vendredi 29 août 2008

Deces de l'Imam Hasan Cissé (r)

DECES DE L’IMAM HASSAN CISSE

C'est avec un peu de retard que je mets cet article sur le mais je tenais à le faire car c'est un très grand homme qui nous a quitté récement (Qu'Allah lui fasse miséricorde) ...

 DECES DE L’IMAM HASSAN CISSE : Le protecteur des enfants et de la mère s’en est allé.

Le quartier religieux de Médina Baye, à Kaolack, a refusé du monde, hier, à l’inhumation de l’imam de la grande mosquée, Cheikh Hassan Cissé. Ce grand serviteur de l’islam, un érudit hors pair qui a toujours consacré sa vie à la propagation de la Tarîkha tidjanya à travers le monde entier, était aussi connu pour son combat pour la protection de l’enfance déshéritée et des femmes. Il est décédé dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 août 2008 à l’hôpital régional El Hadji Ibrahima Niasse à l’âge de 63 ans. Un monde impressionnant de fidèles et d’adeptes de la famille Niassène a tenu à accompagner, hier, jusqu’à sa dernière demeure l’imam de la grande mosquée de Médina Baye, Cheikh Hassan Cissé. Ce dernier, après la disparition de son père en 1982, dirigeait, à partir du 9 avril de la même année, la prière en tant qu’imam de la grande mosquée de Médina Baye. Une tâche exaltante qu’il a fini d’exercer le 13 août 2008, la même nuit de son rappel à Dieu, le Tout-Puissant. Imam Cheikh Hassan Cissé ayant lui-même dirigé la prière de « Gué » (20h 45mn) avant que la mort ne frappe à sa porte aux environs de 2 heures du matin à l’hôpital régional de Kaolack, selon nos sources. La disparition de Cheikh Hassan Cissé constitue une grande perte, non seulement pour les communautés religieuses du Saloum et du Sénégal en particulier, mais aussi pour toute la Umma islamique. C’est pourquoi la ville de Kaolack a été le point de convergence de nombreux fidèles, depuis l’annonce de la triste nouvelle du décès de l’imam ratib de Médina Baye. Cheikh Hassan Cissé venait d’ailleurs de revenir au Sénégal, il y a une semaine, après un périple de 45 jours à l’extérieur du pays. Premier petit-fils de Cheikh Al Islam El hadji Ibrahima Niasse dit « Baye » (1900-1975), Hassan Cissé est né le 4 décembre 1945 à Kaolack. C’est à l’âge de 10 ans déjà qu’il mémorisa le saint Coran, avant de poursuivre ses études secondaires et de se rendre ensuite en Egypte où il obtient une licence en études islamiques et en littérature à Ain Shams. Sa solide formation universitaire sera par la suite sanctionnée par une maîtrise en philosophie, obtenue en 1974 à Oxford, doublée d’une thèse de 3e cycle en études islamiques décrochée aux Etats-Unis. Son choix en tant qu’imam de la mosquée de Médina Baye a été concrétisé le 9 avril 1982, ce qui lui a valu d’ailleurs de se placer parmi les grandes figures marquantes de la famille Niassène qui incarne la tarikha Tidjanya. C’est dans ce cadre-là que Cheikh Hassan Cissé a foulé le sol d’une grande partie de la planète : en Afrique, aux Etats-Unis, en Europe où il compte de nombreux disciples qu’il a lui-même converti à l’islam. Pour tous ceux qui l’ont connu et approché, imam Hassan Cissé était un bâtisseur de l’islam et s’investissait beaucoup dans les secteurs de l’éducation, de la santé, et également la lutte contre la pauvreté. Il a fondé l’Institut islamique africain-américain qui est devenu une organisation non gouvernementale (Ong) en 1988 et dont le but est de promouvoir l’éducation, le développement durable, la protection de l’enfant. La création du village de Kossi Atlanta, à quelques encablures de Kaolack, sur la route de Passy, relève aussi de sa belle initiative et, aujourd’hui, le village est électrifié et doté d’une mosquée et d’un forage. Et, plus récemment, le 18 juin 2008 dernier, en partenariat avec cette même Ong, imam Hassan Cissé permit au quartier religieux de Médina Baye d’être doté d’une radio sur la bande FM en fréquence 90.1. Il faut aussi ajouter à l’actif du défunt saint homme de Médina Baye l’institut islamique, doté d’une salle informatique pour les enfants avec Internet, lequel a pour objectif de lutter contre la mendicité ; la clinique « Shifa Al Asquan » pour aider les personnes démunies à accéder aux soins, mais aussi soulager les malades. Depuis avant-hier, jeudi, la mosquée de Médina Baye et ses alentours n’ont pas désemplis de monde qui a pris d’assaut tout le quartier. Ils sont venus de partout, des différents quartiers de la ville de Kaolack, des pays voisins comme la Mauritanie, la Gambie, le Nigeria. Des chants religieux fusant de partout, mais également des louanges à Dieu : « Lahilaha illala ». Les témoignages de l’homme de la rue ont été poignants, avec la tristesse qui se lisait dans les yeux de certains, surtout ceux qui ont connu et approché l’imam Hassan Cissé. Parmi eux, Cheikh Cissé Djéry. Pour lui, le marabout était un homme d’une grande dimension, qui a su consacrer tout son temps au service de l’islam, avec comme toile de fond de poursuivre et de promouvoir l’oeuvre de son grand père Baye Niasse pour qui il avait l’ambition d’accomplir la mission qu’il lui a confiée. Celle de travailler pour l’islam, l’éducation, tout en soutenant les couches les plus démunies. Il retient de l’imam Hassan Cissé le fait d’avoir été le premier à avoir, et pour la première fois, introduit l’islam aux Etats-Unies. « C’était en 1976 », se rappelle-t-il. Tous ont dit rendre grâce à Dieu qui leur avait donné un chef religieux d’une telle envergure et qu’il a repris. « Nous l’acceptons bien comme nous l’a toujours conseillé le défunt qui ne cessait de nous répéter d’accepter à chaque fois le choix du bon Dieu. Car, imam Hassan estimait toujours que quand Dieu le Tout-Puissant prend quelqu’un, il n’a fait que reprendre ce qui lui appartient », laisse entendre, Cheikh Cissé Diéry. « La vie de l’imam Hassan Cissé a été exemplaire et nous nous en glorifions tous », souligne Abdoulaye Iba Seck, communicateur traditionnel. Car, pour lui, « rien qu’à se rendre compte des réalisations de l’imam et de ses bienfaits à l’endroit des communautés les plus défavorisées, nous ne pouvons que dire que sa mission a été accomplie sur terre. Il a été un imam moderne des grands temps, un démultiplicateur de l’information en matière de santé et de l’éducation, un véritable acteur du développement. C’est donc ce grand pilier de l’islam qui nous a quittés. Ce n’est pas Medina Baye seulement qui a perdu cet homme religieux qui prêchait partout l’islam et ses bienfaits, la tolérance, la paix et la concorde ».

