samedi 13 février 2010

La fin de l'histoire selon la tradition musulmane



La fin de l'histoire selon la tradition musulmane


Par Pierre lory

L’eschatologie représente un des traits fondamentaux de la religion musulmane. L’imminence de la fin des temps et du Jugement dernier est l’un des thèmes coraniques les plus anciens et les plus constants, qui parcourt l’ensemble du texte sacré de l’islam. De plus, Muhammad se présente comme accomplissant toutes les missions prophétiques avant lui. Il est le dernier des prophètes. Donc, par définition, l’ère musulmane ouvre la période eschatologique. Il s’agit de la toute dernière phase de l’histoire du monde, et le Prophète lui-même compare la période inaugurée dans l’histoire par sa mission à celle séparant la prière rituelle du ‘asr (fin de l’après-midi) à celle du maghrib (coucher du soleil). Dans le même esprit, il aurait affirmé en levant sa main que sa mission et l’Heure dernière étaient rapprochées comme son majeur de son index. .
Le Coran évoque donc souvent la fin du monde, c'est-à-dire de la catastrophe cosmique marquant la fin de la première création, et précédant la Résurrection finale : les étoiles tomberont du ciel, la mer entrera en ébullition, les montagnes s’effondreront…. Il est beaucoup plus allusif sur l’eschatologie comme ‘science des dernières phases de l’histoire’ des hommes. Ainsi est-il dit que « Jésus est une science (variante : un signe) de l’Heure » . Selon le Coran IV 157-158, Jésus n’est en effet pas mort, il a été élevé auprès de Dieu ; son retour à la fin des temps pourrait donc devenir un indice de l’imminence des derniers événements. Le verset coranique VII 187 donne toutefois le ton précis qui restera celui du discours théologique en islam, soulignant clairement que la connaissance de l’Heure est une prérogative divine : « Ils t’interrogent [toi, Muhammad] sur l’Heure : quand aura-t-elle lieu ? Dis : seul mon Seigneur en possède la connaissance, Lui seul la manifestera en son temps. (Ce secret) est lourd dans les cieux et sur la terre, et viendra pour vous soudainement. Ils te questionnent comme si tu étais averti (de sa venue). Dis : seul Dieu en possède la connaissance. Mais la plupart des hommes ne savent pas » . Ce verset a une portée décisive : la fin des temps peu surgir à n’importe quel moment. Toute époque peut à bon droit se considérer comme eschatologique, car les Musulmans doivent se tenir prêts à chaque instant.
L’immense majorité des textes de la littérature eschatologique musulmane est en fait représentée par des hadîths, paroles du prophète Muhammad (ou éventuellement de ses proches compagnons) ou des récits les concernant. Il s’agit d’une source documentaire abondante, foisonnante, mais qui n’est en rien comparable à une apocalypse comme celles des écrits intertestamentaires ou de Jean en ce sens qu’il s’agit d’une collection de dires isolés, sans liens littéraires entre eux. Nous n’aborderons pas ici la question de l’authenticité de ces dires, pour la plupart mis par écrit deux siècles au moins après la mort du Prophète lui-même, et inévitablement retravaillés par la conscience religieuse des hommes qui les ont transmis ; ni celle de la forgerie probable de nombreux hadîths à des fins politiques ou religieuses. On y discerne en effet de nombreuses traces d’événements tardifs, des allusions aux dynasties des siècles suivants. Les exégètes musulmans considèrent que Muhammad possédait une prescience des événements à venir, que les prédictions contenues dans ces hadîths participent donc au caractère miraculeux de son enseignement. Tout autre est bien sûr le regard de l’historien des textes.
Le verset coranique VII 187 montre que la question de l’Heure (= l’échéance de la fin des temps) s’est posée assez tôt pour beaucoup de contemporains de Muhammad. Le délai de la venue de la fin du monde semblait très proche. De nombreux hadîths montrent que Muhammad la concevait comme imminente. Il aurait dit à propos d’un jeune bédouin venu le visiter : « Si ce jeune homme reste en vie, il se peut qu’il ne connaisse pas la vieillesse sans avoir vu l’échéance ». A des compagnons, il aurait demandé de transmettre son salut à Jésus, si lui-même devait mourir avant le retour sur terre du fils de Marie . La durée du règne de l’Islam était conçue souvent comme assez brève . Des Juifs de Médine se seraient livrés à des calculs de type guématrique sur les lettres mystérieuses placées en exergue de plusieurs sourates du Coran (fawâtih al-suwar) afin d’évaluer la durée du règne de la communauté muhammadienne .
Les signes de la fin des temps sont classés en trois catégories majeures dans les recueils de hadîths eschatologiques. Une première concerne les signes « anciens ». De nombreux hadîths donnent en effet des allusions limpides à des événements postérieurs à la mort du Prophète. Par exemple, on trouve des prédictions claires sur la guerre civile ayant éclaté dans la communauté musulmane à partir de 656 (« la Grande Epreuve ») et ayant abouti à la séparation des courants chiites et kharédjites de la majorité plus tard désignée comme sunnite . Des allusions hostiles à la dynastie des Omeyyades, qui régna de 660 à 750, se trouvent également , mais d’autres hadîths sont laudatifs à leur égard . Certains autres hadîths encore signalent la prise du pouvoir par les Abbassides, à partir de 750. La lutte contre les Byzantins et la prise de Constantinople