jeudi 20 août 2009



L'invocation à dire lorsque l'on émet l'intention de faire le jeûne du mois de ramadan

"J'ai l'intention de jeûner le mois de Ramadan par foi en Dieu"
"Nawaytou ane açouma chahri ramadana lillahi imanan"



L'invocation à dire à la rupture quotidienne du jeûne

Lorsque le Prophète (saw) rompait une journée de jeûne, il disait : O Allah, pour Toi j'ai jeûné et grâce à ta nourriture j'ai rompu (le jeûne).
Allahouma laka çoumtou wa âla rizqika af-tartou



Je vous souhaite à tous et à toutes un éxellent mois de Ramadan .

mardi 18 août 2009


Ahmed al-Ghazali et l’exégèse spirituelle de la Shahada

« Jamais la langue d’aucune personne ne s’est brûlée en prononçant le mot « feu »,
.. que fais-tu de l’écorce en l’absence de la perle ?
Dernière et ultime religion monothéiste, l’islam met particulièrement l’accent sur l’unicité et confirme que les messages des Révélations divines antérieures faisaient de même. En d’autres termes, tous les prophètes antérieurs – Sur notre Prophète et sur eux la Grâce et la paix -, sans exception, n’ont fait qu’exhorter les hommes à rechercher et à reconnaître le tawhid (L’affirmation de l’unicité de Dieu). Ceci est attesté clairement dans le Coran et dans la Tradition prophétique. Dieu – qu’Il soit exalté- a dit : « Nous n’avons envoyé avant toi aucun Messager sans que Nous lui révélions qu’il n’y a d’autre dieu que Moi, adorez-moi donc. » (Coran, 21/25) De même, le Prophète de l’Islam – Sur lui la Grâce et la Paix- a dit : « La parole la plus excellente dite par moi et les autres prophètes avant moi est : La Ilaha Illa Allah. »
Pour Ahmed al-Ghazali, comme pour les savants musulman en général, la Shahada est le moyen par excellence pour réaliser le tawhid. Elle résume le cycle complet de la quête spirituelle qui débute par la négation absolue et aboutit à l’affirmation absolue. Dans son petit traité centré sur la formule du tahlil, la parole par excellence du tawhid, qui se présente sous forme d’un commentaire spirituel d’un hadîth Quodsi où Dieu parle à la première personne par la bouche de Son prophète – que Dieu lui accorde la Grâce et la Paix : « La Ilaha Illa Allah est Ma citadelle (Hisni ). Celui qui pénètre dans Ma citadelle est prémuni (ou protégé) contre Mon châtiment. » Ce petit traité intitulé al-tajrid fi kalimati al-tawhid (Le dépouillement de l’attestation dans réalisation du tawhid) est à la fois un commentaire spirituel sur le tawhid et un petit manuel où l’auteur présente et résume sa profession de foi.
Il ne se contente pas d’opposer la voie droite suivie par Adam à la voie de perdition et d’égarement prônée par Satan. Il lance un avertissement grave à tout croyant qui serait tenté d’imiter le Diable : « Prends garde de rejoindre Iblis, car tu te rattacheras à celui qui n’est pas ton père, tu rompras la filiation adamique, tu adopteras une filiation satanique et tu appelleras ton âme à s’y associer. »
On peut dire, d’ailleurs, que son commentaire sur la parole : La Ilaha Illa Allah n’est au fond qu’une invitation pressante à sortir de la négation de la divinité dans laquelle s’est enfermé Satan à cause de son orgueil aveugle, pour pouvoir s’engager sur le sentier de l’affirmation de l’Etre Divin. Mais pour sortir de cette négation, l’auteur insiste particulièrement sur la nécessité de dépasser la simple affirmation par la langue, en cherchant à l’affirmer également par le cœur. Il écrit à ce propos :
« Jamais la langue d’aucune personne ne s’est brûlée en prononçant le mot « feu », ni personne ne s’est enrichie en prononçant le mot « mille dinars ». Les mots sont l’écorce et la signification, la substance ; les mots sont les coquilles et le sens en est la perle, que fais-tu de l’écorce en l’absence de la perle ? Ce mot La Ilaha Illa Allah couplé à sa signification s’apparente à l’esprit par rapport au corps. Ainsi, de même que le corps n’est pas utile sans l’esprit, de même cette formule n’est pas utile sans sa signification. » Aussi, pour réaliser le tawhid et intérioriser pleinement sa formule par excellence, Ahmed Al-Ghazali ne ménage pas son lecteur et préfère l’avertir pour éviter tout amalgame à ce niveau car il y va de son salut dans l’Autre monde : « Prends garde de croire avec ta langue sans ton cœur, car cette formule t’interpellera dans l’arène du Jour de la Résurrection en ces termes : « je lui ai tenu compagnie tant d’années sans qu’il ne reconnaisse mes droits, ni ne respecte mon inviolabilité. Cette formule témoignera soit pour toi, soit contre toi. » Comme cette formule est la meilleure protection pour le fidèle, elle s’apparente à la Citadelle inviolable qui protège efficacement ceux qui s’abritent en son sein.
L’auteur faisant un parallèle entre les quatre piliers sur lesquels repose toute citadelle digne de ce nom et les mots qui composent la formule de La Ilaha Illa Allah et souligne : « Par ailleurs, de même que cette formule comporte quatre piliers quant à la formule, de même elle possède quatre piliers quant au sens spirituel qui sont la prière, l’aumône légale, le jeûne et le pèlerinage. Cette formule étant la cinquième conformément au hadîth célèbre : (L’islam est fondé sur cinq piliers…) »