Mohamadou SAGNE



Source : http://www.lesoleil.sn/article.php3?id_article=38774

jeudi 21 août 2008

Le soufisme, la voie du mysticisme en islam

Le soufisme, la voie du mysticisme en islam

Longtemps connu des seuls initiés, le soufisme sort enfin ou presque de son isolement. Grâce à la présence récente d’une troupe de qawalis, venue de l’Inde, et des causeries philosophique. Le maître soufi Idris N. Mahmoud évoque la place du soufisme au sein de cette rencontre des idées humanistes.

Sheik Idris
Tout est blanc chez le cheikh Mahmoud – sauf la barbiche poivre et sel – et le kurtah. Même la grande chambre où il reçoit amis et élèves. Le blanc, synonyme de pureté. Idris Mahmoud porte le sourire en bannière, comme pour désarmer ceux qui lui cherchent la petite bête. C’est que depuis qu’il cultive le soufisme et l’offre en partage, ses convictions ne cessent d’ébranler ceux qui croient que la foi se résume à des rituels sans âme et au nombre d’édifices religieux. “Il n’y pas de confrontation entre les soufis et les autres, seulement une divergence d’appréciation”. De là à accuser ces mystiques de se prendre pour de “meilleurs” croyants, il n’y a qu’un pas…
De ses années d’enseignant, ses voyages – une trentaine de pays visités –, ses rencontres, Idris Mahmoud a conservé le goût pour les explications de fond. On comprend dès lors qu’il s’attache à l’essence, au sens caché, aux nuances. Chaque année, presque à la même période, il se rend dans le faubourg de Londres à la rencontre de ses disciples. “Je me ressource. Les voyages sont nécessaires lorsqu’on vit dans une île et qu’on veut nouer des contacts”, explique ce diplômé en études islamiques et en relations internationales, du Pakistan. Le soufisme, il l’a hérité d’un père, homme d’affaires mais aussi de ses propres convictions. Puis, il a essayé de trouver des réponses à ses interrogations pour se dépasser. Ce sera le début du voyage intérieur propre au soufisme. “On se cherche parce qu’on veut se purifier pour ensuite s’adresser aux autres. Ce n’est pas un voyage pour soi-même sinon ce serait une démarche individualiste”, précise-t-il. Lorsqu’il croise, à 26 ans, le maulana Noorani Siddiqui, il est déjà en possession des clés essentielles pour ouvrir les voies de la sagesse.
Le monde ambiant
Aujourd’hui, il s’efforce de démontrer la vanité des rituels si ceux-ci ne permettent pas aux individus de se libérer du monde matériel pour mieux appréhender la parole du prophète. “On a l’impression qu’il n’y a que la loi aujourd’hui. Or, la loi sans l’amour, c’est l’anarchie. La spiritualité, c’est l’amour”. Mais il ne faut pas se méprendre. Le soufi ne pointe pas du doigt un Occident qui serait responsable des dérives morales de toute l’humanité.
“C’est à l’individu de trouver sa voie. Il n’existe pas de monde divisé en bien et en mal. Certains attendent sans doute que je verse dans une critique acerbe du monde occidental et j’en appelle à sa destruction”. ll y a deux ans, Idris Mahmoud a même dit des prières à l’invitation de l’ambassade américaine à Maurice. Pour mieux aiguiser sa pensée et surtout contribuer à la promotion des cultures, il s’intéresse aux autres religions, l’hindouisme et le christianisme, la pensée gréco-romaine, le bouddhisme. “Il faut en finir avec cette image du musulman replié sur sa religion et incapable de comprendre le monde ambiant”. Même s’il se veut, comme d’autres maîtres ayant atteint la “lumière”, l’incarnation de la Parole venue du Ciel, il se refuse à revêtir les habits de l’islamogue déterminé à redorer l’image de l’islam, quelque peu ternie par des actions extrêmes. “ Il appartient à tout le monde de démontrer que ce n’est pas cet islam-là qui pose des bombes”.
Car l’islam que revendique Idris Mahmoud prend racine à la fois à Cordoue, Bagdad, Delhi ou encore Le Caire, quand des docteurs de la foi échangeaient une riche et féconde correspondance avec leurs coreligionnaires juifs et chrétiens. “Il n’y avait aucune loi qui interdisait ces échanges qui portaient sur des questions philosophiques”. A quel moment l’islam a perdu cette aura flamboyante pour laisser place à certaines écoles de pensée intolérantes ?
Des conflits de chapelles
“Tout est parti de l’interprétation des hadiths. Chacun a cru puiser dans le Coran des conduites qui correspondent à ses actions. Ensuite, on a présenté ça comme l’enseignement. Il en est résulté des conflits de chapelles”. Comment, dès lors, trouver une voix unique et fiable pour rassembler les disciples du prophète… D’autant qu’il n’existe pas de clergé chez les sunnites, courant majoritaire de l’islam, alors que les chiites d’obédience iranienne possèdent une hiérarchie très structurée et qui leur dicte leur conduite de tous les jours. “Face à cette absence, explique Idris Mahmoud, il reste au musulman Le Livre. Mais il lui faut un guide pour bien en cerner le contenu et s’éloigner d’une lecture erronée. Le Coran est comme une barque sur l’eau, on ne doit pas la remplir d’eau, au risque de couler”. Reste l’éternel débat qui oppose les docteurs de la foi et récitants dans les mosquées, à ces multitudes confréries, dont le soufisme, qui choisissent la voie de l’initiation, plus restreinte, longue et tortueuse. “C’est vrai, admet Idris Mahmoud, que le soufisme impose des exigences, car, au nom de cet amour sans partage pour Dieu, on ne se contente pas d’une lecture simpliste du Coran”. C’est cette recherche du symbolisme qui permet d’établir des confluences avec les autres religions. Au terme d’une réflexion commune, chacun aboutit à la même conclusion : “Il faut préserver l’humanité et son environnement, réduire les risques de conflits. Pour y arriver, il faut se débarrasser de tout sentiment de jalousie, de haine et de colère.”

