mardi 28 septembre 2010

Sentences d'Abû Saïd Abû-l-Kheir sur le soufisme

 Sentences d'Abû Saïd Abû-l-Kheir sur le soufisme
 
A méditer 


Extraits de son receuil "Asrâr al-Tawhid":

Le voile entre moi et Dieu n’est pas le monde, ni le trône divin ; c’est l’illusion du "je".

Passez au travers de vous-même et vous vous retrouverez auprès de lui.
 
                             
                                                                                                     
L’illusion du "moi", le paradis n’est qu’absence du "je". L’enfer n’est qu’omniprésence du “moi”.

Si vous n’aspirez pas à sacrifier votre personne, ne perdez pas votre temps avec ces balivernes de soufis.

Le soufisme signifie fixer son regard sur l’Un et vivre à travers l’Un.


                                                 
                                                        Turkmenistan, ville de Mayhaneh

La signification du soufisme est de vous débarrasser de ce que vous avez dans la tête, d’utiliser avec parcimonie ce qui est entre vos mains, et de rester inébranlable face à tout ce qui peut vous arriver.

Avoir du ressentiment est une hérésie ; attribuer une chose à une autre cause que Dieu est une idolâtrie. Enfin, la joie est un devoir.

vendredi 24 septembre 2010

Ibn Battûta

 Ibn Battûta


Abu Abdullah Muhammad Ibn Abdullah Al Lawati Al Tanji Ibn Battuta (en arabe : أبو عبد الله محمد ابن عبد الله اللواتي الطنجي بن بطوطة), né le 24 février 1304 à Tanger et mort en 1369 à Marrakech, est un explorateur et voyageur musulman, parcourant 120 000 km en 29 ans de voyages qui l’amènent de Tombouctou au sud à Bulghar (en actuelle Russie, sur la Volga) au nord ; de Tanger à l’ouest à Quanzhou en Extrême-Orient. Ses récits sont compilés par Ibn Juzayy en un livre appelé Rihla (voyage).

Les voyages

À l'origine simple pèlerin Amazigh 2, musulman coutumier, Ibn Battûta profite de la propagation de l'Islam et de la langue arabe qui facilitèrent grandement ses déplacements. Il profite également du développement du commerce puisqu'il se joint souvent à des caravanes, ou embarque sur des vaisseaux marchands musulmans. Il rencontre de nombreuses personnalités et devient souvent leur conseiller lors de ses périples à rallonge.

On peut distinguer quatre périodes dans ces voyages :

1325-1327 : premier pèlerinage à La Mecque (le hajj) par le Maghreb, exploration de la vallée du Nil, de la Syrie, de l'Irak et des villes d'Iran ;

1328-1330: deuxième pèlerinage à La Mecque en passant par les côtes du sud de la péninsule arabique jusqu'à Kilwa kisiwani et sur les côtes est africaines de culture swahilie ;

1330-1346 : troisième pèlerinage à La Mecque, exploration de la Turquie, la mer Noire, l'Asie centrale, l'Inde, Ceylan, Sumatra, la Malaisie et la Chine jusqu'à Pékin;

1349-1354 : traversée du Sahara jusqu'au Mali

Traversée de la Libye

Le 14 juin 1325, Ibn Battûta part de Tanger pour son pèlerinage à La Mecque. Il traverse rapidement l'Algérie alors en pleine guerre civile (Ibn Battûta n'y fait pourtant aucune allusion). Il arrive à Tunis sous le règne du sultan hafside Abû Yahyâ Abû Bakr al-Mutawakkil au moment de la fête de la fin du ramadan. Il se joint à une caravane partant pour l'Arabie. De passage à Tripoli, il se marie une première fois et repart avec son épouse. En cours de chemin, un différend avec son beau-père le fait divorcer. Il se remarie avec une autre femme de la caravane, fille d'un lettré originaire de Fès.

Remontée de la vallée du Nil

En janvier 1326, il arrive à Alexandrie. Ibn Battûta donne une description détaillée du phare d'Alexandrie et signale qu'à son retour en 1349 il ne trouva sur ces lieux qu'un tas de ruines.

Ibn Battûta passe au Caire. Il explique alors le système fiscal local basé sur la hauteur de la crue annuelle du Nil, cette crue étant le signe de récoltes plus ou moins abondantes. Il passa près des pyramides de Gizeh. À l'époque elles étaient encore couvertes d'un parement de calcaire qui les rendait luisantes au soleil. Ibn Battûta raconte qu'un souverain voulut pénétrer dans une pyramide en attaquant le parement calcaire avec du vinaigre chaud jusqu'à ouvrir une brèche.

Partant du Caire, il remonte le Nil. Au passage, on apprend qu'un homme s'est enrichi en se servant des pierres des temples antiques pour construire une école coranique. Arrivé au bord de la mer Rouge, il ne peut traverser et doit faire demi-tour vers Le Caire. Dans ce chemin de retour depuis Assouan jusqu'au Caire il semble s'attarder un peu plus à chaque étape.

Traversée de la Syrie et de la Palestine

Pour cette partie du récit, Ibn Battûta semble faire une synthèse de plusieurs séjours dans la région. D'Égypte, il monte vers Gaza et de là vers Hébron, puis Jérusalem. La crainte de voir les croisés revenir prendre Jérusalem et s'y installer, avait fait prendre la décision paradoxale de raser toutes les fortifications. Ibn Battûta s'émerveille devant le dôme du Rocher.

Ibn Battûta remonte ensuite le long de la côte méditerranéenne en passant par Tyr, Sayda, Beyrouth, et fait un crochet par Damas. Retour à Tripoli sur la côte. Il fait un nouveau crochet par le Krak des Chevaliers et Homs (Emèse) et descend le cours de l'Oronte vers Hama, « ville charmante et exquise entourée de vergers où tournent des roues hydrauliques. ». Se dirigeant toujours vers le nord il atteint Alep. Il s'attarde sur la description de la citadelle, citant un poète : « l'âpre citadelle se dresse contre ceux qui veulent la prendre avec sa haute vigie et ses flancs abrupts. » De là, il retourne encore une fois vers la côte à Antioche. Il redescend vers le sud jusque Lattaquié, passe au pied de la forteresse du Marquuab qu'il dit semblable au krak des Chevaliers, puis vers Baalbek et revient à Damas pour s'y attarder car « si le paradis est sur la terre, c'est à Damas et nulle part ailleurs ».

Dans la grande mosquée des Omeyyades de Damas, il dit voir le tombeau de Zacharie, le père de Jean-Baptiste, alors que Ibn Jubair (1145-1217) un siècle avant lui parlait du « mausolée de la tête de Jean, fils de Zacharie. » comme le veut la tradition actuelle.

Il reçoit à Damas la licence d'enseigner en 1326 et part vers La Mecque avec une caravane.