L’auteur a souvent recourt à l’approche symbolique qui est une méthode d’exégèse typiquement spirituelle : symbole du corps comme cité, du cœur comme chef de cette cité et des membres et organes comme ses sujets : « Sache que cette citadelle est fortifiée au sein de la cité de ton humanité et de l’autorité de ton cœur. Tout ce qui se trouve dans cette cité comme l’ouie, la vue, les mains et les pieds sont ses sujets et ses serviteurs. » Symbolisme des lettres arabes qui composent le Nom Allah, symbolisme du soleil du tawhid et des chauves-souris qui sont aveuglées par la lumière ; symbolisme du cœur et du corps à travers l’exégèse du « verset de la lumière » ; symbolisme de l’arbre du tawhid : comme arbre du bonheur : « Si tu le plantes dans le terrain de l’assentiment, l’irrigues de l’eau de la sincérité et l’entretiens par les bonnes œuvres, ses racines se consolideront, son tronc se raffermira, ses feuilles verdiront, ses fruits mûriront et se multiplieront. » etc.
Pour Ahmed al-Ghazali, la Shahada est la formule par excellence du tawhid. Se présentant comme un cycle complet qui débute par la négation absolue et aboutit à l’affirmation absolue, la parole de La Ilaha Illa Allah devient, quand elle est partiellement réalisée, le meilleur moyen pour se débarrasser de toutes les qualités de contingence et de déficience et pour affirmer ses qualités de perfection et de transcendance. C’est dire que la Shahada renferme en quelque sorte synthétiquement tout le secret des multiples significations du tawhid. Par sa simplicité et sa clarté, elle éblouit le mental et illumine le cœur. Du reste, les lettres qui la composent se ramènent en fin de compte à trois : Alif, Lam et ha qui forment les lettres du Nom suprême : Allah. C’est dire qu’elle doit ramener celui qui s’y attache à Son But Suprème : Allah
A quelques différences près dans la formulation, il y a une certaine parenté d’idées entre les quatre degrés du tawhid de l’Ihya d’Abu hamid al-Ghazali et les étapes que distingue son frère Ahmed. Notamment lorsqu’il écrit dans son tajrid :
« Si tu dis La Ilaha Illa Allah et que cette parole demeure sur ta langue sans aucun effet dans ton cœur, tu es un hypocrite. Si elle demeure dans ton cœur, tu es un croyant, si elle touche ton esprit tu es un amoureux, et si elle touche ton secret, tu es un homme du dévoilement. »