Source : http://www.sheikidris.com/?p=8

samedi 16 août 2008

Y a-t-il une place pour l’islam dans la Géorgie chrétienne de Michael Saakashvili ?



par Bayram Balci


Quel que soit leur groupe confessionnel, les musulmans de Géorgie éprouvent de plus en plus de mal à se reconnaître dans la nouvelle idéologie nationale que met en place le régime de Saakashvili. Leur faible identification à un Etat qui affirme nettement sont attachement aux valeurs chrétiennes risque d’affaiblir davantage, dans les années à venir, l’entente entre des provinces et districts fortement musulmans et la capitale qui a déjà du mal à s’imposer.

Les acteurs de l’islam géorgien doivent-ils craindre une marginalisation ?
Au cœur de la nouvelle idéologie nationale en Géorgie, l’Eglise géorgienne cohabite avec une variante géorgienne de l’islam présent dans le pays depuis les premiers temps de la conquête musulmane, que ce soit à Tbilissi, dans la région de Kvemo Kartli, où la population est majoritairement chiite azérie, et en Adjarie malgré une christianisation en cours depuis l’indépendance.

Au lendemain de son accession au pouvoir, le président géorgien Mikhaïl Saakashvili adopte un nouveau drapeau national, qui affiche clairement l’attachement aux valeurs chrétiennes de son régime politique. Les cinq croix (du Roi David) qui figurent sur ce nouvel étendard sont là pour signifier que le pays veut renouer avec son passé chrétien et qu’il veut remettre la spiritualité chrétienne au centre de sa construction nationale. Le rôle crucial de l’Eglise dans l’histoire de la Géorgie, un des premiers Etats à adopter le christianisme comme religion officielle - après l’Arménie, explique en grande partie pourquoi, après 70 ans d’athéisme militant sous l’URSS, et dès son indépendance, l’Etat a réintroduit le christianisme dans l’esprit du nouveau régime. Au 19e siècle, les nationalistes géorgiens ne se retrouvaient-ils déjà pas autour de la devise : « langue, patrie et foi (chrétienté) » ?


Pourtant l’islam a aujourd’hui pignon sur rue en Géorgie. Cette variante géorgienne est présente aussi bien dans la région de Kvemo Kartli, où la population est majoritairement chiite azérie et en Adjarie, où l’islam est encore assez présent, malgré une christianisation en cours depuis l’indépendance.
La Géorgie compte d’autres régions « musulmanes » : une petite minorité en Abkhazie, ainsi que 12.000 Kistes (apparentés aux Tchétchènes) dans la vallée de Pankissi participent à l’islam géorgien, mais leur faiblesse numéraire ne permet pas de parler d’influence, comme d’ailleurs l’islam des Meshkets, dont une toute faible minorité a pu regagner le pays après plusieurs décennies de pérégrinations forcées entre l’Asie centrale et la Fédération de Russie.

