté en regard du texte arabe originel. En fait d’activité traductionnelle, il faut rappeler que la traduction intégrale du sens du Coran n’a été clairement établie qu’en 1927. En effet, une jeune génération de musulmans lettrés dont Mafu Chue o, traducteur de L’interprétation authentique du Saint Livre, ouvrage qu’il a d’ailleurs confié à son disciple Su Khatib. Avant de partir en pèlerinage, ce dernier l’a transcrit et confié, à son tour, à l’Association islamique chinoise qui l’a publié en l’augmentant de la préface de Cha’o - écrite l’année même de sa publication- et la postface de ladite Association. Mais cette œuvre de traduction demeure hélas introuvable.
Par ailleurs, un autre essai de traduction du sens du Coran en mandarin archaïque a eu lieu sous la supervision de Han Ching Wotan et Chan Yow et connut la participation de Mohammed Makin. Publié en trois volumes par l’Association académique de l’islam, cet essai n’a pas connu de suite.
Mais les essais effectués dans ce sens se sont multipliés depuis : une traduction du sens du Coran par Ti Jiu et une introduction à la traduction du Coran établie par Li Bo’i Ching et Yang Shang Ming et une traduction de quelques extraits du Coran par Lang Kau Ching. Citons également le manuscrit de Tang Ching intitulé Le Saint Coran en dialecte chinois n’a jamais connu le chemin des presses malgré l’initiative des étudiants de l’école des formateurs de Shang Da qui se sont donné la peine de consigner cette importante traduction.
Ainsi, entre 1937 et 1990, ont été officiellement publiées douze traductions intégrales du Coran réalisées par d’éminents savants musulmans tels :Tit Chai Fang, Jo Jiow Mi, Wang Jing Chai, Lio Jien Bi’a, Sang Ming, Chai Si Chou, Muhammad Main, Lin Song, Tong Dao Shang, Kong Shang, d’autres encore.
Outre le Coran, d’autres types de textes ont été traduits. Signalons à cet égard la traduction en chinois d’Al Burda de feu Charafuddine Muhammad Al Buayciri. Ce poème a été traduit par le jeune chercheur musulman Mafuchof, en 1896 sous le titre : poésie islamique ou chansons islamiques.
L’ère d’ouverture et de réforme qu’a connu la Chine durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix a fortement contribué à la diffusion de la culture musulmane. Les jeunes ont manifesté le désir d’apprendre la langue arabe et de mieux connaître la culture islamique, d’étudier les chef d’œuvres de la littérature, de la pensée et de l’histoire des arabes et des musulmans. La traduction de l’arabe vers le mandarin était florissante aussi bien dans les universités que dans les instituts scientifiques et académiques des différentes villes et départements chinois .
Source : www.isesco.org.ma