sont très imprégnées par des considérations eschatologiques, car la venue de l’Antéchrist devrait suivre de peu la chute de la Seconde Rome . Tous ces anachronismes ne sont pas du tout masqués par les commentateurs de hadîths. Ceux-ci estiment que la période eschatologique a de toute manière commencé avec la mort du prophète Muhammad en 632 – voire dès la révélation qui lui fut envoyée, en 610. Les événements subséquents – p.ex. la prise de Jérusalem sous le calife ‘Umar, en 638 - sont donc bel et bien à considérer comme des signes de la fin des temps . Qu’ils aient été miraculeusement prédits par Muhammad bien avant leur venue ne soulève pas de question majeure, nous l’avons signalé. De ce fait, l’histoire des dynasties et des guerres était fréquemment lue selon une grille eschatologique. De nombreux soulèvements se réclamèrent d’une perspective messianique. Ainsi la révolte fatimide, partie du Maghreb pour conquérir ensuite l’Egypte et la Syrie, fit-elle valoir le hadîth selon lequel, à la fin des temps, le soleil se lèverait à l’ouest. La terrible invasion mongole du 13e siècle fut vécue comme le déferlement de Gog et Magog. Les résistances contre les invasions coloniales, en Asie comme en Afrique, se formulèrent souvent en des termes eschatologiques.
La seconde catégorie de hadîths eschatologiques décrit les conditions moyennes, générales de l’Heure finale. Les dires concernant « les conditions de l’heure » (ashrât al-sâ‘a) sont très hétérogènes, il est malaisé de les regrouper dans une succession précise d’événements. Plusieurs font sens à l’heure actuelle, et sont donc retenues dans l’opinion commune. C’est celles-ci que nous retiendrons plutôt. Ces conditions générales sont les suivantes :
* Le recul de la religion sincère sera général, les Musulmans seront de plus en plus indifférents à la foi et à la pratique de l’islam. L’ignorance atteindra des degrés inouïs – c'est-à-dire, l’ignorance en matière de religion, car sinon, l’écriture se sera répandue. De nombreux Musulmans ne sauront plus comment accomplir la prière ou jeûner en Ramadan, voire oublieront la profession de foi . Les Musulmans croyants seront très minoritaires ; méprisés, ils dissimuleront même leur foi, comme jadis les Hypocrites face aux croyants . Beaucoup de Musulmans imiteront les autres nations, (« les Perses et les Byzantins ») et les autres religions (« les Juifs et les Chrétiens ») .
* L’injustice sera généralisée. La richesse largement répandue dissoudra toutes les vertus, et le ressort même de la foi . Les régimes politiques seront tyranniques, corrompus, irreligieux. Le pouvoir ira aux sots, et aux femmes .
* La dégradation des mœurs sera effrayante. Les Musulmans entreront dans des conflits féroces entre eux. Ils pratiqueront la musique, consommeront couramment les boissons alcoolisées et pratiqueront l’usure, autant d’actions que le droit musulman avait prohibées . Plus généralement, les valeurs seront complètement inversées. Les parents n’aimeront plus leurs enfants. Les enfants ne respecteront plus leurs parents : « il vaudra mieux pour l’homme d’élever un chien (qu’un enfant) » . Les femmes seront beaucoup plus nombreuses que les hommes, un homme pour cinquante femmes. Elles seront influentes aussi ; l’homme obéira à sa femme, et manquera de respect à sa mère et à son père . L’adultère sera étalé au grand jour, « l’homme copulera avec la femme sur le bord des chemins », et le plus pieux des croyants se bornera à faire remarquer aux pécheurs qu’ils feraient mieux de s’éloigner de ce lieu public . Les femmes seront indécentes (« nues et vêtues tout à la fois » ). Enfin, parmi les péchés les plus marquants pour la fin des temps figure l’homosexualité. A cette époque, « les hommes se suffiront des hommes et les femmes se suffiront des femmes » . Plus généralement, « les hommes prendront des manières de femmes, et les femmes, des manières d’hommes » . Même les femmes qui souhaiteraient avoir des enfants ne pourront pas, car elles seront stériles .
Enfin, une troisième série d’événements concerne la fin des temps proprement dite. Une liste de dix signes particuliers est donnée dans le hadîth . Retenons-en ceux qui donnent le plus de sens dans la situation contemporaine.
* Des signes d’ordre météorologique se manifesteront. Un feu immense surgira en Arabie . Des tremblements de terre se multiplieront, des éclipses, des chutes de pierre (météorites ?) se produiront . Nous retrouvons là des éléments propres aux traditions apocalyptiques juives et chrétiennes. Enfin, le soleil se lèvera à l’ouest .
* L’agression de Gog et Magog ravagera une bonne partie du Proche Orient. Il s’agit du mythe biblique, repris allusivement dans le Coran . Les hadîths en donnent des descriptions de parfaits sauvages, à mi-chemin entre humains et animaux . Par ailleurs, une bête monstrueuse, à laquelle le Coran fait une allusion peu claire, se manifestera en Arabie .
* Une nouvelle fitna surgira – du Najd précisément. Dans un hadîth, Muhammad loue les Damascènes et les Yéménites, tout en désignant le Najd comme la région d’où surgiront « les cornes du diable » .