Vers La Mecque

La caravane fait halte à Bosra pour quelques jours. Au passage il passe près « de la demeure des Thamûd creusée dans des montagnes de grès rouge avec des seuils sculptés et qu'on croirait construites récemment. Les ossements cariés sont à l'intérieur des demeures. » Il s'agit certainement du site de Pétra en Jordanie où la plupart des abris creusés dans la falaise n'étaient pas des maisons mais des tombeaux, mais l'interprétation d'Ibn Battûta va dans le sens du Coran :
Quant aux habitants de Hijr qui avaient traité les prophètes de menteur
Et qui s'étaient détournés de Nos signes, quand. Nous les leur avions fait parvenir,
se contentant de creuser leurs demeures dans le roc des montagnes en toute sécurité,
eux aussi furent saisis par le cri terrifiant au lever du jour,
et tout ce qu'ils possédaient ne leur a en rien servi.

Arrivé à Médine, Ibn Battûta va se recueillir sur la tombe de Mahomet. Il raconte les diverses étapes de l'agrandissement de la mosquée et des querelles que cela amena entre les divers clans de la famille. Après avoir fait le tour des sites que Mahomet avait fréquentés, il repart pour La Mecque. Ibn Battûta fait une assez longue et précise description des lieux et des rites du pèlerinage. Dix jours après la fin du pèlerinage, il part avec une caravane en direction de l'Irak (17 novembre 1326).

L'Irak

Ibn Battûta passe à Nadjaf y voir le tombeau de `Ali, il fait le récit de miracles ayant lieu sur ce tombeau mais il précise ne pas y avoir assisté lui-même. Alors que la caravane repart vers Bagdad, Ibn Battûta décide d'aller à al-Basra (Bassora). Là en assistant à la prière il s'étonne de voir l'imam commettre des fautes de langage.

L'Iran

Il fait un passage par Abadan puis se rend à Ispahan.

L'Afrique orientale, le Yémen et l'Oman

Ibn Battuta séjourne ensuite quelque temps à La Mecque. Il raconte dans la Rihla être resté dans la ville pendant trois ans : de septembre 1327 jusqu'à l'automne 1330. En quittant la Mecque, après le hadj en 1330 il se dirigea vers le port de Jeddah sur la côte de la mer Rouge et de là, pris plusieurs bateaux sur la côte. Arrivant au Yémen, il visita Zabid, puis la ville des hautes terres de Ta'izz où il rencontra le Malik Rassoulides Mujahid Nur al-Din Ali. Ibn Battuta mentionne également la ville de Sana'a, même s'il est peu probable qu'il y soit réellement allé. Il est plus probable qu'il soit allé directement à partir de Ta'izz au port d'Aden, en y arrivant à peu près au début de l'année 1331. À Aden, il s'embarque sur un navire, passe devant Zeila, puis longe le cap Gardafui. Ne restant pas plus d'une semaine à chaque port visité, il s'est rendu, entre autres à Mogadiscio, Mombasa, Zanzibar et Kilwa. Au moment de la mousson, il retourne par bateau vers l'Arabie, visite l'Oman et traverse le détroit d'Ormuz avant de retourné vers la Mecque pour le hadj de 1330

L'Anatolie

En 1333, il visite Ayasoluk (Éphèse), alors capitale de l'émir Hızir d'Aydın. Il est particulièrement impressionné par la mosquée principale de la ville, l'ancienne église chrétienne de Saint-Jean, qu'il considère comme une des plus belles du monde

Asie centrale

Ibn Battûta traverse la Crimée et visite l’empire de la Horde d'Or d'Özbeg. Son récit est une source précieuse concernant un peuple et un État qui ne se sont pas donné la peine d’écrire leur propre histoire. La condition féminine dans les tribus turques l'étonne : « Je fus témoin, dans cette contrée, d’une chose remarquable, c’est-à-dire de la considération dont les femmes jouissent chez les Turcs ; elles y tiennent, en effet, un rang plus élevé que celui des hommes. »3 Ce sont les hommes qui donnent des marques de respect aux femmes : « Lorsqu’elle [l'épouse de l'émir] fut arrivée près de l’émir, il se leva devant elle, lui donna le salut et la fit asseoir à son côté. » Il note que « les femmes des Turcs ne sont pas voilées. » Elles se consacrent même aux activités économiques, loin d'être confinées aux harems : « [une femme] apportera au marché des brebis et du lait, qu’elle vendra aux gens pour des parfums. »3

« J’avais entendu parler de la ville de Bolghâr. Je voulus m’y rendre, afin de vérifier par mes yeux ce qu’on en racontait, savoir l’extrême brièveté de la nuit dans cette ville, et la brièveté du jour dans la saison opposée. »3 Bolghâr, autrefois capitale des Bulgares de la Volga, détruite par les Mongols, se trouve à cent quinze kilomètres au sud de Kazan, à sept kilomètres de la rive gauche de la Volga. Pour un musulman, le respect des cinq prières quotidiennes est un devoir sacré mais quid de cette contrée du bout du monde où le temps se dérègle ? « Lorsque nous eûmes fait la prière du coucher de soleil, nous rompîmes le jeûne [du ramadan] ; on appela les fidèles à la prière du soir, tandis que nous faisions notre repas. Nous célébrâmes cette prière, ainsi que les prières terâwih, AL-chafah Al-witr , et le crépuscule du matin parut aussitôt après. »

Autre problème, plus tard dans l'année alors que l'hiver est survenu, sur la steppe glacée comment faire ses ablutions rituelles quand tout gèle ? « Je faisais mes ablutions avec de l’eau chaude, tout près du feu, mais il ne coulait pas une goutte d’eau qui ne gelât pas à l’instant. Lorsque je me lavais la figure, l’eau, en touchant ma barbe, se changeait en glace, et si je secouais ma barbe, il en tombait une espèce de neige. L’eau qui dégouttait de mon nez se gelait sur mes moustaches. »3

Il traverse ensuite l'Asie centrale pour rejoindre l'Inde. Parti de Saraï, capitale de la horde d'or, il passe successivement par Saraïtchik au nord de l'embouchure de l'Oural, traverse le Khwarezm, atteint Gurgandj, l’actuelle Kounia-Ourguentch, située sur le delta de l’Amou-Daria fleuve qu'il remonte vers Boukhara, « le maudit Tenkîz, le Tatar, l’aïeul des rois de l’Irâk, l’a dévastée. Actuellement ses mosquées, ses collèges et ses marchés sont ruinés, à l’exception d’un petit nombre. Ses habitants sont méprisés ». Après une longue digression sur les luttes intestines des dynasties mongoles dans la région, Ibn Battûta poursuit, « Lorsque j’eus fait mes adieux au sultan Thermachîrîn, je me dirigeai vers la ville de Samarkand, une des plus grandes, des plus belles et des plus magnifiques cités du monde. Elle est bâtie sur le bord d’une rivière nommée rivière des Foulons, et couverte de machines hydrauliques, qui arrosent des jardins. »3 La ville est l'ombre de sa splendeur passée : « Il y avait aussi sur le bord du fleuve des palais considérables et des monuments qui annonçaient l’élévation de l’esprit des habitants de Samarkand. La plupart sont ruinés, et une grande partie de la ville a été aussi dévastée. Elle n’a ni muraille ni portes. »3 Il poursuit vers Termez qui a subi le même sort que Samarcande de la part des armées de Gengis Khan.