Il existe une différence très nette à propos de l’exégèse du verset de la lumière chez les deux frères Ghazali. Dans sa Mishkat al-Anwar (le Tabernacle des lumières) Abu Hamid propose une exégèse qui emprunte l’essentiel de ses termes à un vocabulaire nettement philosophique. Roger Deladrière qui a traduit la Mishkat note avec raison dans son introduction :
« Les réalités symboliques mentionnées dans ce célèbre verset seront mises en correspondance avec les cinq facultés humaines de la nature lumineuse : la faculté sensible, la faculté imaginative, la faculté intellectuelle, la faculté cogitative et la faculté sainte prophétique. Car pour Ghazali, le « Monde visible est le point d’appui pour s’élever au monde du Royaume céleste et le parcours de la voie droite consiste en cette ascension… S’il n’y avait pas de correspondance et de liaison entre les deux, la montée de l’un à l’autre serait inconcevable. »
Dans son Tajrid, Ahmed al-Ghazali adapte une exégèse plus spirituelle où le cœur est la pièce maîtresse qui reçoit et transmet la lumière Divine aux autres organes : « Il s’agit plutôt d’une lumière qui se réfléchit sur les cœurs et les esprits. Il s’agit en fait de la lumière de la guidance… Ainsi, la niche s’apparente à ton humanité ; la lampe s’apparente à la lumière de ton tawhid et le verre s’apparente à ton cœur. La niche est comparée à l’humanité de l’homme en raison de son opacité, car c’est un lieu ténébreux et noir. Or, plus la lampe se trouve dans un lieu sombre et noir, plus elle brille et sa luminosité s’intensifie. La lumière du tawhid est comparée à celle de la lampe pour indiquer qu’elle éclaire ses alentours et l’endroit où elle se trouve. Le cœur est comparé au verre en raison de sa transparence. En effet, le verre est transparent et il réfracte les rayons lumineux sur les corps et qui l’entourent et se trouvent face à lui. De même, le cœur est transparent. Il filtre les rayons de la lumière du tawhid pour inonder les autres organes de perceptions… »


Mohammed al-Dahb

Source : http://le-minaret.com/les-sciences-islamiques/tawhid-et-kalam/ahmed-al-ghazali-et-l-exegese-spirituelle-de-la-shahada.html

Je ne peux que conseiller de se procurer le livre :

http://cgi.ebay.fr/La-CITADELLE-DE-DIEU-(islam-Coran-religion-livres)_W0QQitemZ400067765704QQcmdZViewItemQQimsxZ20090816?IMSfp=TL0908161310001r10406

samedi 8 août 2009

Un soufi réformiste, le shaykh Muhammad Hasanayn Makhlûf (1861-1936) (1sur8)


Un soufi réformiste, le shaykh Muhammad Hasanayn Makhlûf (1861-1936)

Par Rachida Chih


On sait que le wahhabisme — mouvement politico-religieux fondé au XVIIIe siècle en Arabie par Muhammad ibn 'Abd al-Wahhâb (m. 1792) — dans sa volonté de restaurer l'islam dans sa pureté première, s'en est violemment pris au culte des saints qu'il assimile à du polythéisme et de l'idolâtrie1. Il puise dans l'œuvre du théologien hanbalite Ibn Taymiyya (m. 1328) qui lutta sans relâche de son vivant contre la visite des tombes (ziyârat al-qubûr) et la recherche de l'intercession du Prophète et des saints.

Gilbert Delanoue s'étonne que la menace wahhabite si proche ait provoqué si peu d'excitation intellectuelle chez les 'ulamâ' du Caire au XIXe siècle, pourtant fortement imprégnés de doctrine soufie : on ne trouve guère de réfutations du wahhabisme dues à des docteurs égyptiens avant celle, au tout début du XXe siècle, d'Ibrâhîm al-Samannûdî al-Mansûrî2.

Un quart de siècle plus tard cependant, en 1924-25 (1342 de l'hégire), est édité au Caire un texte vieux de plus de deux cents ans intitulé Les foudres divines lancées en réponse aux wahhabites. Il s'agit d'une réfutation de la doctrine wahhabite, qui date des débuts de la prédication de son fondateur et dont l'auteur, Sulaymân ibn Abd al-Wahhâb (m. 1795), n'est autre que le frère de ce dernier.

L'édition de ce texte n'a pas seulement pour objet d'en diffuser plus largement le contenu. Il donne en outre son nom à tout un ouvrage3 contenant plusieurs traités écrits, eux, en ce début du XXe siècle, et qui ont pour thème commun la défense de la foi en l'intercession des prophètes et des saints. Et c'est parmi ces traités que l'on peut lire celui du savant, azharien et soufi, Muhammad Hasanayn Makhlûf (m. 1936) intitulé : Epître sur les fondements juridiques de l'intercession des prophètes et des saints.