* La venue de l’Antéchrist. est également un point déterminant de l’eschatologie musulmane. Ce personnage ignoble et perfide est présenté avec insistance comme étant borgne « alors que Dieu, Lui, n’est pas borgne ». Il est, littéralement, le « Christ imposteur » (al-Masîh al-dajjâl), qui reproduira les gestes de Jésus mais de façon invertie dans le sens du matérialisme. Il se produira après l’apparition d’une femme d’une extraordinaire beauté qui « invitera les hommes à croire en elle, et tous ceux qui viendront la trouver renieront Dieu ». Il trompera l’humanité par des belles paroles et des prodiges. « Il guérira les muets et ressuscitera les morts (var. : avec l’aide de Satan, qui simulera la mort et le réveil) ». Il prétendra : « Je suis votre seigneur », comme jadis Pharaon. Il répandra la prospérité, fera pleuvoir, produira des récoltes magnifiques et des élevages de haut rendement. Mais ce sera une illusion : « Ce qu’il prétend être le Paradis est en réalité l’Enfer ». Il restaurera le paganisme, l’adoration des idoles . Il déploiera une armée venant du Khurâsân. La plus grande partie de ses soldats seront « des Juifs d’Ispahan », au nombre 70.000 . L’ensemble des péripéties militaires évoquées dans ces hadîths, qui font état de graves défaites pour les armées musulmanes, apparaissent comme autant de châtiments encourus par une communauté infidèle à sa religion, négligente envers Dieu. L’aspect très belliqueux des campagnes militaires et des destructions subies doit se lire dans cette perspective d’un châtiment divin à l’encontre d’une communauté musulmane ayant transgressé sa Loi et trahi la mission que Dieu lui avait assignée. Pour autant, ces textes concernant des lieux du Proche Orient comme l’Irak, la Syrie et surtout la Palestine ne manquent bien sûr pas d’être rapportés de nos jours aux graves événements de l’actualité.
* La communauté musulmane sera toutefois secourue par un envoyé providentiel, de la famille de Muhammad et portant son nom, qui prendra la tête des armées : c’est « le bien guidé », le Mahdî . Le Mahdî n’est ni un prophète ni un inspiré, mais un chef de guerre spécialement missionné pour commander les Musulmans restés fidèles en cette ultime période de crise.
* La venue du Mahdî est toutefois doublée de celle d’un personnage plus élevé encore dans l’ordre spirituel, à savoir Jésus fils de Marie. Comme nous le signalions plus haut, le Coran affirme que Jésus n’est pas mort crucifié, et qu’il a été élevé aux cieux vivant. La tradition du hadîth explique avec certains détails comment il reviendra à la fin des temps - à Damas précisément - pour secourir les Musulmans et combattre avec le Mahdî. Un hadîth affirme que « il n’est d’autre Mahdî que Jésus fils de Marie » , mais la majorité des exégètes pensent que les deux personnages sont distincts. Jésus sera un chef complètement musulman, qui « brisera la croix et tuera le porc ». Il sera un combattant, qui tuera l’Antéchrist de ses propres mains à la porte de Ludd . L’armée de l’Antéchrist sera mise en déroute, « et rien de ce que Dieu a créé ne dissimulera de Juif en ce jour sans qu’il le fasse parler : pas un arbre, une pierre, un mur, une bête qui ne dise : ô serviteur de Dieu, ô Musulman, voici un Juif, viens le tuer ! » .
* Cette guerre ultime, qui ravagera toute la région de Syrie, Irak et Arabie, sera suivie du règne soit du Mahdî, soit plutôt de Jésus, qui durera une quarantaine d’années. L’humanité connaîtra alors une forme de vie assez paradisiaque : les hommes côtoieront les fauves sans risquer de danger, les enfants joueront avec les animaux sauvages et les serpents sans craindre aucun mal, etc . Jésus se mariera, aura des enfants, sera enterré à côté de Muhammad, d’Abû Bakr et de ‘Umar . Puis la terre avec tout ce qu’elle contient sera détruite. On peut noter que le cataclysme final suit immédiatement cette brève période de paix et d’harmonie du règne de Jésus. Il n’existe donc pas de trace ici des « mille ans de paix » sur terre dont il est question dans d’autres chapitres de ce volume. En fait, les combats de la fin des temps semblent intimement rapprochés, liés à la destruction finale du monde. Il y a là une unité profonde dans l’inspiration et le genre des récits. Le monde pécheur doit être entièrement détruit pour être remplacé par un autre entièrement nouveau. Le bref règne de l’islam sur le monde, sous la houlette de Jésus fils de Marie, fait figure d’une transition brève, doublée d’une sorte de préfiguration terrestre de ce que sera la vie paradisiaque. En aucun cas il ne constitue l’échéance d’une tension utopiste, a fortiori d’un quelconque projet politique.
Il n’y a pas lieu d’analyser ici la source de tous ces récits. Ils sont marqués pour une part par des stéréotypes sur les bouleversements apocalyptiques que connaîtra l’humanité. Ceux-ci sont souvent d’origine biblique ou intertestamentaire. Le symbolisme apparaît de façon transparente parfois, sans exclure une éventuelle compréhension littérale. Ainsi, dans le hadîth signalant « l’abondance des pluies et la pauvreté des récoltes, le grand nombre de lecteurs du Coran, mais le petit nombre de connaisseurs en droit (fuqahâ’) » qui marquera la fin des temps, le parallélisme est clair : la stérilité des terres correspond à celle des âmes. Une seconde source est constituée par le récit des origines de l’Islam, en suivant le principe qu’il arrivera à la fin ce qui est arrivé au début. « L’Islam a commencé expatrié [allusion à l’hégire des Musulmans de La Mecque vers Médine en 622] et finira expatrié. Bienheureux les expatriés de cette communauté ! » . D’où la mention d’une résurgence de l’ignorance religieuse, et du paganisme évoquée plus haut avec la venue de l’Antéchrist. D’où aussi le retour des Juifs, considérés à Médine comme des alliés de l’ennemi païen et combattu par les armes, et qui joueront le même rôle à la fin des temps.