« Nous passâmes ensuite le fleuve Djeïhoûn, pour entrer dans le Khorassan, et, à compter de notre départ de Termez et du passage du fleuve, nous marchâmes un jour et demi, dans un désert et des sables où il n’y a aucune habitation, jusqu’à la ville de Balkh. »3 Il poursuit ensuite vers Hérat, « la plus grande des cités encore florissantes dans le Khorassan ». qu'il quitte pour Sarakhs via Torbat-e Jam puis Tus, patrie du célèbre imam Al-Ghazali d’où il poursuit, pieux musulman, vers le tombeau d’Ali ar-Rida à Mashhad. À Nichapur, Battuta est sous le charme de cette ville « appelée le Petit Damas, à cause de la quantité de ses fruits, de ses jardins et de ses eaux, ainsi qu’à cause de sa beauté. Quatre canaux la traversent, et ses marchés sont beaux et vastes. Sa mosquée, admirable, est située au milieu du marché, et touche à quatre collèges, arrosés par une eau abondante et habités par beaucoup d’étudiants qui apprennent la jurisprudence et la manière de lire le Coran. »

De là, il rejoint Pervan puis Ghaznah, capitale du sultan belliqueux Mahmoûd, fils de Subuktigîn. Il traverse ensuite le désert du Cholistan, « qui s’étend l’espace de quinze journées de marche (…), par la grâce de Dieu, notre caravane arriva saine et sauve à Bendj Ab, c’est-à-dire au fleuve du Sindh (…), à la fin de dhou al-Hijja, et nous vîmes briller cette même nuit la nouvelle lune de mouharram de l’année 7344. »
L'épopée indienne du long voyage d'Ibn Battûta peut commencer.

L'Inde

La description de l’Inde constitue la partie centrale des Voyages d’Ibn Battûta, aussi bien par son volume — elle couvre presque le tiers de l’ensemble de l’ouvrage — que par les informations. Dans la partie centrale de son récit indien, notre voyageur se transforme en historien et chroniqueur de sultanat de Delhi durant la domination de Muhammad bin-Tughlûq.

Les Maldives, Ceylan et le Bengale

Le sultan de Delhi, Fîrûz Shâh Tughlûq envoie une ambassade à l'empereur de Chine Togoontomor, ambassade à laquelle se joint Ibn Battuta. Mais suite aux aléas de la mer ce fut un désastre, la plupart des présents offerts par Tughluk (cent chevaux arabes, toiles, or, esclaves…) ainsi que les ambassadeurs disparurent sous l'eau. Ibn Battuta est l'un des rares survivants, il craint la colère du sultan de Delhi et décide donc de partir aux Maldives. Dans ces îles il devient cadi (juge), puis il se marie avec plusieurs filles de vizirs. Cela va faire croire au vizir Abd Allah qu'il recherche des alliances politiques pour prendre le pouvoir. Il est donc « invité » à quitter les îles. Il laisse derrière lui plusieurs femmes et un garçon.

Sa prochaine destination est Ceylan (l'actuelle Sri Lanka). Il veut visiter la deuxième montagne de cette île, le pic d'Adan (2 243 m). Ce pic possède une trace sculptée sur un rocher : pour les chrétiens c'est le pied de saint Thomas, pour les musulmans celui d'Adam. Ainsi, ce voyage fut pour Battuta une sorte de pèlerinage.

De retour sur le sous-continent indien, il est dépouillé par des pirates hindous de tous les cadeaux que lui avait offert le sultan idolâtre du Ceylan, Airy Chacarouaty (perles, pierres précieuses, esclaves…). Arrivé au Bengale, il se retrouve pris dans une révolte dirigée par les sultans de cette région contre le sultanat de Delhi. Battuta décide de s'en aller au plus vite pour ne pas éveiller des soupçons auprès de la cour de Delhi. Il se dirige donc vers la Chine pour tenter d'expliquer à son empereur le tragique incident déjà énoncé supra 5

Sumatra et la Chine

En 1346, Ibn Battûta aborde Samudra, capitale du sultanat de Pasai dans le nord de l'île indonésienne de Sumatra.

La même année, Ibn Battuta fait voile vers la Chine6 de la dynastie Yuan. Il s'étonne, comme Marco Polo avant lui, de l'avancée de la civilisation chinoise. La houille est une nouveauté : « Tous les habitants de la Chine et du Khitha emploient comme charbon une terre ayant la consistance ainsi que la couleur de l’argile de notre pays. On la transporte au moyen des éléphants, on la coupe en morceaux de la grosseur ordinaire de ceux du charbon chez nous, et l’on y met le feu. Cette terre brûle à la manière du charbon, et donne même une plus forte chaleur. »5 Le billets de banque provoque sa surprise : « Ils [les Chinois] vendent et ils achètent au moyen de morceaux de papier, dont chacun est aussi large que la paume de la main, et porte la marque ou le sceau du sultan »5. La porcelaine de Chine ne lui est pas inconnue : il note qu'elle est meilleur marché que la poterie dans son pays et il décrit son processus de production : « On ne fabrique pas en Chine de porcelaine, si ce n’est dans le villes de Zeïtoûn7 et de Sîn-calân. Elle est faite au moyen d’une terre tirée des montagnes qui se trouvent dans ces districts »5. À Khansâ8, la laque provoque son envie : « il y a les plats ou assiettes, qu’on appelle dest ; elles sont faites avec des roseaux, dont les fragments sont réunis ensemble d’une manière admirable ; on les enduit d’une couche de couleur ou vernis rouge et brillant. Ces assiettes sont au nombre de dix, l’une placée dans le creux de l’autre ; et telle est leur finesse que celui qui les voit les prend pour une seule assiette. Elles sont pourvues d’un couvercle, qui les renferme toutes. On fait aussi de grands plats, avec les mêmes roseaux. Au nombre de leurs propriétés admirables sont celles-ci : qu’ils peuvent tomber de très haut sans se casser ; que l’on s’en sert pour les mets chauds, sans que leur couleur en soit altérée, et sans qu’elle se perde. »5

Les Yuan ont mis en place un État policier (dont Marco Polo avant Ibn Battuta notait la cruauté) : « On m’a assuré que l’empereur avait donné l’ordre aux peintres de faire notre portrait ; ceux-ci se rendirent au château pendant que nous y étions ; qu’ils se mirent à nous considérer et à nous peindre, sans que nous nous en fussions aperçus. C’est, au reste, une habitude établie chez les Chinois de faire le portrait de quiconque passe dans leur pays. La chose va si loin chez eux à ce propos que, s’il arrive qu’un étranger commette quelque action qui le force à fuir de la Chine, ils expédient son portrait dans les différentes provinces, en sorte qu’on fait des recherches, et en quelque lieu que l’on trouve celui qui ressemble à cette image, on le saisit. »5 Plus surprenant, pour notre voyageur, est l'administration tatillonne et efficace dans son contrôle des échanges avec le monde extérieur : « Ils ordonnent ensuite [après le décompte des personnes] au patron du bâtiment de leur dicter en détail tout ce que la jonque contient en fait de marchandises, qu’elles soient de peu de valeur ou d’un prix considérable. Alors tout le monde débarque, et les gardiens de la douane siègent pour passer l’inspection de ce que l’on a avec soi. S’ils découvrent quelque chose qu’on leur ait caché, la jonque et tout ce qu’elle contient deviennent propriété du fisc. »5

Retour au pays

Ibn Battuta quitte la Chine, il reste deux mois à Samudra (octobre-novembre 1346) et repart pour l’Inde qu'il quitte rapidement pour Zhafar, au sud de l’Arabie, dans la deuxième quinzaine du mois d’avril 1347. Il passe en territoire iranien et traverse la province de Lar pour arriver à Shiraz. Janvier 1348 le voit à Bagdad d'où il repart pour Damas.

