mardi 28 juin 2011

Le Voyage nocturne et l’Ascension... Leçons et enseignements

Le Voyage nocturne et l’Ascension... Leçons et enseignements

Quels sont les principaux enseignements que le Musulman doit tirer de l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension (al-isrâ’ wal-mi`râj) ?

Réponse de Sheikh Yûsuf `Abd Allâh Al-Qaradâwî


Le Voyage nocturne que Dieu offrit à Son Messager — paix et bénédiction sur lui — est le voyage terrestre de La Mecque vers Jérusalem, de la Mosquée Sacrée vers la Mosquée Al-Aqsâ. Il s’agit d’un voyage terrestre qui eut lieu de nuit. L’Ascension, quant à elle, est un voyage de la Terre vers le Ciel, de Jérusalem vers les cieux les plus élevés, vers un point auquel nul homme n’avait auparavant jamais accédé, vers le Jujubier de la Limite (sidrat al-muntahâ), vers un endroit que Seul Dieu connaît. Ces deux voyages furent une étape importante de la vie du Prophète — paix et bénédiction sur lui — et du parcours suivi à la Mecque par sa nouvelle religion. Ces voyages intervinrent après que le Prophète eut goûté de la part de Quraysh toutes les formes de persécutions et de souffrances.

Dieu, le Très-Haut, offrit ce voyage à Son Messager, le Voyage nocturne et l’Ascension, en tant que soulagement et réconfort pour tout ce qu’il avait souffert, et en tant que compensation pour tout ce qu’il avait enduré. Dieu — Exalté soit-Il — lui fit ainsi savoir que si les habitants de la Terre se sont détournés de toi, alors les habitants du Ciel sont venus à toi, et si ces hommes t’ont rejeté, alors Dieu t’a accueilli et les Prophètes t’ont suivi, en te désignant comme leur Imam. Il s’agissait ainsi d’une compensation et d’un honneur faits au Messager — paix et bénédiction sur lui — de la part de Dieu — Exalté soit-Il. Il s’agissait également pour le Prophète d’une préparation à l’étape suivante de sa mission. En effet, il devrait, quelque temps plus tard (trois années selon certains et dix-huit mois selon d’autres), endurer de grandes épreuves... Ce qui est sûr, c’est que cet épisode eut lieu avant l’Hégire. Le Voyage nocturne et l’Ascension étaient une préparation à l’ère post-hégirienne, à cette ère de lutte armée au cours de laquelle le Prophète — paix et bénédiction sur lui — allait entrer en confrontation avec tous les Arabes. Tous les Arabes allaient se réunir tels un seul homme pour diriger leurs flèches contre le Prophète. De nombreux fronts allaient s’ouvrir et s’opposer à sa mission universelle.

A l’occasion de l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension, les choses les plus importantes sur lesquelles il faut insister sont au nombre de deux. La première est la Mosquée Al-Aqsâ. Il est nécessaire de comprendre la manière dont Dieu — Exalté soit-Il — établit un lien entre la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ et la manière dont Il nous informa que le choix de la Mosquée Al-Aqsâ était intentionnel. En effet, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — aurait très bien pu monter au Jujubier de la Limite depuis La Mecque.

Nous devons donc méditer les raisons pour lesquelles ce Voyage nocturne eut lieu de la Mosquée Sacrée à la Mosquée Al-Aqsâ ainsi que les raisons pour lesquelles le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — ne monta pas directement de la Mosquée Sacrée aux cieux les plus élevés. Ceci nous indique en effet que le passage par cette sainte étape, par Jérusalem, par cette terre que Dieu bénit pour les mondes, par la Mosquée Al-Aqsâ, était intentionnel. Par ailleurs, le fait que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dirigeât la prière des Prophètes à Jérusalem comporte une profonde signification. Ainsi, le commandement revenait désormais à une nouvelle communauté et à un nouveau message, à un message universel. Contrairement aux messages antérieurs pour lesquels chaque prophète fut envoyé à son peuple, celui-ci se voulait être un message général et éternel destiné à toute l’humanité.