On comprend donc que ces données jouent rétroactivement sur de nombreux mouvements militants en Islam. Depuis le début de l’ère coloniale, la référence aux données eschatologiques a été constante. La domination de puissance occidentales ‘païennes’ sur une communauté musulmane destinée à diriger l’humanité a d’emblée été perçue comme un signe eschatologique. Cette idée s’est perpétuée après la fin des empires coloniaux. On l’a retrouve par exemple très présente dans la révolution islamique en Iran. Certes, l’eschatologie de l’Islam chiite diffère quelque peu du cadre, sunnite, que nous venons de tracer. Pour les Chiites, le chef libérateur de la fin des temps sera le douzième Imâm – lui aussi nommé al-Mahdî- disparu en 940 mais mystérieusement présent aux croyants depuis. Il doit venir se manifester à la fin des temps, rétablir la justice dans le monde. La phraséologie révolutionnaire iranienne est imprégnée de thèmes eschatologiques. Le ‘Grand Satan’ américain désigne clairement un ennemi assimilé à l’Antéchrist. De nombreux Iraniens ont perçu la révolution comme un prodrome de la manifestation du Mahdî. Pour certains, Khomeyni lui-même aurait été le Mahdî attendu. Plus proche de nous encore, le président Ahmedinejad suggère que la venue du Mahdî est toute proche – dans deux ans peut-être. En climat sunnite, chez les militants islamistes, la fièvre eschatologique est sans doute plus intense encore. Elle explique pour partie la stratégie terroriste. Celle-ci paraît insensée en terme de rapports de force militaire, mais se comprend mieux chez des croyants qui perçoivent l’ennemi comme une armée de maudits, condamnés par le décret divin à disparaître. Dernièrement, plusieurs essais composés sur le type des prédications évangélistes étatsuniennes sont publiées, comme l’ouvrage du Palestinien Safar ibn ‘Abd al-Rahmân, The Day of Wrath, lisant les événements récents (la deuxième intifada) selon la grille des eschatologies biblique et coranique .
Une interprétation moins littérale est aussi très répandue. Elle consiste à interpréter ces hadîths comme autant de paraboles de finalité plus morale. La civilisation moderne dans son ensemble – et non des événements ou des personnages précis – serait visée en des termes voilés. Ainsi l’Antéchrist représente-t-il l’état des sociétés occidentalisées. « Cette parabole (de l’Antéchrist) n’est-elle pas une description adéquate de la civilisation technique moderne ? Elle est borgne, ce qui signifie qu’elle ne voit qu’un aspect de la vie, le progrès matériel, et ignore son aspect spirituel. A l’aide de ses merveilles mécaniques, elle rend l’homme capable de voir et d’entendre bien au-delà de sa capacité naturelle et de couvrir des distances illimitées à des vitesses inconcevables. Ses moyens scientifiques peuvent faire tomber de la pluie et croître les plantes (…). Sa médecine rend la vie à ceux qui paraissent condamnés à mort, alors que ses guerres avec leurs horreurs scientifiques détruisent la vie. Et son développement matériel est si puissant et si éblouissant que ceux dont la foi est faible se mettent à croire qu’il y a une divinité en elle. Mais ceux qui ont gardé la conscience de leur Créateur reconnaissent clairement que l’adoration du Dajjâl (l’Antéchrist) équivaut à la négation de Dieu » .
Dans des milieux spiritualistes, le souffle messianique est tout aussi présent. Un cas exemplaire est celui du soufi naqshbandî chypriote Shaykh Nazim, maître spirituel de milliers de disciples orientaux comme occidentaux, qui affirme avoir rencontré le Mahdî, et se risqua à plusieurs reprises à prédire le déclenchement des événements eschatologiques ; notamment, dernièrement, en l’an 2000. Que ces prédictions ne se soient pas réalisées n’a en rien entamé son prestige comme maître de confrérie, ce qui indique combien la foi eschatologique représente une certitude d’une nature particulière, de l’ordre du désir.
Pour conclure sur l’impact de ces récits eschatologiques musulmans ont peut simplement retenir qu’ils circulent de façon plutôt privée, non officielle. Car le Coran est formel : personne ne peut connaître la date de l’Heure hormis Dieu. En outre, les gouvernements musulmans, conscients de la charge subversive de ces traditions, ne favorisent nullement leur exposition au grand jour. En fait, ces textes eschatologiques ne font sens qu’en période de crise. Il est hors de doute qu’ils fournissent un puissant appui au militantisme en période de conflit et de défaite, où ils sont susceptible tant d’expliquer les revers que d’alimenter les espoirs les plus démesurés. Ceci dit, la majorité des Musulmans n’en tiennent guère compte en situation normale et de paix. Il est fort instructif d’analyser le discours des grands ‘télécoranistes’ comme l’Egyptien Amr Khaled, qui prêche avec un succès colossal aux classes moyennes et supérieures une religion de succès social, de mariages réussis, d’enrichissement sans remord. On ne saura y discerner un soupçon de tonalité eschatologique. Le sens de la vie – et donc de la religion qui l’accompagne – c’est bien la jouissance paisible des biens dont Dieu pourvoie les hommes. C’est d’ailleurs bien cela également qu’Il promet – de façon démultipliée bien sûr – aux croyants, dans son Paradis.