La peste noire s'est déclarée. Le chroniqueur raconte : « dans les premiers jours du mois de rabî’ premier de l’année 749 de l’hégire9, la nouvelle nous parvint à Alep que la peste s’était déclarée à Gaza, et que le nombre des morts, en un seul jour, y avait dépassé le chiffre de mille. Or je retournai à Homs, et trouvai que l’épidémie y était ; le jour de mon arrivée il y mourut trois cents personnes environ. Je partis pour Damas (…) le nombre des morts y avait atteint deux mille quatre cents dans un jour. »

Ibn Battûta arrive au Caire au cours du règne (1347-1351) du malik baharite Nasir Hasan et repart aussitôt pour La Mecque afin d’accomplir un dernier pèlerinage. De là, il retourne au Caire au début de l’année 1349 et rentre dans son pays ayant appris, comme il le dit, que « notre maître, le commandeur des croyants, le défenseur de la religion, celui qui met sa confiance dans le Maître des mondes, je veux dire Aboû ’Inân (que le Dieu très haut le protège !), avait, avec le secours divin, réuni les choses dispersées, ou réparé les malheurs de la dynastie mérinite et délivré par sa bénédiction les pays du Maghreb du danger dans lequel ils s’étaient trouvés »5, louange assez peu exacte et très courtisane : la réunion du Maghreb est l'œuvre du père d'Aboû ’Inân que celui-ci vient de chasser du pouvoir.

L'Andalousie

Après quelque temps passés à Tanger, Ibn Battûta repart en voyage vers al-Andalus – l'Espagne musulmane. Alphonse XI de Castille menaçant d'envahir Gibraltar, Ibn Battûta rejoint un groupe de musulmans de Tanger avec l'intention de se battre pour défendre ce port. Par chance pour eux, la peste noire avait tué le roi peu avant leur arrivée (en mai 1350) et Ibn Battûta peut alors voyager en sécurité. Il visite le royaume de Valence et termine son périple à Grenade.

Quittant l'Espagne, il décide de visiter son Maroc natal. Il s'arrête à Marrakech, alors presque une ville fantôme, suite à l'épidémie de peste et poursuit vers Fès, la capitale du royaume des Mérinides, et par ailleurs siège de la Quaraouiyine, l'un des plus importants centre du savoir de l'époque, pour finir son périple dans sa bonne ville de Tanger.

L'or de l'Empire du Mali

Deux ans avant sa première visite au Caire, le mansa de l'Empire du Mali, Kouta Moussa, était passé par la ville en direction de la Mecque pour accomplir son hajj et avait fortement impressionné la population par l'opulence de son apanage. L'Afrique de l'Ouest était riche en or et cette richesse était une découverte pour le monde musulman. Quand bien même il n'y fait pas explicitement référence, Ibn Battûta avait dû en entendre parler et cela a sans doute motivé sa décision de voyager en Afrique subsaharienne aux marges occidentales du monde musulman et du Sahara.

En 1352, il quitte une nouvelle fois le Maroc pour atteindre la ville frontière de Sijilmasa qu'il quitte à son tour avec les caravanes d'hiver quelques mois plus tard. Il atteint la ville saharienne de Teghazza, alors un centre important du commerce du sel, enrichie par l'or du Mali mais qui ne fait pas grande impression sur notre voyageur. Huit cent kilomètres au travers de la partie la plus hostile du Sahara, et le voici à Walata. De là, il poursuit en direction sud-ouest, le long de ce qu'il croit être le Nil mais qui est le Niger, pour enfin atteindre Gao, la capitale de l'Empire du Mali. Mansa Souleymane, qui règne sur l'Empire depuis 1341, le reçoit chichement mais Ibn Battûta reste cependant huit mois avant de reprendre la route jusqu'à Tombouctou, alors une petite ville sans importance, sans commune mesure avec ce qu'elle deviendra dans les décennies suivantes. Il la quitte pour retraverser le désert et rejoindre son Maroc natal, où il finit une vie, enfin sédentaire et paisible, selon toutes probabilités au service du sultan.

Notes et références

1↑ 17 rajab 703
2↑ Ross E. Dunn, The Adventures of Ibn Battuta - A Muslim Traveler of the 14th Century, University of California, 2004 ISBN 0-520-24385-4.
3↑ a, b, c, d, e, f et g Ibn Battuta (trad. C.Defremery, B.R. Sanguinetti), Voyages, vol. 2 : De La Mecque aux steppes russes, 1858.
4↑ Soit le 12 septembre 1333
5↑ a, b, c, d, e, f, g et h Ibn Battuta (trad. C.Defremery, B.R. Sanguinetti), Voyages, vol. 3 : Inde, Extrême Orient, Espagne, Soudan, 1858
6↑ Plusieurs auteurs ont mis en doute le voyage d’Ibn Battûta en Chine. Le préfacier de l'édition de 1982 note : « De même, on n’a aucune raison, de mettre en doute le séjour de notre auteur à Zaitun, l’actuelle Quanzhou, grand port du commerce chinois avec l’Occident. Un des personnages cités dans le texte, le cheikh Burhan al-din, se retrouve dans les chroniques chinoises, et l’origine persane des autres personnes rencontrées concorde avec la présence d’une forte colonie iranienne dans cette ville. C’est surtout au-delà de Quanzhou que les problèmes se posent. »
7↑ L'actuelle Quanzhou, c'est la Çaiton de Marco Polo, aboutissement et point de départ du commerce maritime avec l’océan Indien
8↑ Hangzhou, la Quinsai de Marco Polo, de King-tsai (« résidence temporaire »), capitale des Song de 1132 à 1276, la plus grande ville chinoise de l’époque avec Pékin.
9↑ Début juin 1348.