Ce lien entre les deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fut établi afin que le Musulman ressente que chacune d’elles a sa sainteté propre. Ainsi, l’une fut le point de départ du Voyage nocturne, l’autre en fut le point d’arrivée. Ceci indique donc que celui qui abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est à deux doigts d’abandonner la Mosquée Sacrée, celui qui abandonne le point d’arrivée du Voyage nocturne peut parfaitement abandonner son point de départ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut donc établir un lien entre les deux Mosquées, la Mosquée qui fut le point de départ du Voyage nocturne et la Mosquée qui en fut le point d’arrivée, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ. Dieu — Exalté soit-Il — voulut que ces deux Mosquées, la Mosquée Sacrée et la Mosquée Al-Aqsâ, fussent reliées entre elles dans l’âme de chaque Musulman. Dieu insista sur la Mosquée Al-Aqsâ « dont Nous avons béni l’alentour » [1]. Il fit attribut de la bénédiction pour décrire cette Mosquée, et ce, avant même la construction de la Mosquée du Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui. En effet, la Mosquée du Prophète ne fut édifiée qu’après l’Hégire, à Médine. Dieu voulut donc consolider cette idée et la raffermir dans les consciences et les cœurs des Musulmans, afin qu’ils n’abandonnent aucune des deux Mosquées. Car celui qui abandonne la Mosquée Al-Aqsâ est à un pas d’abandonner la Mosquée Sacrée. Cette Mosquée fut intimement reliée à l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension ; c’est vers elle que, pendant une longue période, les Musulmans se tournèrent pour leur prière, après que cette dernière eut été prescrite. Les Musulmans priaient vers Jérusalem : Jérusalem fut leur direction de prière (qiblah) pendant trois ans à la Mecque et pendant seize mois à Médine. Ils prièrent vers cette Mosquée de Jérusalem qui était alors la première direction des Musulmans. Cette Mosquée est donc la première direction de prière des Musulmans, la terre du Voyage nocturne et de l’Ascension, et la Mosquée vers laquelle les Musulmans voyagent exclusivement, conjointement avec la Mosquée Sacrée et la Mosquée du Prophète. Jérusalem devient ainsi la troisième ville sainte de l’Islam, après La Mecque et Médine.

C’est de cette manière que les Musulmans doivent saisir l’importance de Jérusalem dans leur histoire et l’importance de la Mosquée Al-Aqsâ dans leur religion, dans leur foi et dans leur vie. C’est pour cette raison que les Musulmans, tout au long de l’histoire, ont toujours œuvré pour que cette Mosquée reste entre leurs mains.

Dieu — Exalté soit-Il — voulut établir un lien entre cette Mosquée et l’anniversaire du Voyage nocturne et de l’Ascension, et ce, afin que chaque année, à l’approche de cet anniversaire à la fin du mois de Rajab [2], lorsque les Musulmans, où qu’ils soient, célèbrent cet épisode, ils se rappellent cette grave question, cette cause sacrée... Nous ne pouvons pas, chers frères, l’abandonner. Si les Juifs ont rêvé d’établir un État et qu’ils sont parvenus à réaliser leur rêve, nous devons, nous aussi, rêver qu’il nous est impossible d’abandonner notre Mosquée. Même si la réalité amère qui nous fait face se rend dans toute l’ampleur de sa reddition et est vaincue dans toute l’ampleur de sa défaite, nous ne devons pas nous y soumettre et accepter ainsi la déroute.

Nous devons avoir la foi que Dieu — Exalté soit-Il — est avec nous, qu’Il est notre Secours, qu’Il fera triompher Sa religion sur toutes les autres religions et qu’Il est le Secoureur de la Communauté croyante, ainsi que l’a rapporté l’Imam Ahmad et At-Tabarânî, d’après Abû Umâmah Al-Bâhilî — que Dieu l’agrée, selon qui, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — a dit : « Il restera un groupe de ma Communauté, établissant la justice et vainquant leurs ennemis, auxquels nul, parmi ceux qui leur tiendront front, ne pourra causer du tort — sauf à être trahis — jusqu’à ce que le Commandement de Dieu (le Jour du Jugement dernier) arrive alors que leur attitude demeurera inébranlable. » On demanda : « Ô Messager de Dieu, et où sont-ils ? » Il répondit : « A Jérusalem et dans les alentours de Jérusalem. »

Tel est le premier enseignement à tirer de l’épisode du Voyage nocturne et de l’Ascension.

Le second enseignement est celui qui concerne la prière. On sait que la prière fut prescrite lors de cette nuit grandiose. Nous savons à notre époque que lorsqu’un pays souhaite une chose importante, il en fait part à son ambassadeur. En outre, il ne lui suffit pas d’envoyer à cet ambassadeur un message dans la valise diplomatique. Bien au contraire, il le convoque pour qu’il se présente en personne. Or, le Prophète — paix et bénédiction sur lui — est l’Ambassadeur de Dieu vers Sa création — à Dieu appartient cependant le meilleur exemple [3]. Ainsi, Dieu convoqua Son Ambassadeur, le fit voyager de nuit, puis le fit monter jusqu’au Jujubier de la Limite. Et c’est là que furent prescrites les cinq prières quotidiennes.