Source: http://pierrelory.blogspirit.com/

lundi 8 février 2010

A propos du Prophète de l’Islam (Muhammad) - Lamartine 1854



A propos du Prophète de l’Islam (Muhammad) - Lamartine 1854

Le grand poète A. de LAMARTINE écrivait en 1854 (Histoire de la Turquie)

A propos du Prophète de l’Islam (Muhammad)...


« Jamais homme ne se proposa volontairement où involontairement un but plus sublime puisque ce but était surhumain : saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l’homme et l’homme à Dieu, restaurer l’idée rationnelle et sainte de la divinité dans ce chaos de dieux matériels et défigurés de l’idolâtrie.

Jamais homme n’accomplit en moins de temps une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins de deux siècles après sa prédication, l’Islamisme, prêché et armé, régnait sur les trois Arabies, conquérait à l’unité de Dieu, la Perse, le Korassan, la Transoxiane, l’Inde Occidentale, la Syrie, l’Egypte, l’Ethiopie, tout le continent connu de l’Afrique septentrionale, plusieurs îles de la Méditerranée, l’Espagne et une partie de la Gaule.

Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet (1) ?

Les plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires ; ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur un tiers du globe habité ; mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes.

Il a fondé sur un livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et la passion du Dieu un et immatériel (…).

Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur de dogmes rationnels d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet. A toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand (…) ? »

Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine a été un poète, écrivain, historien, et homme.

vendredi 5 février 2010

Allah versus Dios - être latino-américain et musulman aujourd'hui



Religion aux Etats-Unis: Allah versus Dios - être latino-américain et musulman aujourd'hui



Un article d'Isabelle Mayault
4 Aug 2009



Dans le brassage contemporain des cultures et des religions, des rencontres inattendues se produisent: ainsi, aux Etats-Unis, des membres de la communauté latino-américaine trouvent le chemin de l'islam. Isabelle Mayault a enquêté sur ce phénomène et interrogé ces convertis.



L'islam est l'une des religions qui connaît aux Etats-Unis la croissance la plus rapide. Contrairement à ce qu'on a souvent cru, lu ou écrit, l'islam ne «s'attrape» pas seulement en prison ou en se mariant. Les motivations des nouveaux convertis sont aussi multiples que profondes et sincères. D'autant plus lorsque les convertis en question sont issus d'une culture en apparence antithétique à la culture musulmane. Les Latino-Américains sont pourtant le groupe ethnique dont la croissance est la plus dynamique du pays. Rien d'étonnant à ce que les deux tendances finissent par se rencontrer pour former une identité nouvelle, incongrue pour le témoin extérieur, évidente pour le nouveau converti: latino, musulman et américain.

