mercredi 19 novembre 2008

Shaykh Abd-al Hakim Murad

Shaykh Abd-al Hakim Murad

Shaykh Abd-al Hakim Murad Né en 1960 à Londres, le Shaykh Abd-al Hakim Murad compte parmi les plus grands penseurs de l’Islam contemporain. Il a obtenu un MA (l’équivalent de la maîtrise française) de langue Arabe à l’université de Cambridge en 1983 avant de poursuivre ses études au Caire pendant trois ans sous la direction de maîtres traditionnels à l’université d’al-Azhar, une des plus anciennes universités du monde musulman. Un cursus qu’il compléta pendant trois ans entre Jeddah et la vallée bénie du Hadramawt au Yémen ou il fut le disciple du Shaykh Ahmad Mashhur al-Haddad et de Shaykh Ismail al-Adawi. En 1989, le Shaykh retourna en Angleterre pour étudier le turc et le persan à l’Université de Londres. Il est par ailleurs depuis 1992 chargé de recherche au programme doctoral de l’Université d’Oxford, spécialisé dans la vie religieuse de l’Empire Ottoman naissant. Le Shaykh est en outre secrétaire général de « Muslim Academic Trust » (Londres) et directeur du « Sunna Project » au Centre d’études moyen-orientales de l’Université de Cambridge qui a publié une édition Arabe proéminente d’un recueil (pourvu d’un appareil d'annotations élaboré parmi des spécialistes) des principales éditions des différentes collections de Hadiths. Shaykh Abd-al Hakim a traduit un grand nombre d’œuvres classiques comme les deux premiers volumes de l’Ihya Ulum al-Din de l’Imam Ghazali et les 'Soixante-dix degrés de la Foi' de l’Imam Bayhaqi. Il donne de temps à autres des durus et des halaqas et enseigne le Tassawuf dans le cadre de séminaires d’apprentissage des sciences religieuses (Deen intensive) qu’il anime aux côtés de savants comme Habibi ‘Ali Jiffri, Hamza Yusuf, Abd-Allah ben Bayyah et Nuh Ha mim Keller. Il intervient fréquemment à la radio britannique BBC et écrit occasionnellement pour un grand nombre de publications, comme l’Independant, Q-news, Britain premier Muslim Magazine, et Seasons, le journal semi-académique de Zaytuna Institute. Le Shaykh maîtrise huit langues et jouit d’une éminente réputation en matière de Fiqh (malikite) et Usul al-fiqh auprès des plus grands oulémas actuels. En outre, il collabore activement au dialogue interreligieux. La pensée du Shaykh est particulièrement intéressante en ceci qu’elle traduit une compréhension profonde des deux versants culturels de l’identité musulmane occidentale. Il dispose d’une érudition vertigineuse conciliant ingénieusement l’actif du champ des sciences religieuses avec le patrimoine de la culture occidentale. Son aptitude à combiner la rigueur académique avec la sagesse d’une spiritualité orthodoxe fait de lui un penseur inclassable. Le Shaykh est un savant ‘académique’, il n’a 'officiellement' aucun disciple et se défend d’être un Shaykh Soufi. Il est néanmoins reconnu comme tel par ses pairs, et Habib ‘Ali al Jiffri et Nuh Ha mim Keller, pour ne citer qu’eux, n’ont pas manqué de déclarer publiquement que le Shaykh demeurait pour eux une grande source d’inspiration. A noter également que le Shaykh est spécialiste de l’enseignement de l’Imam Ghazali et qu’il dirige un pôle d’étude et de recherches universitaires. Il dirige également des projets d’édition. (A noter la récente parution de l’excellent ouvrage Cambridge Companion to Classical Islamic Theology qui donne déjà beaucoup de fil à retordre aux orientalistes!) Enfin, il est professeur de langue Arabe et de sciences islamiques à la Faculté de théologie de Cambridge et semble mettre un point d'honneur à réfuter les thèses fondamentalistes (en élaborant ses prolepses dans l’orthodoxie) ainsi qu'à diffuser la noble éthique de l’Islam et du Tassawuf à travers ses nombreux articles, conférences, et fréquentes interventions dans les médias anglophones et arabophones. Le Shaykh Abd-al Hakim Murad vit actuellement à Cambridge avec sa femme et ses enfants.