Sources bibliographiques

Ibn Battûta (trad. C. Defremery et B. R. Sanguinetti (1858)), Voyages, De l’Afrique du Nord à La Mecque, vol. I, François Maspero, coll. « La Découverte », Paris, 1982, (format .pdf) 398 p. (ISBN 2-7071-1302-6).
Introduction et notes de Stéphane Yerasimov

Ibn Battûta, Voyages, De la Mecque aux steppes russes, vol. II, (format .pdf) 392 p. (ISBN 2-7071-1303-4)

Ibn Battûta, Voyages, Inde, Extrême-Orient, Espagne & Soudan, vol. III, (format .pdf) 381 p. (ISBN 2-7071-1304-2)

Ibn Fadlan, Ibn Jubayr, Ibn Battûta (trad. Paule Charles-Dominique), Voyageurs arabes, Gallimard, coll. « La Pléiade », Paris, 1995, 1412 p. (ISBN 2-07-011469-4), « Ibn Battûta. Voyages et périples »

Patrick Merienne, Atlas des explorations et des découvertes, Ouest-France, Rennes, 2005
(en) Ross E. Dunn, The Adventures of Ibn Battuta- A Muslim Traveler of the 14th Century, University of California, 2004 (ISBN 0520243854)

Patrick Merienne, Atlas des explorations et des découvertes, Ouest-France, Rennes, 2005

(en) Ross E. Dunn, The Adventures of Ibn Battuta- A Muslim Traveler of the 14th Century, University of California, 2004 (ISBN 0520243854)


Source: http://fr.wikipedia.org

mercredi 22 septembre 2010

Le jeûne des six jours du mois de chawal

Le jeûne des six jours du mois de chawal

Salam alaikoum cheres freres et soeurs,

 il est toujours temps pour ce qui le souhaite de pratiquer cette tradition du Prophete (saws) insha'Allah.


D'après abou Ayoub al Ançari (Qu'Allah l'agrée), le Messager d'Allah (Paix et bénédiction d'Allah sur lui) a dit :

« Celui qui jeûne le mois de Ramadhan puis le fait suivre de six jours du mois de Chawal, son jeûne est considéré comme étant un jeûne continuel (c.à.d sur toute l'année). »

L'interdiction de l'orgueil et de la vanité

L'interdiction de l'orgueil et de la vanité
 
Dieu (le Très-Haut) a dit :

"Cette Demeure dernière, Nous la réservons à ceux qui ne recherchent, ni à s’élever sur terre, ni à y semer ma corruption. Cependant, l’heureuse fin appartient aux pieux.
Quiconque viendra avec le bien, aura meilleur que cela encore ; et quiconque viendra avec le mal, (qu’il sache que) ceux qui commettront des méfaits ne seront rétribués que selon ce qu’ils ont commis."

Sourate 28, 83

 "Ne marche pas sur terre plein de suffisance".

Sourate 17, 37

"Ne sois pas d'un abord difficile (m.à.m.: n'éloigne point ta joue des gens), ne marche pas sur terre très content de toi-même, Dieu n'aime certainement pas tout être plein de suffisance et de vantardise"

Sourate 31, 18

Quant aux hâdîths :

612. Selon 'Abdoullâh Ibn Mas'oûd (que Dieu l'agrée), le Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "N'entrera pas au Paradis celui qui a dans son cœur le poids d'un atome d'orgueil". Quelqu'un dit : "On aime pourtant avoir un bel habit et de belles chaussures".
Il dit : "Dieu est beau et Il aime la beauté. L'orgueil c'est le fait de ne pas accepter une vérité venant des autres et de les mépriser". (Mouslim)

613. Selon Salama Ibn Al-Akwa' (que Dieu l'agrée), quelqu'un mangea chez le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) avec la main gauche.
Il lui dit : "Mange avec ta main droite!"
L'homme dit : "Je ne le peux pas".
Il dit : "Puisses-tu ne jamais le pouvoir!"
Seul son orgueil l'en empêche en effet.
Salma dit : "Il ne porta plus sa main droite à sa bouche". (Mouslim)

614.Hàritha Ibn Wahb (que Dieu l'agrée) a dit : "J'ai entendu le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) dire : "Voulez-vous que je vous dise qui sont les gens de l'Enfer? Ce sont tout butor, avide de richesse, avare et orgueilleux". (Al-Boukhâri, Mouslim)

615. Selon Abou Sa'îd Al-Khoudri (que Dieu l'agrée), le Prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Le Paradis et l'Enfer voulurent se prouver l'un à l'autre leur supériorité. L'Enfer dit : "C'est chez moi que se trouvent les tyrans et les orgueilleux". Le Paradis répliqua : "C'est chez moi que se trouvent les faibles et les miséreux". Dieu arbitra alors entre eux : "Tu es, toi Paradis, Ma miséricorde que Je donne à qui Je veux et toi, Enfer, tu es Mes tourments auxquels Je soumets qui Je veux. Je m'engage à assurer son plein à chacun de vous deux"". (Mouslim)

616. Selon Abou Hourayra (que Dieu l'agrée), le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Dieu ne regarde pas le jour de la résurrection celui qui laissait traîner son manteau pour écraser les autres de son opulence". (Al-Boukhâri, Mouslim)

617. Selon lui encore, le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Trois individus Dieu ne leur parlera pas le jour de la résurrection, ne les bénira pas et ne les regardera pas. Ils auront en outre des tourments douloureux :
1. Un vieillard fornicateur.
2. Un roi menteur.
3. Un pauvre plein d'orgueil". (Mouslim)

618. Encore selon lui, le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Dieu (le Très-Haut) a dit : "La fierté est Mon pagne et l'orgueil est Mon manteau. Celui qui veut Me disputer l'un d'eux, Je l'assure déjà des tourments qui l'attendent"". (Mouslim)

619. Toujours selon lui, le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Alors que quelqu'un marchait dans sa belle parure, très fier de lui-même, les cheveux bien peignés, se pavanant dans sa démarche, voilà que Dieu ouvrit la terre sous ses pieds et il ne cesse depuis de descendre au fond de la terre jusqu'au jour de la résurrection". (Al-Boukhâri, Mouslim)

620. Selon Salama Ibn Al-Akwa' (que Dieu l'agrée), le Messager de Dieu (paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : "Tant l'homme se laisse aller à sa prétention qu'il est inscrit parmi les violents et les orgueilleux et il est alors atteint par les tourments qui les frappent". (At-Tirmidhi)

Source: L'Imam Nawawi, Les jardins des vertueux, chapître 72.

mercredi 15 septembre 2010

Le Mémorial des Saints (Tadhkirat al-Owliâ’)

Le Mémorial des Saints (Tadhkirat al-Owliâ’)

Hoda Sadough 

Pendant des siècles, Le Mémorial des Saints (تذکرة الاولیاء) de Farid ad-Din ’Attâr (1142-1230) a joui d’une réputation sans précédent parmi les Perses. Cette légende dorée musulmane du XIIIe siècle retrace les paroles et les prodiges de célèbres soufis. Le contenu de cet ouvrage ne se limite guère à la littérature mystique perse mais inclut également certains aspects de la littérature mystique turque. Cet œuvre offre un aperçu exhaustif du développement intellectuel et spirituel de la mystique musulmane mais ne peut pour autant être considéré comme une source historique fiable des faits concernant le développement du soufisme dans le monde islamique oriental. Il est de fait plus prudent de le concevoir comme une source valable pour la compréhension du rapport entre la narration islamique médiévale et le rôle du soufisme et surtout des récits hagiographiques dans l’éducation spirituelle, culturelle et morale au sein de la population iranienne d’avant et après l’invasion mongole au XIIIe siècle.