Portrait d'une jeune communauté en pleine croissance

Juan Galvan, mexicain-américain de 35 ans, vit au Texas. Il s'est converti il y a huit ans. Quand on lui demande de décrire sa culture, il répond: «Nous sommes américains, latinos et musulmans, mais musulmans avant tout.»

La communauté latino-musulmane, forte de son patchwork identitaire, n'est pas simple à définir. Sans doute, en premier lieu, parce qu'il s'agit d'une communauté jeune, qui n'a pas encore fait l'objet de recherches universitaires approfondies. Ensuite, pour des questions de statistiques. Le nombre global apparaît difficile à déterminer avec exactitude. En effet, le US Census Bureau (Office de Recensement Américain) ne collecte pas d'informations sur la confession des citoyens américains. Néanmoins, des chiffres émanant de l'American Muslim Council (Conseil Musulman Américain) évaluent la population latino-musulmane en 2008 à 200.000 personnes environ. Elle serait donc cinq fois plus importante qu'une décennie plus tôt.

Grâce aux premières recherches financées par des associations islamiques américaines, une ébauche de portrait devient possible. Ainsi, le latino-musulman type a entre vingt et trente ans, est étudiant ou diplômé et vit dans une grande ville - principalement New York, Los Angeles, Chicago et Miami. Il est le plus souvent né aux Etats-Unis, et issu d'une famille elle-même implantée aux Etats-Unis depuis plusieurs générations. Neuf fois sur dix, il s'est donc converti sur le sol américain. Sur la côte Est, il est généralement d'origine porto-ricaine ou dominicaine, et dans les Etats du Sud, d'origine mexicaine.

L'héritage hispano-musulman

A ceux qui voient un paradoxe dans le fait d'être porto-ricain et musulman, Ibrahim Gonzalez, 53 ans, new-yorkais d'origine porto-ricaine, converti à l'islam depuis son adolescence, rétorque: «Ce n'est pas du tout contradictoire, au contraire. Du point de vue historique, tout le monde a été en Espagne à un moment ou un autre: les Wisigoths, les Berbères, les Romains et même les Africains de l'Ouest. C'est cette connexion historique qui fait qu'on se sent très à l'aise avec notre nouvelle religion.»

La conversion de latinos à l'islam s'inscrit donc dans une démarche de réappropriation culturelle d'un héritage musulman qui aurait été effacé de l'histoire officielle. Cette démarche passe généralement par le rejet de l'«occidentalisme» (westernness) imposé comme modèle socio-culturel lors de la colonisation de l'Amérique du Sud et des Caraïbes par les Espagnols catholiques. La vague de conversion latino-musulmane constitue un moyen indirect de dénoncer a posteriori la fausse homogénéité du carcan hispano-catholique et de rappeler que de nombreux Maures (moriscos) ont été convertis de force au catholicisme. Dans l'article «Olé to Allah», publié sur le site Islam For Today, Hisham Aidi, chercheur à la Columbia University de New York, note que l'architecture dans de nombreux pays d'Amérique Latine porte la marque de ce refoulement de l'islam. Certaines églises et cathédrales auraient été construites en direction de la Mecque. Elles seraient l'oeuvre d'artisans qui étaient secrètement d'obédience musulmane. Cette mixité culturelle de l'identité hispanique, récemment exprimée par le biais de la religion, est d'ailleurs palpable au regard de l'hétérogénéité des couleurs de peau. Gonzalez, originaire de Porto Rico, décrit sa famille comme une rainbow family (famille arc-en-ciel), et ses quatre grands-parents comme «blancs, noirs et marrons». L'identité «latino» apparaît en définitive beaucoup plus subtile qu'elle ne l'est dans l'inconscient collectif américain.

Pourquoi passer de Dios à Allah?


D'après les études de l'American Muslim Council, le premier contact avec l'Islam se fait souvent par des connaissances ou un ami. Cette prise de contact est favorisée par la vie quotidienne dans une grande ville américaine, qui brasse une large palette de religions . Juan Galvan se souvient d'avoir admiré l'auto-discipline de son ami Armando, converti, lui aussi : «J'étais intrigué par ces jeunes musulmans dont la plupart étaient à l'université comme moi et qui trouvaient pourtant le moyen d'aller prier à la mosquée 2 ou 3 fois par jour!». Après trois ans d'atermoiements, Juan a fini par imiter Armando, et se convertir à son tour.