Cette épître paraît à une époque d'effervescence intellectuelle dans tout le Proche-Orient arabe. Les progrès de l'impérialisme européen avaient fait naître au sein des élites, religieuses et laïques, un débat sur le retard des sociétés musulmanes. Ce débat englobait tous les aspects de la vie sociale, en premier lieu la religion et une de ses composantes, le soufisme. Dans ce contexte, le wahhabisme allait jouer un rôle non négligeable dans l'évolution de la pensée islamique au XXe siècle en Egypte, ainsi que dans d'autres pays musulmans. La lutte contre les confréries soufies puis, contre le soufisme en général, devint le cheval de bataille des réformistes, leur devise étant « la revivification de la Sunna et la lutte contre la bid'a » (Ihyâ' al-Sunna wa imâtat al-bid'a). C'est surtout dans la pensée du réformiste Rashîd Rida (m. 1935), disciple de Muhammad 'Abduh (m. 1905), que l'influence d'Ibn Taymiyya se faisait sentir

M. H. Makhiûf était un lettré formé à al-Azhar et influencé par le réformisme de Muhammad 'Abduh. En parallèle, il fut initié au soufisme et affilié à la confrérie très orthodoxe des Khalwatiyya par un maître de Haute-Egypte. Cette double formation, mystique et azharienne, fit naître en lui un souci constant : celui de rendre le soufisme acceptable aux yeux des nouvelles couches instruites de la population, en le conformant aux idées réformistes, tout en préservant ses principes doctrinaux fondamentaux. Ainsi, s'il fut le premier à s'en prendre aux pratiques « innovatrices » introduites dans la religion par les confréries populaires, il n'en défendit pas moins le recours aux saints, pourtant violemment attaqué par les réformistes de tous bords. Plus fortement que dans le passé, les soufis lettrés du XXe siècle, à l'image de M. H. Makhiûf, ont cherché à démontrer la canonicité du recours aux saints car la doctrine de la sainteté leur conférait une autorité que beaucoup, à cette époque, n'étaient pas prêts à leur reconnaître.

1 L'objectif de 'Abd al-Wahhâb était de purifier l'islam de toutes les innovations introduites (...)

2 Le bonheur dans le monde ici-bas et dans l'au-delà, 1319/1901-02, Le Caire, impr. du journal al-(...)

3 Cet ouvrage, édité par l'imprimerie al-Futûh al-adabiyya en 1924-25, est mentionné par (...)

vendredi 7 août 2009

Vanité de ce bas monde.


Vanité de ce bas monde, par l'Imam al Ghazali (qu'Allah lui fasse miséricorde).

traduit par Murilo Cardoso deCastro


" Sache que la première sorcellerie de ce bas monde consiste en ceci : il se montre à toi de manière que tu t’imagines qu’il te demeure et qu’il est stable ; or il n’en est pas ainsi car il te fuit sans cesse, mais en se mouvant par degrés et imperceptiblement. Il ressemble à l’ombre qui paraît immobile alors que tu la regardes, bien qu’elle soit en mouvement continuel. De même, il est bien connu que ta vie passe sans cesse et diminue graduellement à tout instant : c’est ce bas monde qui te fuit et te dit adieu sans que tu t’en .rendes compte.

Autre sorcellerie : ce bas monde se montre ton ami afin que tu t’éprennes de lui. Il te fait croire qu’il se met d’accord avec toi et avec nul autre ; et, tout à coup, il te quitte en faveur de ton ennemi. Il ressemble à une femme malfaisante et troublante qui séduit les hommes pour les rendre amoureux d’elle, les amène chez elle et les met à mort. Au cours de ses révélations, Jésus (as) vit ce monde sous la forme d’une vieille femme ; il lui demanda combien d’époux elle avait eus ; elle répondit qu’ils étaient innombrables. « Sont-ils morts ou te répudièrent-ils ? — Je les ai tués tous. — Il est surprenant que ces sots, ayant vu ce que tu as fait aux autres, te désirent et n’aient pas compris ! »