Lorsque l’on aborde la tradition du soufisme dans le Mémorial des Saints, on évoque souvent deux tendances principales observées dans le domaine de l’hagiographie soufie : la première tend à concevoir les saints comme faisant autorité dans les domaines de l’éthique et de la spiritualité. Les paroles des saints sont ainsi considérées comme une extension du rôle des hadiths du prophète Mohammad qui étaient la source principale de toute formation éthique et spirituelle.

Les prédécesseurs de ’Attâr tels que Al-Sulami (412-1021) et Al-Qushayri (465-1075) organisaient leurs hagiographies selon le modèle du recueil des hadiths du prophète. A chaque anecdote était annexé le détail de la chaîne des témoins ou des personnes l’ayant transmise oralement. Ce procédé fut très importent dans le développement du soufisme car les croyances et les pratiques de cette tradition étaient ainsi renvoyées et associées à la source indiscutable de la tradition islamique comprenant les paroles et les pratiques du Prophète, des douze Imâms, des quatre califes reconnus par le sunnisme et enfin les compagnons du prophète.

La deuxième tendance, celle dans laquelle s’inscrit ’Attâr, est davantage axée sur une approche littéraire qui tend à faire de la biographie des saints des récits à la fois édifiants et divertissants. Loin de chercher à retracer la lignée et la biographie précise de certains saints, entreprise déjà accomplie par ses prédécesseurs, ’Attâr souhaitait plutôt de mettre en valeur leurs qualités et leurs prodiges en exposant certains événements significatifs de leur vie sous forme d’une narration marquant les esprits.

Le style animé et l’ironie des récits montrent que ’Attâr cherchait principalement à relater ses contes de manière à captiver la classe populaire de son temps ainsi qu’à attirer leur attention sur la vie de ces saints.

La notion de miracle ou de prodige (karâma) occupe une place importante dans Le Mémorial des Saints. Le pouvoir miraculeux et les prodiges accomplis par des saints constituent ainsi l’objet d’un grand nombre de récits et crée un état d’esprit dans lequel les lecteurs sont sujets à une influence spirituelle. ’Attâr semblerait ici avoir eu pour but d’élaborer un guide pour l’édification des masses, ce qui semble être confirmé par le style de cet ouvrage qui s’adresse plus particulièrement à la couche populaire qu’à l’élite de l’époque.

L’accès à la spiritualité de l’islam peut se réaliser par diverses voies. Depuis son apparition, le soufisme a déployé deux approches différentes voire contradictoires en ce qui concerne la quête ultime de la ma’rifa (la connaissance accordée par Dieu opposée à la connaissance acquise par l’effort individuel et spéculatif) : on peut ainsi distinguer le soufisme dit "sobre" de la mystique dite "de l’ivresse". Selon Al-Qusayri, la sobriété (sahv) est le retour de l’individu à son état de conscience individuelle après son extinction en Dieu, l’ivresse étant une forme d’absence à soi-même et à son "moi" individuel. [1]

Mansour al-Hallâj et Junayd al-Baghdâdi sont respectivement les prototypes de la mystique extatique de l’ivresse et du soufisme sobre. A l’instar de Hallâj, Bâyazid Bastâmi est également une figure importante de la mystique de l’ivresse. La présentation de la vie et des actes de ces trois piliers du soufisme occupent une place importante dans le Mémorial des Saints. Dans cet ouvrage, ’Attâr met ainsi en évidence ces deux "voies" du soufisme qui, à l’époque de la composition de son œuvre, s’étaient largement répandues. ’Attâr aspire à la fois à célébrer la mystique de l’ivresse ainsi que ses inspirateurs tout en bordant également ses rapports avec la loi et la jurisprudence islamiques, ainsi que d’autres sciences traditionnelles de l’islam.
Junayd al-Baghdâdi

Abou al-Qâsim al-Junayd al-Baghdâdi est l’un des personnages les plus influents de la tradition soufie. Son nom apparaît de façon récurrente dans les hagiographies soufies où il est cité soit comme transmetteur d’anecdotes soit comme figure emblématique du soufisme. Cependant, ’Attâr semble lui réserver un rang inférieur à celui de Hallâj, sous-entendant sa préférence pour la mystique de l’ivresse par rapport à la mystique "sobre". Cet aspect apparaît notamment dans une anecdote relatant une querelle entre Junayd et un adepte de la mystique extatique sur les concepts fondamentaux du soufisme, et qui s’achève finalement en faveur de ce dernier.

Dans le Mémorial des Saints, Junayd est le narrateur à la première personne des cinq événements importants de la vie de Sari Saqati. Sari, oncle maternel et maître de Junayd, est considéré comme le fondateur de l’école soufie de Bagdad qui s’est largement distinguée des autres écoles (notamment celles de la Syrie et du Khorâssân) par son insistance sur la notion de l’unicité divine (tawhid). Dans l’épisode consacré à la sentence de Sari Saqati, Junayd rapporte :

"Sari Saqati abandonna tout son bien aux derviches et aux pauvres pour plaire au Seigneur très Haut et, se consacrant entièrement aux œuvres de piété et vivant dans une grande austérité, il servit Dieu. Durant quatre-vingt-dix-huit ans jamais il n’appuya ses reins contre terre, excepté lorsqu’il était malade et couché. Quarante ans de suite, son cœur désira le miel sans qu’il consentît à satisfaire ce désir charnel." [2]

Une autre anecdote rapportée par Junayd nous permet de mieux délimiter les limites de la mystique sobre par rapport à la mystique de l’ivresse. Il s’agit d’une discussion entre Sari et Junayd sur le sujet de l’amour :

"Junayd raconte qu’un jour Sari l’avait interrogé sur l’amour (mahabba). Il avait répondu : "Certains disent que c’est un accord (mouwâfaqa), d’autres pensent que c’est un asservissement (isâra) et beaucoup d’autres l’ont définit autrement." Sari saisit alors la peau de sa main et tenta de l’arracher sans succès. Sari dit alors : "L’amour, c’est la force qui attache cette peau asséchée à ma main. Il s’évanouit aussitôt et son visage pâlit."

Alors que Junayd énumère plusieurs définitions lexiques du terme "mahabba" qui n’est qu’une vaine tentative de définir un mot par d’autres mots, Sari fait connaître l’essence de l’amour, à travers le miracle de la résistance de sa peau. Junayd conçoit la conception de l’amour au sens intellectuel tandis que pour Sari, il s’agit avant tout d’une expérience indicible de l’âme.

Les mémoires de Junayd peuvent être conçus comme une source de référence de valeur de la mystique sobre. Son approche mystique se reflète non seulement dans le contenu de sa narration, mais aussi par l’ensemble des maximes concernant les notions fondamentales du soufisme et de l’islam en général qu’il présente. Le Mémorial des Saints semble confirmer cet aspect en indiquant que Junayd était la source de nombreux adages.