Outre la fréquentation d'un musulman ou d'un converti, certains éléments permettent d'expliquer ce qui peut rendre l'islam attirant aux yeux d'un groupe pourtant déjà discriminé ethniquement. Deux facteurs principaux se dégagent. Le premier concerne la supposée rationalité de l'islam, le second le socle de valeurs qui s'y rattachent. Ibrahim Gonzalez explique les raisons qui l'ont poussées à adhérer à l'islam : «L'islam n'est pas ethniquement limité. N'importe qui dans l'islam peut devenir proche de Dieu. Les choses sont plus simples.» Sous-entendu: que dans le catholicisme. Faut-il comprendre par là que la conversion à l'islam tient autant à l'attrait de l'islam en soi qu'au rejet du catholicisme? Pour l'imam Shamsi Ali, la différence majeure entre les deux confessions réside dans l'abstraction de la confession catholique: «Il y a beaucoup de concepts dans le christianisme - notamment la Trinité - qui méritent d'être explicités. Pourtant, les catholiques n'ont pas l'opportunité d'interroger ces notions.» L'islam, au contraire, inscrirait le croyant dans une relation simple de «Créateur à création», sans intermédiaire. Le terreau rationnel de l'islam serait un facteur de conversion d'autant plus important que la plupart des convertis latino-américains sont de jeunes professionnels diplômés qui cherchent dans la religion des réponses concrètes, et non mystiques.

Que ce soit pour rejoindre l'évangélisme ou l'islam, des dizaines de milliers de Latino-Américains quittent chaque année l'église catholique. D'après un rapport d'avril 2009 du Pew Research Center, intitulé Leaving Catholicism, un Américain adulte sur dix (10,1%) quitte l'Eglise catholique après avoir été élevé dans la foi catholique. L'imam Shamsi Ali résume ainsi ce qui, selon lui, explique les facteurs de cette déshérence: «L'Eglise catholique a une doctrine très rigide. Une seule personne décide: le Pape. Et les jeunes n'ont pas voix au chapitre.»

L'autre facteur expliquant ces conversions n'est pas d'ordre proprement religieux, mais culturel. Les jeunes Hispaniques, nés aux Etats-Unis mais élevés dans un cercle familial plus traditionnel que la famille américaine moyenne, peuvent se sentir en décalage avec les valeurs libérales de mise chez les jeunes Américains. L'islam serait dans ce cas un moyen de pratiquer une religion pleinement en adéquation avec des valeurs prônées dans la vie quotidienne.

Comment peut-on être porto-ricain si l'on ne mange pas de porc?

Si, du strict point de vue de la foi, le passage du catholicisme à l'islam se fait sans heurt, il en va différemment pour la vie sociale, familiale et communautaire, altérée par de nouveaux obstacles quotidiens. Et tout d'abord, à cause de la méconnaissance profonde de la religion musulmane dont témoignent les familles des convertis. Juan Galvan commente : «Comme la plupart des Américains, beaucoup de Latinos ignorent ce qu'est l'islam. Quand j'ai dit à mon père que je m'étais converti, il m'a demandé ce que c'était. Après lui avoir expliqué un peu plus en détails, il a répondu : 'Comme les Arabes?'». Alors que les Arabes ne représentent que 25% de la population musulmane mondiale, beaucoup d'Hispaniques perçoivent l'islam comme une religion intrinsèquement arabe.

Les nouvelles restrictions alimentaires du converti joue également un rôle dans son impression de se «différencier» des siens - impression généralement partagée. «Quand on me demande comment on peut être porto-ricain sans manger de porc, je réponds qu'on peut très bien cuisiner des haricots (élément de base de la cuisine porto-ricaine) sans bacon!» devise Gonzalez. Depuis, celui-ci cuisine du poulet lors des repas en famille, et non du porc, ce qui a fini par être accepté par tout le monde. Le scepticisme des proches peut pourtant finir par faire douter. Juan Galvan se souvient de l'époque de sa conversion : «Parfois, je pensais que mes amis devaient croire que j'étais bizarre de me convertir à cette religion 'étrangère', et parfois même, je me demandais s'ils n'avaient pas raison.»

Faut-il parler arabe pour être un bon musulman?

L'incompréhension - ou du moins la surprise - que suscite ce choix n'est pas propre au cercle familial des convertis. Elle est courante dans les rangs des croyants originaires de pays musulmans, du Moyen-Orient ou d'Asie. D'après les témoignages des convertis, les raised Muslims (musulmans de souche) qui émettent le plus de réserves à l'égard des latino-musulmans sont ceux pour qui le fait d'être musulman passe avant tout par la connaissance de la langue arabe - la langue du Coran. Prier Allah en espagnol leur apparaît comme une preuve flagrante du manque d'authenticité de la foi des latino-musulmans.

L'imam Shamsi Ali connaît le problème. Etant lui même indonésien, donc minoritaire au sein de l'islam américain, il a dû hausser le ton pour réussir à faire reconnaître par tous sa compétence à gérer une institution religieuse aussi diverse culturellement que l'est l'Islamic Cultural Center de Manhattan (la plus grande mosquée de New York). «Tout musulman qui comprend vraiment l'islam devrait comprendre la démarche des latino-musulmans, et devrait comprendre que l'islam n'appartient pas à un seul type d'ethnie», explique t-il.