Cette biographie a été rédigée par le frère Shakir (qu'Allah le récompense) et est tirée du site : www.soufisme-fr.com

vendredi 7 novembre 2008

La civilisation occidentale moderne n’est qu’une civilisation matérielle.

La civilisation occidentale moderne n’est qu’une civilisation matérielle.

Un éxtrait très interessant du livre de renè guènon "La crise du monde moderne"


Le mot “matérialisme” date du XVIIIe siècle, quand il a été inventé par le philosophe Berkeley. Un peu plus tard, le mot a pris un nouveau sens: il caractèrise une conception qui affirme qu’il n’y a que la matière et ce qui en procède. On ne peut nier que c’est la mentalité de la plupart de nos contemporains. “Toute la science «profane» qui s’est développée au cours des derniers siècles n’est que l’étude du monde sensible, elle y est enfermée exclusivement, et ses méthodes ne sont applicables qu’à ce seul domaine; or ces méthodes sont proclamées «scientifiques» à l’exclusion de toute autre, ce qui revient à nier toute science qui ne se rapporte pas aux choses matérielles.” (p. 97)
La science moderne, même si elle ne fait pas déclaration formelle d’athéisme ou de matérialisme, elle agit selon un matérialisme pratique, ce qui rend le mal plus profond et plus étendu.
“Quand on voit une science exclusivement matérielle se présenter comme la seule science possible, quand les hommes sont habitués à admettre comme une vérité indiscutable qu’il ne peut y avoir de la connaissance valable en dehors de celle-là, quand toute éducation qui leur est donnée tend à leur inculquer la superstition de cette science, ce qui est proprement le «scientisme», comment ces hommes pourraient-ils ne pas être pratiquement matérialistes, c’est-à-dire ne pas avoir toutes leurs préoccupations tournées du côté de la matière?” (p. 98)
Les modernes ont déclaré ce qui ne peuvent pas toucher comme „inconnaissable”, ce qui les dispense de s’en occuper. Là où son emploi est le plus malheureux possible, les Occidentaux utilisent „l’imagination”. Tout ce qu’on appelle „spiritualisme” ou „idéalisme” n’est qu’un sorte de matérialisme transposé. „A vrai dire, spiritualisme et matérialisme, entendus au sens philosophique, ne peuvent se comprendre l’un sans l’autre: ce sont simplement les deux moitiés du dualisme cartésien, dont la séparation radicale a été transformée en une sorte d’antagonisme; et, depuis lors, toute la philosophie oscille entre ces deux termes sans pouvoir les dépasser.” (p. 99)
Le spiritualisme n’a rien en commun avec la spiritualité. Son débat avec le matérialisme ne fait que laisser indifférent celui qui se place à un point de vue supérieur. La notion de „réalité” est réservée dans l’usage courant à la seule réalité sensible. Le langage est l’expression de la mentalité d’un peuple et d’une époque. Les convinctions religieuses de beaucoup de modernes: „[…] quelques notions apprises par cœur, d’une façon toute scolaire et machinale, qu’ils ne se sont nullement assimilées, auxquelles ils n’ont même jamais réfléchi le moins du monde, mais qu’ils gardent dans leur mémoire et qu’ils répètent à l’occasion parce qu’elles font partie d’un certain formalisme, d’une attitude conventionnelle qui est tout ce qu’ils peuvent comprendre sous le nom de la religion.” (p. 100-101)
Le prestige des sciences profanes auprès du public tient des résultats pratiques qu’elle permet de réaliser, parce que là encore il s’agit de choses qui peuvent se voir et se toucher. Le pragmatisme constitue le dernier degré d’abaissement de la philosophie moderne. „[…] mais il y a aussi, et depuis plus longtemps, en dehors de la philosophie moderne et son dernier degré d’abaissement; mais il y a aussi, et depuis plus longtemps, en dehors de la philosophie, un «pragmatisme» diffus et non systématisé, qui est à l’autre ce que le matérialisme pratique est au matérialisme théorique, et qui se confond avec ce que le vulgaire appelle le «bon sens».” (p. 101)
Le bon sens consiste à ne pas dépasser l’horizon terrestre, aussi bien à s’occuper de tout ce qu’il y a d’intérêt pratique immédiat. Le sentiment est lui aussi tout près de la matière. Le pragmatisme est l’indifférence totale à l’égard de la vérité. La civilisation moderne est une civilisation quantitative. Pour beaucoup de gens, les seuls éléments qui comptent sont l’industrie, le commerce et les finances, pendant que la seule distinction sociale est celle basée sur l’argent. „Il semble que le pouvoir financier domine toute politique, que la concurrence commerciale exerce une influence prépondérante sur les relations entre les peuples; peut-être n’est-ce là qu’une apparence, et ces choses sont-elles ici moins de véritables causes que de simples moyens d’action; mais le choix de tels moyens indique bien le caractère de l’époque à laquelle ils conviennent.” (p. 103)
La théorie du matérialisme philosophique veut expliquer tous les événements historiques.
„Sans doute, la masse a toujours été menée d’une façon ou d’une autre, et l’on pourrait dire que son rôle historique consiste surtout à se laisser mener, parce qu’elle ne représente qu’un élément passif, une «matière» au sens aristotélicien; mais aujourd’hui il suffit, pour la mener, de disposer de moyens purement matériels, cette fois au sens ordinaire du mot, ce qui montre bien le degré d’abaissement de notre époque; et, en même temps, on fait croire à cette masse qu’elle n’est pas menée, qu’elle agit spontanément et qu’elle se gouverne elle-même, et le fait qu’elle le croit permet d’entrevoir jusqu’où peut aller son intelligence.” (p. 103-104)
[…] les Orientaux qui se résignent à envisager une concurrence économique vizavi de l’Occident, malgré la répugnance qu’ils éprouvent pour ce genre d’activité, ne peuvent le faire qu’avec une seule intention, celle de se débarrasser d’une domination étrangère qui ne s’appuie que sur la force brutale, sur la puissance matérielle que l’industrie met précisément à sa disposition; la violence appelle la violence, mais on devra reconnaître que ce ne sont certes pas les Orientaux qui auront recherché la lutte sur ce terrain.” (p. 104)