Islamisation du pays


La religion musulmane arrive sur le territoire de l’actuelle Géorgie, dès les premiers temps de la conquête arabe. Dès le 8e siècle, le pays devient un émirat arabe. Mais en 1122, le pouvoir change de nature quand le roi David IV s’empare de Tbilissi pour en faire la capitale d’un Etat géorgien chrétien.
La véritable implantation de l’islam dans le pays est l’œuvre des deux puissances musulmanes régionales, les empires séfévide d’Iran et les Ottomans, qui s’implantent tantôt successivement, tantôt simultanément, sur le territoire de l’actuelle Géorgie. La domination séfévide, du fait des migrations des tribus turques qu’elle a provoquées dans la région, permet une islamisation en profondeur de certaines régions, notamment en Kvemo Kartli et dans ses alentours. L’islamisation de l’Adjarie qui fera l’objet d’un traitement à part, commencera, elle, plus tard et de façon plus superficielle. A partir du 19e siècle, l’effacement des deux puissances musulmanes séfévide et ottomane face à la Russie chrétienne des Tsars affaiblit l’islam dans toute la Géorgie, sans le faire disparaître pour autant. La politique impériale russe dans le Caucase, comme dans les autres régions peuplées de musulmans, oscille longtemps entre tolérance et prosélytisme orthodoxe.

La perestroïka et le vent des libertés religieuses


A l’époque soviétique, l’athéisme idéologique du pouvoir s’emploie à briser toutes les religions présentes en URSS, l’islam en particulier. Cependant, à partir de 1944, cette politique anti-religieuse s’assouplit.
Une des quatre Directions des affaires spirituelles pour l’Union soviétique est fondée à Bakou. Tous les musulmans de Géorgie, qu’ils soient sunnites ou chiites, en dépendent. La perestroïka accorde une plus grande liberté religieuse, dont bénéficient alors aussi bien l’Eglise que toutes les composantes de l’islam géorgien. Et dès la veille de l’éclatement de l’Union soviétique, des liens se développent entre l’islam local et des organismes islamiques étrangers, notamment iraniens et turcs. En l’absence de statistiques fiables, il est difficile de donner des chiffres précis sur le nombre de musulmans aujourd’hui présents en Géorgie. Néanmoins, des études plus ou moins impartiales avancent le chiffre de 640.000 en 1989, soit 12 % de la population totale. Il semblerait que la tendance soit à la baisse, en raison d’un important phénomène migratoire parmi certaines populations musulmanes, notamment parmi les Azéris, candidats à l’expatriation en Russie pour des raisons économiques ou en Azerbaïdjan pour des raisons familiales.

Les Meshkets géorgiens, une influence aujourd’hui insignifiante

Outre les deux communautés musulmanes principales de Géorgie, les Adjars et Azéris, il existe aussi d’autres petits groupes ethniques musulmans. Groupe aux frontières ethniques floues, entre turcité et géorgianité, les Meshkets constituent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale une des composantes essentielles de l’islam en Géorgie. Situés dans le sud-ouest du pays, dans la province de Meshketia (ou Akhaltshikhe pour les Ottomans), cette minorité turcique a été massivement déportée en 1944 (environ 100.000 personnes) par Staline qui craignait sa possible collaboration avec les Allemands et leurs potentiels alliés turcs. De leurs lieux de déportation (Ouzbékistan, Kazakhstan et Kirghizstan), les Meshkets qui se définissent comme Ahiska Turkleri (les Turcs de la province de Ahiska, Akhaltiskhe) n’ont cessé de réclamer le retour sur leurs terres d’origine. A partir de la perestroïka, et surtout au lendemain des affrontements ethniques entre Ouzbeks et Meskhets dans la ville de Ferghana, ces derniers ont réclamé leur droit au retour de manière plus insistante. Le gouvernement nationaliste de Zvia Ghamsakourdia, comme celui de son successeur Edouard Chevarnadze, ont refusé de satisfaire ces revendications pour des raisons à la fois politiques, nationalistes et géopolitiques. Si une poignée de familles a obtenu le droit de revenir en Géorgie, très peu d’entre eux ont été autorisés à s’installer dans la région historique de Meshketia, tandis que la grande majorité de ces Meshkets sunnites ont été fixés en Russie et en Azerbaïdjan. Craignant une réaction trop violente des Géorgiens installés dans les villages meshkets vidés en 1944, le gouvernement géorgien s’est efforcé de bloquer les efforts des associations meshkets, militant pour le rapatriement sur les terres historiques. De ce fait, la part de l’islam meshket en Géorgie est aujourd’hui quasiment insignifiante, contrairement à l’islam relativement dynamique des Meshkets installés en Azerbaïdjan et en Russie.

L’islam abkhaze espère un renouveau


Autre groupe musulman minoritaire, les Abkhazes vivent éparpillés dans la région sécessionniste d’Abkhazie et dans d’autres villes de Géorgie.
Ils ont été en partie convertis à l’islam sous la domination ottomane tout au long des 17e et 18e siècles. A partir des années 1860, avec le reflux ottoman et face à la progression russe dans le Caucase, une bonne partie des musulmans abkhazes (comme d’autres musulmans d’autres ethnies du Caucase) ont émigré au sud, dans les villes ottomanes. Pendant la période soviétique, l’islam abkhaze est affaibli, mais il semblerait que depuis la fin de l’URSS, l’établissement de liens entre Abkhazes de Géorgie et descendants d’immigrés abkhazes en Turquie a quelque peu favorisé un certain renouveau islamique.