Tous les cultes furent prescrits sur Terre, excepté la prière qui fut prescrite au Ciel. Ceci constitue une preuve de l’importance capitale de ce culte, de ce devoir et de ce pilier de l’Islam. La prière est ainsi le vestige qui nous reste de ce Voyage, le seul vestige matériel qui nous reste. En effet, la prière constitue l’ascension propre de chaque Musulman, l’ascension spirituelle qui lui permet de s’élever jusqu’à Dieu — Exalté soit-Il. C’est comme si le Messager nous était revenu avec un présent de son Voyage grandiose [4]. Ce présent consiste précisément en cette prière que le Musulman doit accomplir en signe d’adoration de Dieu — Exalté soit-Il.

C’est pour cette raison que nous devons rappeler l’importance de cette prière, en particulier dans la mesure où elle est liée à la Mosquée Al-Aqsâ. En effet, lorsque la prière fut prescrite, et jusqu’à l’ère post-hégirienne, cette Mosquée fut la première direction de prière des Musulmans. Si, d’après l’hypothèse la plus probable, le Voyage nocturne eut lieu en l’an dix de la mission [5], alors les Musulmans prièrent pendant trois ans avant l’Hégire, puis encore seize mois après, tournés vers Jérusalem. Jérusalem fut la première direction de prière des Musulmans, après quoi Dieu leur ordonna de se tourner désormais vers la Mosquée Sacrée : « Où que vous soyez, tournez-y vos visages. » [6].

Les Juifs provoquèrent alors à Médine un tollé général au sujet de cette affaire. « Les faibles d’esprit parmi les gens vont dire : ‹Qui les a détournés de la direction (qiblah) vers laquelle ils s’orientaient auparavant ?› » [7] Ils répandirent la rumeur que la prière des Musulmans, avant le changement de direction, était nulle et que sa récompense était perdue. Dieu leur répondit par le verset précédent, ajoutant : « Et Nous n’avions établi la direction (qiblah) vers laquelle tu te tournais que pour savoir qui allait suivre le Messager et qui allait s’en retourner sur ses talons. C’était un changement difficile, mais pas pour ceux que Dieu a guidés. Et ce n’est pas Dieu qui vous fera perdre la récompense de votre foi, car Dieu, certes, est Compatissant et Miséricordieux pour les hommes » [8]. Ici, le mot « foi » désigne la prière : Dieu exprime la prière en parlant de foi car la prière est précisément une expression de la foi de l’individu.

La prière est ainsi donc l’ascension propre de chaque Musulman. Si le Prophète — paix et bénédiction sur lui — monta vers les cieux les plus élevés, sache que tu as à ta disposition, cher frère Musulman, une ascension spirituelle par laquelle tu peux monter indéfiniment vers Dieu — Exalté soit-Il -, et ce, grâce à la prière, au sujet de laquelle, le Très Haut dit dans un hadith sacré : « J’ai partagé la prière en deux parts, l’une pour Moi, l’autre pour Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. Si Mon Serviteur dit : « Louanges à Dieu, Seigneur des Mondes. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a loué. S’il dit : « Le Clément, le Miséricordieux. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a rendu les hommages. S’il dit : « Le Maître du Jour de la Rétribution. » [9], Je dis : Mon Serviteur M’a glorifié. S’il dit : « C’est Toi que nous adorons et c’est Toi que nous implorons. » [9], Je dis : Cela Nous concerne Moi et Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. S’il dit : « Guide-nous vers le droit chemin. Le chemin de ceux que Tu as comblés par Tes bienfaits, non le chemin de ceux qui ont encouru Ta colère ni de ceux qui se sont égarés. » [9], Je dis : Cela est pour Mon Serviteur, et à Mon Serviteur ce qu’il demande. »

Notes 
[1] Sourate 17 intitulée le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 1.

[2] Rajab est le septième mois du calendrier musulman.

[3] Expression prononcée par les Musulmans lorsqu’ils comparent le divin à des exemples matériels, pour mieux faire comprendre leurs propos. Cette expression est une sorte d’excuse signifiant que Dieu est certes incomparable, mais qu’on peut utiliser tel ou tel exemple pour mieux faire ressortir telle ou telle idée.