Une des conséquences notables du développement industriel est le perfectionnement des engins de guerre. C’est aussi propres aux modernes l’idée de mettre en mouvement des masses énormes de combattants. Les guerres modernes ont été possibles à cause du principe des nationalités. „Les inventions qui vont en se multipliant actuellement avec une rapidité toujours croissante sont d’autant plus dangereuse qu’elles mettent en jeu des forces dont la véritable nature est entièrement inconnue de ceux mêmes qui les utilisent; et cette ignorance est la meilleure preuve de la nullité de la science moderne sous le rapport de la valeur explicative, donc en tant que connaissance, même bornée au seul domaine physique; en même temps, le fait que les applications pratiques ne sont nullement empêchées par là montre que cette science est bien orientée uniquement dans un sens intéressé, que c’est l’industrie qui est le seul but réel de toutes ses recherches.” (p. 106)
Les „bienfaits” du „progrès” ne valent pas la peine. La civilisation occidentale est caractérisée par l’esprit de conquête et les intérêts économiques. „[…] mais quelle singulière époque que celle où tant d’hommes se laissent persuader qu’on fait le bonheur d’un peuple en l’asservissant, en lui enlevant ce qu’il a de plus précieux, c’est-à-dire sa propre civilisation, en l’obligeant à adopter des mœurs et des institutions qui sont faites pour une autre race, et en l’astreignant aux travaux les plus pénibles pour lui faire acquérir des choses qui lui sont de la plus parfaite inutilité!” (p. 107)
[…] l’Occident moderne ne peut tolérer que des hommes préfèrent travailler moins et se contenter de peu pour vivre; comme la quantité seule compte, et comme ce qui ne tombe pas sous les sens est d’ailleurs tenu pour inexistant, il est admis que celui qui ne s’agite pas et qui ne produit pas matériellement ne peut être qu’un «paresseux»; sans même parler à cet égard des appréciations portées couramment sur les peuples orientaux, il n’y a qu’à voir comment sont jugés les ordres contemplatifs, et cela jusque dans des milieux soi-disant religieux. Dans un tel monde, il n’y a plus aucune place pour l’intelligence ni pour tout ce qui est purement intérieur, car ce sont là des choses qui ne se voient ni ne se touchent, qui ne se comptent ni ne se pèsent; il n’y a de place que pour l’action extérieure sous toutes ses formes, y compris les plus dépourvues de toute signification.” (p. 107-108)