Autre sorcellerie. Ce monde se pare extérieurement, tenant caché tout ce qui est malheur ou épreuve, afin que l’ignorant contemple son apparence et soit séduit. Il ressemble à une vieille femme qui voile sa face, revêt de beaux habits et se couvre de parures. Tous ceux qui la voient de loin s’en éprennent ; mais quand elle se dévoile, ils se repentent en constatant son ignominie. Dans les traditions religieuses on trouve ceci : au jour du Jugement dernier, ce bas monde sera présenté sous la forme d’une vieille femme laide, les yeux pers, les dents déchaussées ; quand les créatures la regarderont, elles diront : « Que Dieu nous préserve ! Qu’est-ce que cela, dans cette ignominie et cette laideur ? » et on leur répondra : « C’est ce bas monde à cause duquel vous vous êtes livrés les uns contre les autres à la haine et aux hostilités, versant le sang et violant les droits de la parenté, parce qu’il vous a séduits. » Alors elle sera précipitée dans l’enfer et s’écriera : « Dieu tout puissant ! où sont mes amis ? » Et Dieu donnera l’ordre de les jeter en enfer avec elle.

Si quelqu’un veut calculer combien de temps s’est écoulé avant qu’il soit au monde depuis l’éternité sans commencement, et combien de temps s’écoulera dans l’éternité sans fin quand il sera mort, s’il considère ce que représentent ses quelques jours d’existence entre ces deux éternités, il reconnaîtra que ce bas monde est comme l’itinéraire d’un voyageur qui commence par le berceau pour finir à la tombe, avec quelques relais comptés dans l’intervalle ; chaque année est comparable à un relais ; chaque mois, à une lieue ; chaque jour, à un mille ; chaque souffle, à un pas ; et le voyageur chemine sans cesse ; à l’un ne reste qu’une lieue de route ; à un autre, moins ; à un autre, davantage ; pourtant chacun s’assoit paisiblement de sorte qu’on dirait qu’il demeurera toujours là ; il prend ses dispositions pour des affaires de manière à se trouver tranquille durant dix années, alors que dans dix jours il sera sous terre.

Sache que quand les gens prennent un plaisir en ce monde, malgré le déshonneur et la douleur qu’ils subiront ensuite, cela ressemble à un homme qui mange trop d’un mets agréable, gras et savoureux, au point de ruiner son estomac ; alors mauvaise odeur et incongruité viennent de son estomac, de son haleine et de son excrément ; il s’en trouve confus et repentant, car le plaisir a passé mais la honte demeure. Plus la nourriture est savoureuse, plus son excrément devient puant et dégoûtant ; de même, plus le plaisir de ce monde est intense, plus il est finalement honteux ; et ceci même se manifeste au moment où l’âme nous quitte ; en effet, celui qui possède des biens en abondance — jardin, verger, servantes, esclaves, or ou argent — souffre plus que celui qui possède peu, au moment de l’agonie, puisqu’il doit se séparer de ces biens ; de plus, cette douleur et cette punition ne cessent pas après la mort, tout au contraire ! elles s’accroissent car cet amour des richesses est un attribut du cœur ; or le cœur subsiste et ne meurt pas.

Une affaire qui se présente ici-bas semble peu importante et l’homme s’imagine qu’elle ne lui prendra pas beaucoup de temps ; mais il se peut que de cette unique affaire il en résulte cent et que l’existence y soit absorbée jusqu’au bout. Celui qui s’attache à ce monde, dit Jésus, ressemble à celui qui boit l’eau de la mer : plus il boit, plus il a soif, et cela jusqu’à ce qu’il meure sans être jamais désaltéré. De même qu’on ne peut entrer dans l’eau sans se mouiller, dit Mohammed (saws), de même on ne peut se mêler aux affaires de ce monde sans se souiller.
Celui qui vient en ce monde ressemble à l’invité d’un amphytrion qui, d’habitude, tient toujours sa maison préparée pour les hôtes qu’il appelle par troupes : devant lui l’on met une assiette d’or, une cassolette d’argent garnie de bois d’aloès et d’encens pour le parfumer ; il doit laisser assiette et cassolette pour ceux qui viendront ensuite. Or, celui qui a de l’esprit et connaît les usages fait brûler aloès et encens pour répandre leur parfum ; puis, de bon cœur, il laisse assiette et cassolette, remercie et s’en va. Mais celui qui est sot s’imagine qu’on lui fait cadeau de tout cela pour qu’il l’emporte ; au moment du départ, quand on le lui reprend, il se fâche, se chagrine et pousse des cris. Ce monde ressemble encore à une hôtellerie située sur le chemin des voyageurs pour qu’ils y prennent leur viatique sans toutefois convoiter tout ce qui s’y trouve.