[4] Nous recommandons la lecture de ces lignes de l’Imâm-exégète Muhammad Mitwallî Ash-Sha`râwî : "Le cadeau de la Proximité pour la proximité".

[5] L’an -3 du calendrier musulman.

[6] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 144.

[7] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 142.

[8] Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 143.

[9] Il s’agit des versets de la sourate 1 intitulée le Prologue, Al-Fâtihah, que le Musulman doit réciter à chaque cycle de prière (rak`ah).

Source: http://www.islamophile.org/spip/Le-Voyage-nocturne-et-l-Ascension.html

mardi 21 juin 2011

La civilisation : les causes de son apparition et de sa décadence d’après le Coran

Salam alaikoum,
 
l'article suivant, n'est pas à propement parlé, basé seuleument sur des sources sunnites mais il est enrichissant.

La civilisation : les causes de son apparition et de sa décadence d’après le Coran
 
Zeinab Moshtaghi
 
 
 
De nombreuses théories ont été formulées à propos des causes de l’origine et de la décadence des civilisations, certaines insistant avant tout sur les raisons spirituelles, et d’autres sur les raisons matérielles d’un tel phénomène. Cependant, pour connaître la civilisation, il faut d’abord connaître l’homme et, selon le Coran, connaître l’homme indépendamment de son Créateur et de ce pour quoi il a été créé est impossible.

Deux théories principales ont donc été formulées pour expliquer l’apparition des civilisations : une première dans laquelle l’homme est l’axe (ensân mehvâr), et qui considère la civilisation comme un groupement d’hommes qui entretiennent entre eux des relations en vue d’atteindre certains buts matériels et spirituels, et d’arriver ainsi à ce qu’il considère être la meilleure vie possible pour chacun de ses membres en tant qu’individus. Une seconde théorie est basée sur le pouvoir et la puissance sous ses différentes formes, et considère la civilisation comme l’actualisation de l’ensemble des capacités humaines et l’emploi de différentes formes de puissance en vue d’atteindre le maximum de puissance et de plaisir dans cette vie terrestre. Ici, la civilisation est axée sur le groupe et parfois la race, et donc sur une forme particulière d’égoïsme. En d’autres termes, la civilisation est ici définie comme l’acquisition pure de puissance sans se préoccuper du bien être de chaque individu, et répond à une logique de fin qui justifie les moyens.

En outre, les écoles qui pensent que l’univers et le monde sont des réalités exclusivement matérielles, et qu’ils ont été créés à un moment déterminé puis seront voués à la destruction, ont une définition particulière du progrès et de la décadence. Face à cela, les écoles pour qui l’homme ne se limite pas à sa dimension matérielle mais a une âme qui constitue sa vérité profonde et qui survit à la mort physique ont également une définition propre du progrès et de la décadence.
Définition de la civilisation

La civilisation puise ses sources dans un système des valeurs et de pensée mais aussi dans la puissance, la richesse culturelle, ainsi que dans les capacités d’analyse et la puissance créatrice de chaque groupement humain. Se civiliser signifie une révolution dans la pensée ainsi que la conception du monde et de la société qui a, à son tour, de profondes implications dans les comportements individuels, sociaux et politiques de l’homme. Selon le Coran, les prophètes sont à l’origine de ces transformations. La civilisation au sens vrai est conçue comme étant avant tout centrée sur l’homme, et se devant de répondre à ses buts matériels qui eux-mêmes servent des objectifs spirituels. D’après la sourate "Al-Jumu’ah (Le vendredi), verset 2, le but de la révélation prophétique et de la mission divine est d’une part d’enseigner aux hommes, d’autre part de les purifier : "C’est Lui qui a envoyé au milieu des hommes sans Livre [les Arabes] un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils étaient auparavant dans un égarement évident". De même, dans le Nahj al-Balâgha, l’Imâm Ali évoque le fait que le Prophète ait fait deux choses importantes : il a d’abord donné le savoir au peuple et lui a enseigné le vrai et le faux, ainsi que le licite et l’illicite, puis il l’a ainsi sauvé de l’égarement. On peut donc ici conclure que l’égarement et l’ignorance sont deux causes importantes de décadence, et c’est la raison pour laquelle l’islam accorde une importance centrale à l’enseignement et à l’apprentissage. Certains hadiths du prophète Mohammad invitent ainsi "à se mettre en quête de la science, même si elle est en Chine (destination lointaine)". Selon cette logique, la religion sauve de l’égarement et la science sauve de l’ignorance. Selon le Coran, le rôle des prophètes dans le processus de civilisation des peuples dans le sens premier, c’est-à-dire servant les hauts buts spirituels de l’homme, est donc essentiel. Ainsi, le prophète Mohammad introduit chez un peuple idolâtre, décadent et désuni, une foi et une connaissance qui le transforme peu à peu en la plus grande civilisation humaine et spirituelle de l’humanité, en faisant de la piété, de la réalisation de la justice, et de la quête des hautes sciences divines les buts de leur communauté. La culture, les sciences, la littérature, l’art… qui sont des phénomènes propres à toute civilisation sont dès lors mis au service non pas d’objectifs de puissance égoïstes, mais de dépassement de soi et de la réalisation de l’ensemble des potentialités spirituelles de l’homme. Ainsi, une vraie civilisation se réalise au travers d’un peuple ayant bénéficié de l’enseignement des prophètes, et qui s’efforce de l’actualiser dans tous les domaines de la vie individuelle et sociale.