Quand les Kistes du Pankissi subissent les effets désastreux de la guerre en Tchétchénie

Tout aussi minoritaire est l’islam kiste, une minorité ethnique appartenant au groupe vainakh, donc très proche des Tchétchènes et des Ingouches.
Installée de longue date dans la vallée du Pankissi, au nord-est de la Géorgie, cette communauté de 12.000 individus environ, a été très marquée par l’islam confrérique, notamment celui de la Qadiriyya (introduite par un certain Kunta Hadji au 19e siècle) et de la Nakchibendiyya (introduite dans les villages kistes par un mystique azéri du nom de Isa Efendi en 1909). L’islam des Kistes subit depuis une dizaine d’années les effets désastreux de la guerre qui oppose les indépendantistes tchétchènes aux forces armées russes. L’aggravation du conflit tchétchène, en radicalisant l’islam tchétchène et l’afflux de réfugiés au Pankissi exercent une forte pression sur les Kistes. On suppose que c’est la combinaison de ces facteurs qui a permis l’implantation d’un nouveau radicalisme chez les Kistes, souvent qualifié à tort de « wahhabisme » mais plus complexe qu’il n’y paraît en réalité. Soupçonnant certains indépendantistes tchétchènes de trouver refuge dans les villages kistes du Pankissi, le gouvernement fédéral russe menace régulièrement le gouvernement géorgien d’intervenir sur son territoire pour neutraliser des groupes combattants. Très isolé dans sa vallée, l’islam des Kistes entretient très peu de contacts avec les autres formes d’islam, présentes en Géorgie notamment avec ses formes dominantes chez les Adjars et les Azéris.

Des madrasa en Géorgie !


Durant toute la période soviétique, l’éducation islamique pour les musulmans de toute l’Union était possible dans deux villes, à Boukhara et à Tachkent, célèbres pour leurs madrasas. La plupart des cadres islamiques qui ont aujourd’hui plus de 40 ans y ont été formés.
En Géorgie, sous l’URSS, les musulmans se rendaient eux aussi en Asie centrale pour bénéficier d’une formation islamique. Cependant, en parallèle à ces lieux officiels (et surveillés) il existait des établissements informels, de petite taille, dans l’enceinte des lieux de pèlerinage et des petites mosquées non déclarées. Ainsi, certains vieux religieux avaient des petits cercles d’étudiants, souvent n’excédant pas les dix personnes, qu’ils formaient de façon non officielle. Au lendemain de l’indépendance, dans les grands pays de vieille culture musulmane comme l’Ouzbékistan, le Tadjikistan ou l’Azerbaïdjan, des madrasa et des universités islamiques voient le jour. En Azerbaïdjan, une faculté de théologie de tendance sunnite turque et une université islamique de tendance chiite iranienne sont créées au lendemain de l’accession du pays à l’indépendance. Ces établissements attirent des étudiants de tout le Caucase, y compris de Géorgie. Mais cela ne signifie pas qu’il est impossible de recevoir une éducation islamique dans ce pays. Même de faible envergure et de petite taille, il existe des petites madrasa où il est possible d’acquérir une éducation islamique de qualité. Outre les mouvements turcs et les fondations iraniennes installées dans les régions azérophones qui dispensent un enseignement islamique de base, il existe à Tbilissi une petite faculté de théologie fondée par une fondation caritative venue d’Iran, liée à la fondation Iman. De même, dans le petit village de Kosali situé à la frontière azéro-géorgienne, à 30 km de Marneuli, une petite madrasa turque a été fondée par des Nakchibendis turcs disciples de Osman Nuri Tobpa_, dont les activités sont plus importantes en Azerbaïdjan. De tendance sunnite, cette madrasa reçoit aussi des enfants chiites peu au courant du clivage sunnite-chiite et qui, de ce fait, deviennent de vrais sunnites une fois diplômés de cette madrasa.

Sunnites et chiites cohabitent sans se mélanger

Bien que tout l’islam du pays est censé être régi par une même administration (la mosquée centrale de Tbilissi qui est placée sous la responsabilité du Hadji Ali, lui-même désigné par le cheikh ul islam de Baku, Allahshukur Pachazadeh), deux « islam », et donc deux communautés de musulmans, coexistent de facto en Géorgie : des Azéris majoritairement chiites et les Adjars majoritairement sunnites. Les passerelles entre les deux communautés sont pratiquement inexistantes, à l’exception des rares fidèles qui prient occasionnellement ensemble à la grande mosquée de Tbilissi, aménagée pour permettre aux deux confessions de s’exprimer. Cette absence d’unité de l’islam en Géorgie fait que les deux écoles n’ont pas les mêmes revendications à formuler à l’Etat central. Pour les Azéris chiites, les revendications sont moins religieuses qu’économiques, du fait notamment de la détérioration de leur situation depuis l’indépendance du pays. Les questions religieuses sont préférentiellement adressées à Bakou et à la Direction des affaires spirituelles, qui délègue à son tour à Tbilissi la résolution des problèmes de sa minorité azérie-chiite. En revanche, les musulmans adjars, n’étant pas une minorité ethnique comme les Azéris, entretiennent un autre rapport à l’Etat géorgien. Musulmans mais géorgiens, ceux-là sont dans une position difficile, car l’Etat central encourage les musulmans adjars à se convertir au christianisme, promu comme la «véritable » religion des Géorgiens. Les politiques éducative et identitaire de l’Etat prônent ouvertement la diffusion du christianisme dans le pays, mais il ne s’implique pas directement préférant déléguer prosélytisme et conversions à l’Eglise. D’une manière générale, le principal problème qui se pose aujourd’hui en Géorgie, où l’idéologie du nouvel Etat se fonde sur le passé et les valeurs chrétiennes du pays, constitue la marginalisation des importantes franges de la population qui ne sont pas chrétiennes.