Interrogé par Hallâj sur la sobriété et l’ivresse, Junayd aborde directement ce thème en répondant : "O fils de Mansour ! Tu as tort. Il n’existe pas de désaccord entre la sobriété et l’ivresse car la sobriété n’est qu’un mode d’expression de la purification de l’esprit par Dieu."

A la fin de ce dialogue, Junayd critique sévèrement Hallâj : "Tes propos ne sont que balivernes et énoncés insignifiants." [3]
Bâyazid : symbole de la mystique ivre

Le récit consacré à la vie d’Abou Yazid al-Bastâmi est le plus long du Mémorial des Saints. Outre les événements miraculeux et les discours extatiques qu’il relate, le Mémorial des Saints fait un récit détaillé de l’ascension mystique de Bâyazid. L’introduction qui lui est consacré l’élève à un rang bien plus élevé que celui des autres personnages du livre.

"C’était un grand docteur dont l’ascèse et les miracles dépassaient toutes les limites. N’ayant pas son pareil dans la doctrine, il s’était laissé embrasser par le feu de l’amour divin. Dans la science de la vie spirituelle, il était accompli et défiait toute rivalité, à tel point que Sheikh Junayd disait de lui : "Bâyazid, au milieu de nous, est comme Djibrâ’il (Gabriel), sur lui soit le salut, au milieu des anges." [4]

La mystique ivre de la tradition soufie est marquée par des paroles et pratiques qui peuvent paraître aux non-initiés comme blâmables et même blasphématoires. Bâyazid, adorateur ivre de Dieu, est l’exemple par excellence des vertus fondamentales du soufisme telles que la compassion, l’humilité, la gratitude et l’adoration. Dans le Mémorial des Saints, l’intensité avec laquelle il est décrit est telle qu’elle en éclipse presque le mysticisme et la sobriété de Junayd.

Bibliographie :
Al-Qusayri, Tarjomeh-ye Resâleh-ye Qusayriyeh, ed. B. Furuzanfar, 1967.
’Attâr, Farid ad-Din, Le Mémorial des Saints, traduction française, Seuil, 1976.
’Attâr, Farid ad-Din, Tadhkirat al-Owliâ’, M. Isti’lâmi, ed. Zavvâr, Téhéran, 2005 (1383).
Stuart, Harry N., "Sufism, Godliness and Popular Islamic Storytelling in Farid al-Din Attar’s Tadkiraty’l awlia", Ch. 3 : Drunken v.s Sober Sufism : Junayd and Bayazid as Archetypes in Tadkiratu’l awlia, Dissertation for the degree of PhD of philosophy, University of California, Berkeley, 2007.

Notes
[1] Al-Qusayri, Tarjomeh-ye Resâleh-ye Qusayriyeh, ed. B. Furuzanfar, 1967, p. 112.

[2] ’Attâr, Farid ad-Din, Le Mémorial des Saints, traduction française, Seuil, 1976, p. 239.

[3] ’Attâr, Farid ad-Din, Tadhkirat al-Owliâ’, M. Isti’lâmi, ed. Zavvâr, Téhéran, 2005 (1383), pp. 369-370.

[4] ’Attâr, Farid ad-Din, Le Mémorial des Saints, traduction française, Seuil, 1976, pp. 154-155.

Source: www.teheran.ir
 

samedi 11 septembre 2010

Le miswak

Le miswak

Par le Dr.Ragaii El-Mostehy, le Dr.A.A.Al-Jassem, le Dr.I.A.Al-Yassin, le Dr.A.R.El-Gindy et le Dr E.Shoukry Koweit

De nombreuses mesures d'hygiène buccale ont été employées depuis la nuit des temps. Ceci a été confirmé par différentes recherches effectuées partout dans le monde, lors desquelles on a pu retrouver cure-dents, bâtons à mâcher, ramilles, bandes de tissu, plumes d'oiseaux, os d'animaux et piquants de porc-épics.

Les substances d'origine végétale sont des petits bâtons savoureux, et, bien que primitives, elles furent une étape de transition vers la brosse à dent moderne. Il a été établi qu'environ dix-sept plantes ont pu être recensées comme source naturelle pour plusieurs de ces méthodes d'hygiène buccale.

Les bâtons les plus utilisés depuis les temps les plus anciens sont les bâtons de Siwak ou Miswak. On obtient ce bâton à partir d'une plante appelée Salvadora Persica qui pousse autour de La Mecque et au Moyen-Orient de manière générale. Le Siwak est largement utilisé chez les musulmans après que le prophète Mohammed (sws) ait réalisé sa valeur comme moyen à utiliser par les musulmans pour se nettoyer les dents. A cet égard notre prophète (sws) est considéré comme le premier éducateur en véritable hygiène bucco-dentaire.

Bien qu'il ne soit pas fait mention de l'utilisation du Siwak dans le Coran, on peut lire plusieurs références à celui-ci dans le recueil des paroles de Mohammed (sws). Pour ce qui est des avantages du Siwak pour la propreté buccale, un de ces dires est le suivant : « SI CELA NE REPRESENTAIT PAS UN FARDEAU TROP IMPORTANT POUR LES CROYANTS, JE VOUS ORDONNERAIS D'UTILISER LE SIWAK AVANT CHAQUE PRIERE »

Plusieurs anecdotes, incidents, poèmes et règles d'éthique se référant à l'utilisation du Siwak ont été mentionnés dans différentes références parlant de la propreté buccale.

Salvadora Persica est en fait une petit arbuste ou arbrisseau au tronc tortueux, d'un diamètre excédant rarement 30 cm, à l'écorce rugueuse et tortueuse, blanchâtre et aux extrémités pendantes. L'écorce de cette racine est marron clair et les surfaces à l'intérieur sont blanches, elle a l'odeur du cresson et un gôut chaud et âcre. Chimiquement, l'écorce de la tige séchée de Salvadora Persica a subi un procédé d'extraction par 80% d'alcool puis par de l'ether et est passée par différentes procédures chimiques complètes.

Celles-ci ont montré qu'elle était composée de

1- Triméthylamine

2- Un alcaloïde qui peut être de la salvadorine

3- Des chlorides

4- Des taux élevés de fluoride et de silice

5- Du soufre

6- De la vitamine C

7- De faibles quantités de tannins, de saponins, de pentanolides et de stérols

-OBJECTIFS DE LA PRESENTE ENQUETE :

Du fait de la grande qualité de propreté buccale observée chez les individus qui emploient le Siwak comme unique moyen de se brosser les dents et du fait de la faible fréquence de caries dentaires de ces individus, nous avons entrepris cette étude.

Elle a pour but d'étudier les points suivants :

1- La capacité d'action mécanique du Siwak en tant qu'outil de nettoyage de la bouche et sa capacité à débarasser la bouche de la plaque bactérienne (aggrégats nocifs pour la gencive)

2- Si le Siwak est réduit en poudre et utilisé sur une brosse à dents, peut-il être efficace pour l'hygiène buccale ?

3- Comparé à d'autres dentifrices en poudre fortement abrasifs, le Siwak peut-il compter parmi les produits très efficaces pour ce qui est des substances utilisées ?