Comme l’histoire l’atteste, le Coran dit clairement qu’aucune civilisation n’est éternelle : "Pour chaque communauté, il y a un terme. Quand leur terme est arrivé, ils ne peuvent le retarder d’une heure et ils ne peuvent le hâter non plus." (sourate "Al-A’raf", verset 34). Ainsi, d’après le Coran, tout comme chaque être humain, chaque communauté a une fin. Selon de nombreux versets du Coran, l’oppression est la cause de la fin des civilisations : "Que de cités Nous avons détruites ! Or, Notre rigueur les atteignit au cours du repos nocturne ou durant leur sieste. Leur invocation, lorsque leur survint notre rigueur, se limita à ces paroles : “Certes nous étions injustes”" (sourate "Al-A’râf", versets 4-5) ; "Ton Seigneur ne fait pas périr des cités avant d’avoir envoyé dans leur métropole un Messager pour leur réciter Nos versets. Et Nous ne faisons périr les cités que lorsque leurs habitants sont injustes" (sourate "Al-Qasas" (L’histoire), verset 59) ; "Nous avons fait périr les générations d’avant vous lorsqu’elles eurent été injustes alors que leurs messagers leur avaient apporté des preuves. Cependant, elles n’étaient pas disposées à croire. C’est ainsi que Nous rétribuons les gens criminels" (sourate "Yunous" (Jonas), verset 13) ; ou encore : "Que de cités, donc, avons-Nous fait périr, parce qu’elles commettaient des tyrannies. Elles sont réduites à des toits écroulés : Que de puits désertés ! Que de palais édifiés (et désertés aussi) !" (sourate "Al-Hajj" (Le pèlerinage), verset 45) Le verset 165 de la sourate "Al-An’âm" (Les bestiaux) dit aussi qu’à chaque période, Dieu fait venir un peuple héritier qui remplace les anciennes civilisations : "C’est Lui qui a fait de vous les successeurs sur terre et qui vous a élevés, en rangs, les uns au-dessus des autres, afin de vous éprouver en ce qu’Il vous a donné. (Vraiment) ton Seigneur est prompt en punition, Il est aussi Pardonneur et Miséricordieux". Dieu a ainsi envoyé les prophètes aux peuples afin de leur faire rappeler Son serment [1], qui a un rôle essentiel dans la vie des peuples et civilisations car jusqu’au moment où le peuple élu le respecte et n’outrepasse pas les lois divines, son autorité demeurera. Ainsi, dans les versets 116-117 de la sourate "Houd", il est dit que dès lors que les habitants d’une cité sont vertueux, ils ne périront pas : "Si seulement il existait, dans les générations d’avant vous, des gens vertueux qui interdisent la corruption sur terre ! (Hélas) il n’y en avait qu’un petit nombre que Nous sauvâmes, alors que les injustes persistaient dans le luxe (exagéré) dans lequel ils vivaient, et ils étaient des criminels. Et ton Seigneur n’est point tel à détruire injustement des cités dont les habitants sont des réformateurs".
 