Source : http://www.caucaz.com/home/breve_contenu.php?id=242

vendredi 8 août 2008

ABOU YAZID ET LE FABRIQUANT DE CHAUSSURES

ABOU YAZID ET LE FABRIQUANT DE CHAUSSURES

Un Discours Spirituel de Mawlana Shaykh Hisham al Qabbanii (Q.S.)

Grandshaykh Abou Yazid Bistami (s) est un des plus célebres Saints dans toute l'histoire de l'islam. Aux Etats-Unis, ils étudient ses enseignements partout ou le Soufisme est enseigné. Un jour son Shaykh lui ordonna: "Oh Abou Yazid, il y a un fabricant de chaussure dans le centre-ville. Vas t'assoir a ses cotés et écoute-le." Qu'est-ce que Abou Yazid avait a faire d'un
fabricant de chaussure? Ecouter quoi? A cette époque, les Connaissances Mystiques de Abou Yazid étaient telles que tout le monde le connaissait comme étant un tres grand Saint, c'est a dire quelqu'un qui avait experimenté les Réalités du Savoir Divin.

Mais Abou Yazid n'est pas comme nous. Si un Maitre nous dit aujourd'hui: "Va écouter un tel", nous lui repondrions: "Moi? Ecouter celui-la? Qui est-il? Il ne connait rien de l'islam et des sciences. Il ne connait rien de la Loi Divine ou de la Juriprudence. Pourquoi devrais-je l'écouter? Non, non, envoyez-moi chez quelqu'un d'autre." Et si vous dites a quelqu'un d'autre "Oh un tel, va t'assoir et écouter celui-ci", il dira: "Vais-je aller écouter quelqu'un qui ne connait que la Loi Divine et la Juriprudence? Qui? Ce fondamentaliste, cette personne fanatique? Pas besoin! Nous sommes des soufis. Nous sommes libérés de tout cela!" Ainsi chacun trouvera une excuse pour ne pas écouter. La confusion, la dissension et le chaos viennent précisemment de cela.

Quelqu'un present dans cette assemblée a dit tout a l'heure: "Inch'Allah, les musulmans vont commencer a s'écouter et a s'entendre." Comment pourraient-ils s'entendre? Ils n'écoutent jamais! Si vous dites: "les musulmans vont se battre les uns et les autres", je suis d'accord, mais écouter, non, parce que chacun pense qu'il a atteint le plus haut niveau, qu'il n'y a pas de niveau plus eleve. Toute la connaissance s'arrette a son niveau. "Certains aiment demander comment est-ce que le Seigneur s'assoit sur le Throne" [20.5]. Que Dieu nous pardonne - c'est tout ce qui les interresse a savoir. Personne ne cherche a comprendre "qu'au dessus de chaque Etre de Science, se trouve un autre Etre de Science plus élevé", "au dessus de chaque connaissance, se trouve une Connaissance plus élevée". Il n'y a pas de limite a la Connaissance. Ce que vous savez en comparaison a la Connaissance du Prophete (PSL) et en comparaison a la Connaissance de Dieu, ne represente rien du tout.

Donc l'ordre etait d'aller écouter le fabriquant de chaussure pour Abou Yazid. Avec toute sa Connaissance si élevée, Connaissance de la Loi Divine, ou du Savoir Externe, et Connaissance de la Realité (Haqiqa) ou du Savoir Interne, Abou Yazid accepta l'ordre parce qu'il etait humble. Il ne dit pas: "Pourquoi?" ou bien "Non!". Il était exactement comme le Prophete (PSL) qui attendait (humblement) l'Ange Gabriel (as) pour recevoir les Messages Divins. Donc il recut cet ordre et c'était fini, il se dit: "Je vais suivre cet odre".

Le fabriquant de chaussure que Abou Yazid devait aller rencontrer avait caché sa Station Spirituelle des yeux de Abou Yazid pendant de longues années! Abou Yazid etait passé devant lui a plusieurs reprises et n'avait jamais su qui il etait, en dépit du fait que Abou Yazid est un des Saint de la Chaine D'Or, la Chaine Sacrée des 40 Grand-Saints les plus élevés dans la Presence Divine, car le Seigneur ne voulait pas qu'il connaisse celui-ci. Il l'avait mis a l'épreuve pour voir si il allait écouter Son Ordre ou pas. Des qu'il arriva devant la boutique, le fabriquant de chaussure lui dit: "Oh Abou Yazid! Je t'attendais depuis si longtemps. Viens et assois-toi a mes cotés."