Les difficultés dans le parcours d'un latino-musulman ne résident pas seulement dans le regard des autres, mais, plus prosaïquement, dans l'accès aux textes sacrés et aux prières en langue espagnole.

Il existe en effet peu de services religieux en espagnol dans les mosquées, excepté dans le strict cadre des associations latino-musulmanes. Ce manque de ressources matérielles explique, en sus de la froideur émanant de certains musulmans de souche, que de nombreux Latinos convertis préfèrent ne pas aller prier à la mosquée. D'après l'imam, si les textes sacrés ne sont pas beaucoup traduits, c'est afin de préserver l'authenticité du Coran. Plus il existe de traductions différentes, et plus le risque augmente de trouver des contresens entre les différentes versions. Le travail des associations islamo-américaines permet de pallier à ces lacunes matérielles. L'Institut Islamique d'Information et d'Education propose sur son site internet un nombre de fiches en espagnol - sur le concept de Dieu, le ramadan, le prophète, etc. - presque égal au nombre de fiches en anglais.

Les conversions post-11 septembre

«Ma soeur m'a dit, en parlant de Ben Laden : 'Votre leader va lancer une guerre sainte'», se souvient Juan Galvan. «CNN devrait faire des sondages pour savoir combien d'Américains pensent que Ben Laden est le leader spirituel des musulmans. Peu après les attentats du 11 septembre, mon père a dit à ma mère : 'Dans quoi est-ce qu'il s'est embarqué?' J'ai essayé d'expliquer à mes parents que les musulmans n'étaient pas un gang de 50 personnes et qu'ils étaient 1,2 milliard dans le monde. Mais mes explications ne les ont jamais tout à fait rassurés. Beaucoup de gens aux Etats-Unis ont l'air de croire que les Saoudiens détiennent une liste exhaustive de tous les musulmans du monde et peuvent appeler n'importe lequel d'entre eux quand ils veulent faire sauter un immeuble.» Malgré la persistance de ces clichés sur l'islam, les chiffres surprennent: depuis 2001, cinq fois plus d'Hispaniques que dans la décennie précédente ont choisi de devenir musulman. Une réaction inattendue aux cercles politiques amalgamant à l'envi Djihad (guerre sainte) et Djumma (prière du vendredi).

Dans son article "Islam américain, Islam européen", publié dans Le Monde Diplomatique en janvier 2001, Jocelyne Césari attribue cet engouement pour l'islam à une gestion typiquement américaine de la religion: «il arrive en effet qu'une personne change de religion plusieurs fois dans sa vie.»

60% des latino-musulmans sont des femmes




On a souvent dit que les femmes qui se convertissaient à l'islam le faisaient pour adopter la confession de leur compagnon, ou de leur mari. En ce qui concerne les latino-musulmanes, les études prouvent que cette idée tient plus du stéréotype que des faits réels. Juan Galvan explique que la plupart des 'latinas' avec lesquelles il a été en contact se sont converties à l'islam jeunes et avant d'être mariées.

Différentes raisons les poussent à sauter le pas plus facilement que les hommes. En premier lieu, les femmes seraient dans l'ensemble plus croyantes; ensuite, moins frileuses que les hommes face à un changement radical de vie quotidienne. Les jeunes filles d'origine hispanique qui se convertissent à l'islam font le choix d'adhérer à un mode de vie plus conservateur, qui implique entre autres de ne plus boire et de ne plus fréquenter bars et boîtes de nuit. Il s'agit donc souvent d'une rupture avec leur mode de vie antérieur.

Les principales intéressées décrivent avec conviction leur choix de devenir musulmane sur le sol américain. Dans un article du Christian Science Monitor de décembre 2004, de jeunes converties expliquent qu'elles ne se font plus siffler dans la rue depuis qu'elles portent le voile. Evoquant les rapports avec les hommes, l'une d'entre elles ajoute : «Et ils ne nous considèrent plus comme des objets sexuels». La plupart des interviewées étaient, avant leur conversion, persuadées qu'elles seraient considérées avec plus de respect en tant que femme musulmane qu'en tant que femme tout court. Ce facteur a d'ailleurs été déterminant dans leur choix d'adhésion à l'islam, et selon leurs témoignages, cela s'est révélé exact par la suite.

L'avenir de la communauté latino-musulmane

Le dynamisme de la communauté latino-musulmane démontre clairement une chose: la notion de culture n'est pas figée, mais vivante et évolutive. Les convertis rencontrés prédisent bien sûr un grand avenir aux générations futures d'hispano-musulmans. Juan Galvan conclue ainsi : «Se convertir à l'islam est bien plus courant chez les Afro-Américains grâce à des gens comme Mohammed Ali ou Malcolm X. Le problème, chez les latino-musulmans, c'est qu'ils n'ont pas encore de héros. Mais ça ne saurait tarder.»

Isabelle Mayault

Source: http://religion.info/french/articles/article_435.shtml