Les humains, absorbés par les affaires de ce monde et oublieux de l’au-delà, ressemblent à des gens qui, se trouvant en bateau arrivèrent à une île et descendirent à terre pour faire leurs besoins et se purifier ensuite ; le capitaine fit proclamer que nul ne devait passer trop de temps à terre et qu’on vaquerait seulement aux ablutions car le vaisseau repartirait sans tarder ; or ces gens se dispersèrent dans l’île ; mais quelques-uns d’entre eux, plus sensés, procédèrent vite à leurs ablutions, revinrent, trouvèrent le vaisseau vide et prirent les places les plus agréables et les plus commodes ; d’autres, restés bouche bée devant les curiosités de l’île, s’attardèrent à les examiner, contemplant les belles fleurs, les oiseaux chanteurs, les cailloux bigarrés et multicolores ; revenus au navire, ils n’y trouvèrent plus de place et s’accroupirent dans un recoin étroit et obscur qui leur fut pénible ; d’autres encore, ne se bornant pas à regarder, ramassèrent de ces beaux et étranges cailloux qu’ils prirent avec eux ; ne trouvant plus de place dans le navire, ils s’assirent dans un étroit recoin, mettant ces cailloux sur leurs épaules ; un ou deux jours après, leurs belles couleurs se ternirent et ils dégagèrent mauvaise odeur ; ne sachant où les jeter, leurs porteurs se repentirent mais durent supporter le poids de ce fardeau ; d’autres encore, saisis par les merveilles de cette île, les contemplèrent si bien qu’ils se trouvaient loin du vaisseau quand il partit et qu’ils n’entendirent pas l’appel du capitaine ; ils restèrent donc en cette île, de sorte que les uns moururent de faim, les autres furent dévorés par les fauves. De ces groupes de voyageurs, le premier représente les musulmans abstinents, le dernier des impies qui oublièrent eux-mêmes, Dieu et l’au-delà, s’adonnant totalement à ce monde, et qui préférèrent la vie de ce monde à la vie future. Le groupe intermédiaire est représenté par les désobéissants qui, conservant le principe de la foi, ne renoncèrent néanmoins pas à ce monde. Donc un groupe s’est complu dans sa pauvreté ; un groupe a joui d’amasser tant de richesses qu’il s’en trouva surchargé.

De tout ce blâme dont ce monde fut l’objet, ne conclus pas que tout en est méprisable. En effet, il s’y trouve des choses qui ne sont pas de lui : ainsi la science religieuse et sa pratique qui interviennent en ce monde, mais sans en faire partie, car elles accompagnent l’homme dans la vie future. Cette science, telle qu’elle est, demeure avec l’homme. Quant à la pratique, elle subsiste non pas telle qu’elle est, mais par ses effets qui sont de deux sortes : la pureté du cœur qui s’obtient en renonçant au péché, la familiarité avec Dieu qui résulte d’une dévotion persévérante, puis l’ensemble des choses durables — les bonnes œuvres — celles qu’Allah déclare : « les meilleures aux yeux du Seigneur » (Coran XVIII, 44). Les jouissances causées par la science, les prières, la familiarité avec Dieu qu’on acquiert en l’invoquant sont supérieures à toute autre ; or elles existent en ce monde, sans toutefois en faire partie. Donc toutes les jouissances sans exception ne sont pas blâmables. Même celles qui passent et ne demeurent point ne sont pas toutes blâmables non plus. C’est le cas des choses qui, tout en étant de ce monde, et ne nous restant pas après la mort, contribuent cependant à l’œuvre de la vie future, à la science, aux pratiques pieuses et à la multiplication des croyants : par exemple le mariage, la nourriture, le vêtement, le logement — dans la mesure de nos besoins — car ils conditionnent la voie de l’au-delà. De ce monde, celui qui se contente de cette mesure et qui, se montrant modéré, recherche la tranquillité pour se consacrer aux œuvres de la religion, celui-là n’est pas du nombre des mondains. Par conséquent, ce qui est blâmable de ce bas monde, c’est d’en rechercher les biens non pas en vue de l’œuvre religieuse, mais simplement pour en tirer insouciance, gaîté et y attacher son cœur en se détournant de l’autre monde . "