 
Ainsi, à chaque période, Dieu donne l’autorité sur terre à un peuple afin de l’éprouver. C’est pourquoi, si Dieu choisit la décadence pour un peuple, Il l’éloigne de la voie directe, lui fait rejeter les ordres divins et met ses pas dans la voie de Satan. Dans les versets 94-102 de la sourate "Al-A’râf", Dieu dit : "Nous n’avons envoyé aucun prophète dans une cité, sans que Nous n’ayons pris ses habitants ensuite par l’adversité et la détresse afin qu’ils implorent (le pardon). Puis Nous avons changé leur mauvaise condition en y substituant le bien, au point qu’ayant grandi en nombre et en richesse, ils dirent : “La détresse et l’aisance ont touché nos ancêtres aussi.” Eh bien, Nous les avons saisis soudain, sans qu’ils s’en rendent compte. Si les habitants des cités avaient cru et avaient été pieux, Nous leur aurions certainement accordé des bénédictions du ciel et de la terre. Mais ils ont démenti et Nous les avons donc saisis, pour ce qu’ils avaient acquis.

Les gens des cités sont-ils sûrs que Notre châtiment rigoureux ne les atteindra pas la nuit, pendant qu’ils sont endormis ? Les gens des cités sont-ils sûrs que Notre châtiment rigoureux ne les atteindra pas le jour, pendant qu’ils s’amusent ? Sont-ils à l’abri du stratagème de Dieu ? Seuls les gens perdus se sentent à l’abri du stratagème de Dieu. N’est-il pas prouvé à ceux qui reçoivent la terre en héritage des peuples précédents que, si Nous voulions, Nous les frapperions pour leurs péchés et scellerions leurs cœurs, et ils n’entendraient plus rien ? Voilà les cités dont Nous te racontons certaines de leurs nouvelles. [A ceux-là,] en vérité, leurs messagers leur avaient apporté les preuves, mais ils n’étaient pas prêts à accepter ce qu’auparavant ils avaient traité de mensonge. C’est ainsi que Dieu scelle les cœurs des mécréants. Et Nous n’avons trouvé chez la plupart d’entre eux aucun respect de l’engagement ; mais Nous avons trouvé la plupart d’entre eux pervers".

Selon ces versets, l’un des facteurs importants de décadence des civilisations est l’orgueil et la négligence des signes divins. Ainsi, après être arrivé à la puissance, un peuple qui s’enorgueillit, devient oppresseur et commet des péchés sera atteint par le châtiment divin. De plus, selon les versets 27-28 de la sourate "Al-Baqara" (La vache), le péché et la perversion sont les conséquences de l’absence de respect du serment prééternel conclu avec Dieu : "[les pervers] qui rompent le pacte qu’ils avaient fermement conclu avec Dieu, coupent ce que Dieu a ordonné d’unir, et sèment la corruption sur la terre. Ceux-là sont les vrais perdants. Comment pouvez-vous renier Dieu alors qu’Il vous a donné la vie, quand vous en étiez privés ? Puis Il vous fera mourir ; puis Il vous fera revivre et enfin c’est à Lui que vous retournerez."

D’après le verset 132 de la sourate "Al-A’raf", quand un peuple ne respecte pas son serment envers Dieu, Dieu fait hériter de leur vaste et fécond pays un peuple faible, mais croyant et clairvoyant : "Et les gens qui étaient opprimés, Nous les avons fait hériter les contrées orientales et occidentales de la terre que Nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’accomplit pour prix de leur endurance. Et Nous avons détruit ce que faisaient Pharaon et son peuple, ainsi que ce qu’ils construisaient."

Nous voyons ainsi que selon le Coran, le simple fait d’habiter au sein d’une ville n’est pas une preuve de civilisation. Il faut qu’une société soit dénuée de tout polythéisme, soit guidée par la foi, la raison et une morale juste et appliquée afin qu’elle soit qualifiée de "civilisée". De même, la personne qui combat le polythéisme, les passions, les diverses formes de corruptions et le fanatisme qui sont des signes d’ignorance, est civilisée. L’homme civilisé est donc celui qui agit selon la vérité, c’est le disciple d’Abraham : "Qui donc aura en aversion la religion d’Abraham, sinon celui qui sème son âme dans la sottise ?" (sourate "Al-Baqara" (La vache), verset 130). Le verset 17 de la sourate "Al-Isrâ’" (Le voyage nocturne) fait également référence à cette réalité : "Et quand Nous voulons détruire une cité, Nous ordonnons à ses gens opulents [d’obéir à Nos prescriptions], mais (au contraire) ils se livrent à la perversité. Alors la Parole prononcée contre elle se réalise, et Nous la détruisons entièrement."