Le déséquilibre occidental actuel ne témoigne pas d’un bonheur quelconque, bien le contraire. Plus quelqu’un a des besoins, moins il est heureux. La civilisation occidentale multiplie ces besoins artificiels. Le seul but de l’homme moderne est de gagner de l’argent, parce que c’est la seule possibilité qui permet de satisfaire ses besoins purement matériels. „[…] entre l’esprit religieux, au vrai sens du mot, et l’esprit moderne, il ne peut y avoir qu’antagonisme; toute compromission ne peut qu’affaiblir le premier et profiter le second, dont l’hostilité ne sera pas pour acela désarmée, car il ne peut vouloir que la destruction complète de tout ce qui, dans l’humanité, reflète une réalité supérieure à l’humanité.” (p. 111)
L’Occident moderne n’est pas chrétien, il est antireligieux. C’est vrai que tout ce qu’il y a de valable dans la civilisation occidentale est arrivé par le Christianisme. „L’Occident a été chrétien au moyen âge, mais il ne l’est plus; si l’on dit qu’il peut encore le redevenir, nul ne souhaite plus que nous qu’il en soit ainsi, et que acela arrive à un jour plus proche que ne le ferait penser tout ce que nous voyons autour de nous; mais qu’on ne s’y trompe pas: ce jour-là, le monde moderne aura vécu.” (p. 112)

samedi 1 novembre 2008

Chacun porte son univers dans son coeur

Il était une fois un vieil homme assis à l’entrée d’une ville du Moyen-Orient.

Un jeune homme s’approcha et lui dit :
- Je ne suis jamais venu ici ; comment sont les gens qui vivent dans cette ville ?

Le vieil homme lui répondit par une question :
- Comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ?
- Egoïstes et méchants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais bien content de partir, dit le jeune homme.
Le vieillard répondit :
- Tu trouveras les mêmes gens ici.

Un peu plus tard, un autre jeune homme s’approcha et lui posa exactement la même question.
- Je viens d’arriver dans la région ; comment sont les gens qui vivent dans cette ville ?
Le vieille homme répondit de même :
- Dis-moi, mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ?
- Ils étaient bons et accueillants, honnêtes ; j’y avais de bons amis ; j’ai eu beaucoup de mal à les quitter, répondit le jeune homme.
- Tu trouveras les mêmes ici, répondit le vieil homme.

Un marchand qui faisait boire ses chameaux non loin de là avait entendu les deux conversations. Dès que le deuxième jeune homme se fut éloigné, il s’adressa au vieillard sur un ton de reproche :
- Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la même question posée par deux personnes ?
- Celui qui ouvre son coeur change aussi son regard sur les autres, répondit le vieillard.

Chacun porte son univers dans son coeur.

Le verset du Trône