-DISCUSSION :

L'hygiène buccale et la motivation des patients pour avoir une bouche propre tirent leur origine dans les paroles de Mohammed (sws). Du fait de l'usage répété du Siwak pendant la journée, ses utilisateurs ont montré un niveau inhabituellement élevé de propreté buccale. C'est un fait bien connu que la plaque dentaire formée part immédiatement après un brossage de dents méticuleux. Au bout de 24 heures cette plaque dentaire a déjà bien avancé sa maturation et commence alors ses effets de dégradation sur la gencive.

Une hygiène buccale adéquate devrait être maintenue grâce à des instructions intensives de la part du parodontiste ainsi que grâce au temps passé par le patient à se brosser les dents et à sa dextérité. Ces points sont corrigés par les musulmans eux-mêmes car les utilisateurs de Siwak le considèrent comme un rituel faisant partie de leurs prescriptions religieuses.

Les résultats obtenus lors de cette enquête ont prouvé que le Siwak, ainsi que d'autres ramilles d'arbres, pouvait être un outil efficace pour enlever les dépôts dentaires mous. Il peut même être employé comme moyen efficace dans les programmes de prévention dentaire pour le grand public. Les indicateurs utilisés dans ces enquêtes étaient simples et appropriés car ils discriminaient les étapes expérimentales ainsi que les groupes expérimentaux.

L'emploi de l'amidon n'est pas très précis mais il avait pour but d'évaluer le degré avec lequel le Siwak et le Siwak en poudre pouvaient débarasser les dents des dépôts en comparaison avec les meilleurs moyens abrasifs, à savoir les dentifrices du commerce.

Il a été constaté que la différence de taux de plaque dentaire entre la 1ère et la 5ème semaine pour le Siwak en poudre est la plus élevée en pourcentage (-11,2%) de toutes celles relevées. Ceci indique que le Siwak en poudre employé avec un moyen mécanique approprié à savoir une brosse à dents donnera une qualité élevée de propreté buccale.

Il a été rapporté que la Salvadora Persica contenait des substances possédant des propriétés anti-bactériennes. D'autres de ses composants sont astringents, détersifs et abrasifs. Ces propriétés encouragent certains laboratoires qui fabriquent des dentifrices à incorporer des substances de sa tige et/ou de ses racines dans leurs produits (Beckenham UK Sarakan Ltd).

Bien que la poudre que l'on trouve dans le commerce soit très efficace pour faire partir la plaque dentaire, son utilisation sur la durée de notre expérience a cependant montré un fort pourcentage de gingivites dans le groupe qui utilisait la poudre du commerce (dentifrice). Il est vrai que l'éradication de la plaque dentaire est essentielle mais cela ne doit pas se faire au détriment des autres tissus qui en subissent les effets secondaires.

Nous pouvons conclure que le Siwak et le Siwak en poudre sont des outils excellents pour l'hygiène buccale. Etant aisément disponible dans cette partie du monde, peu coûteux et facilement adopté par les musulmans car faisant partie de leurs prescriptions religieuses, le Siwak est fortement recommandé lors de la mise en place de programmes de prévention sur la santé bucco-dentaire dans les pays musulmans. Des recommandations devraient également être faites aux fabricants de dentifrice afin qu'ils incluent le Siwak en poudre dans un dentifrice sophistiqué aux forts pouvoirs débridants.

Source: http://www.islam-medecine.com/article128.html

 

lundi 6 septembre 2010

La zakat el fitr, règles et signification



Salam alaikoum chers freres et soeurs; j'éspere que vous avez tous passez un bon mois de Ramadan et que vous avez profitez de ces bienfaits. Un article interessant sur la zakat el fitr et un rappel pour ne pas oublier de la donner.

Question

Que la paix soit sur vous ainsi que la miséricorde de Dieu et Sa Bénédiction.

Puissiez-vous passer un mois de Ramadân heureux et béni. La fin de ce mois approche. J’ai entendu dire que le jeûne du musulman n’était pas accepté s’il n’avait pas payé l’aumône du rupture du jeûne (zakât al-fitr). Pouvez-vous nous éclairer au sujet des règles et de la signification de cette aumône ?
Réponse du Docteur Muzammil Siddîqî
[1]

« La zakât al-fitr est une aumône spécifique redevable au mois de Ramadân. Cette aumône peut être donnée à tout moment pendant le mois sacré et jusqu’à la prière de la Fête de Rupture du jeûne (`îd al-fitr). C’est la raison pour laquelle elle est appelée "aumône de rupture du jeûne. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — a ordonné aux musulmans de payer cette aumône durant le mois de Ramadân.

Les savants ont donné plusieurs raisons quant au caractère obligatoire de cette aumône. Certains affirment qu’elle constitue une aide pour les pauvres et les nécessiteux. Elle permet de prendre en charge leurs besoins pendant le mois de Ramadân et de leur donner les moyens de célébrer dignement la Fête en compagnie des autres musulmans. D’autres affirment que cette aumône a pour but d’expier les erreurs ou mauvais agissements qui ont été commis durant ce mois sacré. Ibn `Abbâs — qu’Allâh l’agrée — a dit : « Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — a institué l’aumône de rupture du jeûne pour que les jeûneurs puissent être purifiés de leurs péchés et afin de couvrir les besoins des pauvres en nourriture, vêtements, etc. Ainsi, la charité versée avant la prière de la Fête est la véritable aumône de rupture du jeûne mais s’il la retarde et la verse par la suite, il s’agira alors d’une aumône ordinaire. » [2]

L’aumône de rupture du jeûne incombe à tout musulman (capable), homme ou femme. Le chef de famille doit payer pour lui-même, pour son épouse, pour ses enfants et même pour ses serviteurs. Le montant de l’aumône de rupture du jeûne a été fixé par le Prophète — paix et bénédictions sur lui. Il équivaut à trois kilos de blé, de farine, d’orge, de dattes ou de raisins. Certains juristes ont également permis de verser de l’argent en liquide pour nourrir les pauvres et les nécessiteux. Le chef de famille doit verser ce montant pour chaque membre dépendant de lui, homme ou femme, adulte ou enfant.

Cette charité peut être donnée à tout moment pendant le mois de Ramadân, mais avant la prière de la Fête. L’aumône doit être versée aux pauvres et aux nécessiteux. Il est également possible de verser l’argent à des organisations caritatives islamiques qui se chargent de collecter des fonds. Ces organisations distribuent ensuite les fonds le plus tôt possible afin de pouvoir subvenir à temps aux besoins de ceux qui sont en droit d’en bénéficier.

[1] Dr Muzammil Siddîqî est l’ancien Président de l’Association Islamique d’Amérique du Nord et membre du Conseil de Jurisprudence d’Amérique du Nord.

[2] Hadith rapporté par Abû Dâwûd et Ibn Mâjah ; l’énoncé du hadîth tel qu’il figure en arabe dans Sunan Abî Dâwûd et Sunan Ibn Mâjah ne mentionne pas les vêtements. Ndlr.


Source: http://www.islamophile.org/spip/Regles-et-signification-de-zakat.html