Ainsi, le critère de la civilisation selon le Coran consiste à reconnaître que Dieu seul gouverne l’homme et l’univers, et à suivre Ses commandements insistant sur le développement de la réflexion et la purification de l’âme de chacun, qui sont indissociables du bonheur même de la société. Une société pourra atteindre sa perfection si elle possède la foi, et si ses membres sont vertueux dans leurs pensées et actes. Face à cela, le Coran évoque qu’il a existé des communautés exclusivement tournées vers les jouissances terrestres, et qui pensaient qu’une société heureuse et développée était celle dont les membres jouissaient le plus des ressources matérielles de ce monde. Ces communautés, comme celle de Pharaon, sont selon le Coran vouées à la destruction. Le verset 45 de la sourate "Sabâ’" fait allusion à cette réalité : "Ceux d’avant eux avaient [aussi] démenti (leurs messagers). [Les Mecquois] n’ont pas atteint le dixième de ce que Nous leur avons donné [en force et en richesse]. Ils traitaient Mes Messagers de menteurs. Et quelle réprobation fut la mienne !"

Nous pouvons également citer l’exemple de Kâroun (Coré), un homme très riche du peuple de Moïse. Dieu lui donna de nombreux trésors, et il pensait que sa richesse était le résultat de son propre savoir et non une faveur de Dieu. Il fut donc englouti par la terre avec ses trésors. Les versets 76-81 de la sourate "Al-Qasas" (L’histoire) évoquent son destin funeste : "En vérité, Kâroun [Coré] était du peuple de Moïse mais il était empli de violence envers eux. Nous lui avions donné des trésors dont les clefs pesaient lourd à toute une bande de gens forts. Son peuple lui dit : […]“Sois bienfaisant comme Dieu a été bienfaisant envers toi. Et ne recherche pas la corruption sur terre. Car Dieu n’aime point les corrupteurs”. Il dit : “C’est par une science que je possède que ceci m’est venu”. Ne savait-il pas qu’avant lui Dieu avait fait périr des générations supérieures à lui en force et plus riches en biens ? Et les criminels ne seront pas interrogés sur leurs péchés” ! Il sortit à son peuple dans tout son apparat. […]Nous fîmes donc que la terre l’engloutît, lui et sa maison. Aucun clan en dehors de Dieu ne fut là pour le secourir, et il ne pût se secourir lui-même."
 
 
Le Coran cite l’exemple de nombreux peuple dont celui de Houd, qui vivait à Ahqâf. Ses membres étaient de grandes statures et forts, et leurs cités étaient très peuplées, fécondes, avec beaucoup de jardins. Les versets 6-9 de la sourate "Al-Fajr" (L’aurore) disent cependant : "N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi avec les ’Ad, [avec] Iram, [la cité] à la colonne remarquable, dont jamais pareille ne fut construite parmi les villes ? et avec les Thamud qui taillaient le rocher dans la vallée ?" Le peuple de Houd, les ’Ad, possédait des bâtiments qui n’avaient d’exemple dans aucun pays, mais il devint idolâtre et construisit une idole dans chaque quartier. Pour le guider, Dieu lui envoya Houd, mais ses habitants n’acceptèrent pas ses conseils et le renièrent : "Les ’Ad ont traité de menteur (leur Messager). Comment furent Mon châtiment et Mes avertissements ? Nous avons envoyé contre eux un vent violent et glacial, en un jour néfaste et interminable ; il arrachait les gens comme des souches de palmiers déracinés. Comment furent Mon châtiment et Mes avertissements ?" (sourate "Al-Qamar" (La lune), versets 18-21). Les Thamoud, le peuple de Sâleh, étaient quant à eux des Arabes vivant dans une vallée entre Médine et la Syrie. Ils étaient également développés, et creusèrent le roc de la vallée pour y édifier des palais et maisons. Cependant, il y avait parmi eux des personnes corrompues qui adoraient les idoles. Et quand le prophète Sâleh les invita à la foi en Dieu, ils lui répondirent qu’ils ne faisaient que suivre les traditions de leurs pères. Ils lui demandèrent aussi un miracle : Sâleh leur apporta une chamelle comme miracle ; mais ils le tuèrent, et Dieu les châtia.