Cette personne etait le Pole Spirituel de son époque (Qutb). Il existe 5 niveaux de Poles Spirituels: Qutb, Qutb al Bilad, Qutb al Irshad, Qutb al Aqtab,et Qutb al Mutasarrif. Chaque Pole prend ses Secrets d'un des cinq Grands Prophetes. Le plus élevé des Poles prend ses Secrets du Prophete Muhammad (PSL). Pendant trois longues heures, le fabriquant de chaussure donna un discours a Abou Yazid Bistami. Lorsqu'il termina, Abou Yazid retourna a son ecole et dit a ses disciples: "Ce que j'ai appris durant ces trois heures et le Niveau que j'ai atteint en m'asseyant a coté de cet Ami de Dieu, je ne l'aurais jamais atteint, meme si j'avais adore le Seigneur nuit et jour du temps d'Adam (as) jusqu'au Jugement Dernier.

Al Fatiha


http://shaam.homestead.com/Abou_Yazid.html

samedi 2 août 2008

Le symbolisme des lettres arabes

Le symbolisme des lettres arabes

Toute la création peut se résumer dans le seul tracé du nom d’Allah


(Je souhaites remercier Semanur qui m'a fait découvrir ce merveillieux texte)

Extrait d’un texte de Nadjm oud Dîne Bammate



Nadjm oud Dine Bammate est issu d’une longue lignée de soufis d’Asie Centrale. Docteur en droit romain, il se consacre très jeune aux études islamiques à Lausanne, Cambridge, Al Azhar au
Caire puis à l’Ecoles des Hautes Etudes de Paris avec Louis Massignon. Délégué de l’Afganistan à l’ONU en 1948, il commence ensuite une carrière de trente années à l’UNESCO. Il y fut coordonnateur du projet Orient-Occident, Directeur de la Division de philosophie et sciences humaines, puis du département culturel, et enfin conseiller spécial auprès du Directeur général pour la culture et la communication. Pédagogue subtil et plein d’humour, il a aussi œuvré à travers son enseignement en Sorbonne et à l’université de Paris VII en tant que professeur d’études islamiques. Infatigable témoin de la réalité spirituelle et pluriculturelle de l’islam, il a été ambassadeur de l’organisation de la Conférence Islamique et Président de l’Association éducative et culturelle des musulmans de France . Parlant douze langues Nadjm oud Dîne Bammate incarnait " l’aventure étincelante du dialogue des cultures ". Il est mort subitement le 15 janvier 1985. Il avait publié de nombreux articles, mais beaucoup d’autres ainsi que des livres étaient encore à l’état de projets. Homme de la parole d’abord mais aussi de la littérature, de l’écriture au sens noble, il a laissé des textes d’une grande beauté et d’une rigueur sans faille. Soufisme d’Orient et d’Occident souhaite vous faire goûter à travers l’un de ces textes à la joie de le lire.