L’un des aspects centraux du développement et de la civilisation est la culture : elle est non seulement l’une des causes à la base de l’émergence des civilisations, mais aussi celle de leur décadence, parce que la corruption de la culture entraîne la destruction des bases de la foi, de la morale et du savoir. D’après l’Ayatollah Khomeiny, la réforme d’une nation et l’évolution des mentalités implique la réforme de la culture. Mais comme le souligne le Coran, c’est avant tout la foi qui peut faire renaître un peuple, et permet la manifestation des plus hautes qualités humaines qui permettent un développement harmonieux de la société tant sur le plan matériel que spirituel. L’Imâm Ali a également évoqué que les Etats et les sociétés humaines deviennent décadentes lorsque les principes des valeurs sont détruits, lorsque la ruse devient une valeur et qu’au lieu des hommes de savoir, les personnes viles occupent les postes de pouvoir.
Conclusion

En guise de conclusion, nous citons plusieurs versets du Coran venant résumer les aspects essentiels de notre propos : "Si seulement il existait, dans les générations d’avant vous, des gens vertueux qui interdisent la corruption sur terre ! (Hélas) Il n’y en avait qu’un petit nombre que Nous sauvâmes, alors que les injustes persistaient dans le luxe (exagéré) dans lequel ils vivaient, et ils étaient des criminels." (sourate "Houd", verset 116) ; "En vérité, Dieu ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. Et lorsque Dieu veut [infliger] un mal à un peuple, nul ne peut le repousser : ils n’ont en dehors de lui aucun protecteur." (sourate "Ar-Ra’d" (Le tonnerre), verset 11) : ainsi, tant qu’un peuple a la foi et fait de œuvres bonnes, Dieu ne le détruit pas ; tant qu’un peuple ne change pas ses valeurs, Dieu ne change pas son destin. En d’autres termes, tant qu’un peuple reste fidèle au serment et aux commandements divins, il perdurera. En outre, d’après les nombreux versets coraniques à propos de l’apparition et de la décadence des civilisations antérieures, il apparaît qu’au cours de l’histoire, de nombreuses civilisations prospères ont peu à peu oublié leur foi et leur serment divin, en conséquence, le châtiment divin s’est abattu sur elles. "Si les habitants des cités avaient cru et avaient été pieux, Nous leur aurions certainement accordé des bénédictions du ciel et de la terre. Mais ils ont démenti et Nous les avons donc saisis, pour ce qu’ils avaient acquis" (sourate "Al-A’râf", verset 96). La civilisation signifie donc un perfectionnement de l’homme, et fournit à son tour les conditions de la manifestation de sa vérité profonde. Cependant, cette révolution doit être aidée et accompagnée d’une révélation prophétique, l’exemple le plus éclatant étant la civilisation née de l’islam. Le Coran souligne aussi que seul Dieu connaît parfaitement l’homme et l’univers, et c’est donc Lui seul qui peut lui montrer la voie de son bonheur sur terre et dans l’Au-delà en lui donnant les clés d’une vie religieuse, individuelle et sociale équilibrée et en accord avec sa nature divine originelle.

 Sources : 
 
Le Coran 
Ibn Khaldoun, Moqaddima, Traduction persane de Mohammad Parvin Gonâbâdi, Bongâh-e tarjomeh va nashr-e ketâb, Téhéran, 1961.
Tafsir Al-Qor’ân al-’Aziz (Commentaire du Coran Al-’Aziz), Edition du Caire, 1976, Vol. 1.
Ja’fari, Mohammad Taghi, Tarjomeh va tafsir-e Nahj Al-Balâgha (Traduction et commentaire de Nahj al-Balâgha), Vol. 5, Daftar-e nashr-e Farhangu-e Eslâmi, Téhéran, 1981.
Sharia’ti, ’Ali, Majmou’eh-te Athar (Œuvres complètes), Hosseynieh Ershâd, Téhéran, 1979.
Sahifeh-ye Nour (Livre de la lumière), Vol. 1 et 15.
Tabâtabâ’i, Seyyed Mohammad Hossein, Tafsir al-Mizân (Commentaire du Coran Al-Mizân), traduction persane de Seyyed Mohammad Bâgher Moussavi Hamedâni, Vol. 10, Daftar-e Enteshârât-e Eslâmi.
’Ezzati, Mortezâ, Faslnâmeh Mofid, No. 10.
Feyz-ol-Eslâm, Sayyed ’Ali Naghi, Tarjomeh va sharh-e Nahj al-Balâgha (Traduction et commentaire de Nahj al-Balâgha), Aftâb, Téhéran.
Mahmoudi Bakhtiâri, ’Aligholi, Zamineh-ye farhang va tamaddon-e Irân, Negâhi be ’Asr-e asâtir (Terreau de la culture et de la civilisation iranienne, regard sur l’époque des légendes), Vol. 1, Enteshârât-e Pâjang, 4e éd, Téhéran, 1989.
 
Source: http://www.teheran.ir/spip.php?article1380