L’ordre l’alphabétique


La tradition musulmane connaît la science des lettres (’ilm al ourouf), qui se rattache à celle des nombres (’ilm al arkam) ainsi qu’à la connaissance des noms divins (asma el housna). Cette science remonte au Coran. Le livre sacré n’est pas seulement un guide pour les fidèles, chaque verset, chaque lettre est une révélation divine. Plus encore le Coran est la parole même de Dieu. Contre toutes les tentations hétérodoxes, la théologie musulmane a maintenu avec une stricte rigueur que le livre est comme le Verbe, éternel et incréé. Les affirmations des docteurs de la loi sont reprises et amplifiées dans le symbolisme mystique. Ainsi les pages que psalmodient les croyants ne sont autres que les signes inscrits de toute éternité dans " la Table gardée " auprès du Trône divin. Le premier mot révélé à Muhammad fut " iqra ", " lis ". Suit la phrase : " lis au nom de ton Seigneur qui créa l’homme et lui enseigna l’usage de la plume ". Ainsi le pacte entre Dieu et l’homme qu’est l’écriture se trouve conclu au moment même de la création d’Adam. L’univers tout entier peut d’ailleurs être considéré comme une écriture de Dieu. La création du monde obéit au même rythme, retrace la même arabesque de l’esprit divin que le Coran. De même, en retour, le symbolisme de l’écriture s’applique à la louange que les créatures rendent à leur Seigneur. Il est dit que si l’océan était un encrier prodigieux et tous les arbres du monde autant de plumes, cette calligraphie cosmique n’épuiserait pas l’éloge de Sa magnificence. La racine du mot " iqra ", qui est le verbe " qara’a ", lire, se retrouve dans le nom d’al qur’an. Coran signifie donc lecture. La Bible, les Ecritures, le Coran : par ces mots mêmes les trois religions se placent sous le signe du livre. Et la tradition musulmane les regroupe tous les trois sous l’expression " ahl al kitab ", les peuples du Livre. Pourtant le Christianisme est avant tout la religion de l’Incarnation. Par contre l’islam comme le judaïsme, affirme la Transcendance sans condition, d’où le prestige plus vif de l’écriture : elle tient lieu d’incarnation. C’est donc le Coran, un livre, et non pas Muhammad comme on le croit souvent, qui occupe la place du Christ dans l’Islam. Le croyant du désert frissonne de scandale métaphysique à la seule idée que l’on puisse attribuer à Dieu une forme charnelle. Seule l’écriture est suffisamment abstraite pour manifester le Verbe. La calligraphie est l’art des iconoclastes. On a dit des cathédrales qu’elles étaient des évangiles de pierre. Pour l’islam il faut renverser les termes et dire que son monument véritable, son temple, ses icônes, ses Piétas, ce sont les lettre du Livre sacré. Ecriture et dessin tout à la fois, l’arabesque est l’art musulman par excellence. Le dessin comme l’écriture se réduit à l’essentiel, à sa forme la plus dépouillée, la plus intellectuelle, un pur jeu de rythmes linéaire plus proche des mathématiques que de la plastique. " Le dessin arabesque est le plus idéal de tous " disait Baudelaire dans l’une de ses fusées. L’arabesque est un texte qui serait sa propre illustration, une image qui serait son propre commentaire. Impossible d’aller plus avant dans l’économie des moyens. " Que personne n’y touche s’il n’est purifié ". La phrase est inscrite sur la couverture de certains exemplaires du Coran. Comme pour la prière, il faut faire ablution avant d’aborder le Livre Sacré. Le recopier de sa main constitue l’un des actes les plus méritoires. Aujourd’hui encore, au temps de l’imprimerie, il est préférable de l’édifier à partir d’un manuscrit sur lequel la plume a frémi, plutôt que de le fabriquer directement avec des caractères de plomb, c’est-à-dire des objets inertes. Un homme de foi profonde ne vendrait pas un exemplaire du Coran. La parole de Dieu n’a littéralement pas de prix. Un Coran ne se vend pas, il se donne, car seule la chose donnée est inestimable. Beaucoup de musulmans portent au cou, en guise d’image sainte ou de crucifix, quelques versets cousus dans un sachet. Certains gardent toujours sur eux une édition en miniature. Le prestige du Coran s’étend à toute écriture. Un papier, n’importe lequel, pourvu qu’il soit marqué de signes alphabétiques, doit être respecté, car il peut offrir la parole divine. En fait tout livre publié en pays musulman, et même une lettre quelconque entre amis, commence par la formule : " Au nom de Dieu clément et miséricordieux ". Ils portent obligatoirement en dédicace le nom du Seigneur. En un sens chaque texte écrit se présente comme un germe de Coran. D’où le geste populaire, encore familier qui consiste à ramasser le bout de papier que traîne par terre et le mettre à l’abri, sur soi, entre les pierres d’un mur, n’importe où pourvu que l’écriture soi sauvée. Les signes de l’alphabet, comme tels, partagent ainsi la dignité du pain. Comme on n’a pas le droit de jeter un morceau de pain, de même on ne peut abandonner une page écrite. L’un et l’autre geste seraient une profanation. Le symbolisme des lettres arabes atteint son point culminant dans la théorie des noms divins.


Toute la création peut se résumer dans le seul tracé du nom d’Allah.


La première lettre, l’alif, qui sonne comme " a ", se présente comme une droite verticale. Mais cette droite est surmontée d’un petit signe, un point qui représente l’attaque gutturale, l’appel d’air avant la parole. De même le silence précède le verbe, et le secret, au-delà de toute manifestation, précède l’unité de l’être. Cependant les deux signes ne sont qu’une même réalité. Le trait vertical est interprété comme une projection du point ; le point n’est que la droite vue " par la tranche ". Les deux ensembles symbolisent que Dieu est à la fois " au-delà des étoiles " et " plus proche de nous que notre artère jugulaire ". Vient ensuite le signe " l " du nom d’Allah. Cette lettre est appelée barzakh, la lettre de la liaison, la médiatrice. Par cette lettre Dieu se manifeste dans le monde, développe la création, prend possession des choses. Le symbole est à la fois visuel, sonore et numérique. La lettre lam se tend comme un crochet. Au surplus, elle est doublée. La voix fait vibrer la lettre de la manifestation en lui donnant toute la résonance possible. Le chiffre de lam, qui est 30, signifie lui aussi l’expansion infinie. Enfin la lettre " h ", le " ha ", souffle expiré final, ramène vers l’alif sous forme d’une boucle qui revient sur elle-même. Le cercle est accompli. Les correspondances ne se limitent ni au nom d’Allah, puisque Dieu a 99 noms, le centième étant secret, ni à la série : idée, forme, son, chiffre. D’innombrables analogies viennent s’y ajouter. Par exemple, les gestes de la prière musulmane peuvent être interprétés comme une transcription, dans les mouvements du corps , des lettres qui forment le noms d’Allah. Les mystiques de l’Islam ont su tirer des lettres les variations les plus étonnantes. Mansour al Hallaj compare l’état d’union spirituelle avec Dieu à l’emplacement d’un signe qui ponctue une lettre. Ailleurs, il dit que le but de la vie est de faire passer au-dessus de la lettre " n " le point qui se trouve sous la lettre " b " . Les deux signes se composent d’un arc en cercle. La seule différence est en effet l’emplacement du point. La lettre " b " initiale du mot " bab ", la porte, est celle de la création. La lettre " n " initiale du mot " noun ", le poisson, symbolise la résurrection. Les prières pour les morts riment souvent en " n ". Notons en passant l’identité de signification du poisson dans le symbolisme des premiers temps de la chrétienté. Faire sauter le point de bas en haut de l’arc en cercle c’est passer du monde de la création à celui de la résurrection. L’opération équivaut à la renaissance spirituelle, à l’illumination.