vendredi 2 novembre 2007

La renaissance islamique en Chine

La renaissance islamique en Chine

un article du Dr Moufid Al Zaidi


Au cours des dernières décennies, la Chine a connu une renaissance islamique sur des plans aussi divers que l’enseignement islamique, la construction des mosquées, l’enseignement de la langue arabe, la traduction de l’arabe vers le chinois.

1. L’enseignement de la langue arabe.
L’enseignement de la langue arabe a commencé à partir des années quarante du siècle précédent grâce aux efforts de certains professeurs et lettrés comme Majiang (Mohammed Makin), Abdurrahmane Nanchong, Rédouane Li Yong Yang Ro’i, pour ne citer que ceux-là.
L’enseignement de l’arabe connut un élan de développement tel que de plus en plus d’étudiants et de jeunes chinois s’y sont intéressés. Mais au delà du simple apprentissage, plusieurs d’ente eux ont poussé leur intérêt linguistique jusqu’à préparer une maîtrise, voire un doctorat ès langue et littérature arabes. Ainsi, jusqu’en 1998, une trentaine d’étudiants environ ont obtenu des diplômes supérieurs dans cette spécialité. En outre, une «Académie de la langue arabe» constituée d’arabisants chinois a vu le jour en octobre 1984 pour promouvoir la langue sur les plans de l’enseignement et de la recherche. Les activités concernant la langue arabe se sont ainsi étendues à toutes les villes et départements chinois grâce en partie à ladite Académie qui a organisé de nombreuses conférences et stages de méthodologie d’enseignement au profit d’arabisants chinois. Ont été organisés aussi des stages de formation sur l’utilisation des techniques modernes d’enseignement ainsi que des conférences en collaboration avec les organisations et les institutions arabes sur les techniques discursives, la culture, la calligraphie, la langue et la littérature arabes, l’enseignement supérieur, les programmes universitaires, la traduction et bien d’autres sujets connexes.
2. L’édification des mosquées :
Les musulmans des siècles passés ont construit des mosquées dans les différentes villes de Chine. La plus importante d’entre elles est la mosquée Yi-no Ji sur l’avenue qui porte le même nom et qui signifie «avenue des vaches». Citons également la mosquée Angxi qui fut édifiée sous la Dynastie Ming et qui comprend une bibliothèque où sont conservés d’anciens manuscrits et un exemplaire du Coran qui remonte à l’an 718 de l’Hégire. Elle abrite en sus le siège de l’Association islamique de Pékin et l’Institut islamique de Pékin. Sans oublier Jien Chan Da et Huarchi, deux autres mosquées pékinoises.
Construite sous la Dynastie Tang, la mosquée Hua’i Change (qui signifie commémoration de la tradition du Prophète) est l’une des plus anciennes de Chine. Située à Kuang Cho, l’un des haut-lieux de l’architecture islamique en Chine et dans le monde musulman, cette mosquée est surmontée d’un minaret et de tours et entourée de murs, construits sur le modèle architectural islamique. Elle comprend par ailleurs une bibliothèque, une salle de cérémonies sociales et une salle d’accueil réservée aux invités. A travers son histoire, cette fameuse mosquée a été sujette à des restaurations périodiques dont la plus importante reste celle de 1924. Grâce à «l’Association de Canton pour le développement de l’islam en Chine» et aux fonds qu’elle a collectés auprès des musulmans de ce département chinois, cette fameuse mosquée fut reconstruite de manière à remplir la fonction d’un centre islamique pouvant abriter les activités religieuses des musulmans de la république de Chine. Rappelons au passage que le département des affaires religieuses du Conseil d’État et le gouvernement populaire de Guangzhou ont généreusement contribué au projet de reconstruction et de réaménagement de ladite mosquée qui fut par ailleurs classée en 1997 parmi les principaux monuments historiques de Chine.
3. L'enseignement dans les mosquees :
L’enseignement islamique dispensé dans les mosquées commença vers le début du règne de la Dynastie Ming (IXème siècle de l’Hégire/ XVIème siècle de l’ère chrétienne) par l’intermédiaire de Ho Ding Chu, un savant de la communauté musulmane Hu’i, rebaptisé Muhammad Abdullah Ilias. Ce type d’enseignement qui s’est répandu au fur et à mesure que l’islam prenait de l’ampleur a fait de la mosquée le lieu tout indiqué autant pour donner une instruction islamique que pour subvenir aux besoins religieux des musulmans. Dans ces mosquées-écoles, l’imam fait office d’enseignant et le Coran représente le sujet d’étude principal. Quant aux enseignants, ils sont recrutés aussi bien parmi les autochtones que dans les autres pays musulmans.

Un corps enseignant spécialisé a vu le jour ; l’enseignement ressemblait de plus en plus à celui des écoles coraniques traditionnelles où la langue locale est utilisée parallèlement à la langue arabe. L’enseignement dans les mosquées a conféré à la pédagogie islamique en Chine des caractéristiques nationales. C’est ainsi que les cultures islamique et chinoise ont continué à coexister et que l’enseignement islamique s’est répandu dans les différentes régions de Chine, jouant de la sorte un rôle primordial dans la diffusion de l’islam dans ce vaste pays.


L’enseignement dans les mosquées proposait un cursus varié qui comprend la rhétorique, la logique, le tawhid (concept d’unicité de Dieu), la langue, les sciences du hadith, la philosophie, la grammaire, la littérature arabe et le commentaire coranique. Et parce qu’il s’appuie sur un certain nombre de références en langue arabe, l’enseignement joue un rôle important dans le soutien des programmes et l’orientation des musulmans chinois vers l’apprentissage de l’arabe, la culture islamique et les sciences juridiques de tradition musulmane.
4. La traduction en arabe :
La traduction du sens du Coran en langue chinoise est une entreprise qui a débuté sous les Dynasties Ming et Ching. Mais antérieurement à cette époque, des essais de traductions qui se sont toutefois limitées à quelques versets ont été effectués dans le cadre d’ouvrages ou d’articles afin d’en révéler le sens au lecteur. Le Coran était étudié à la seule lumière des interprétations qu’en faisaient les imams. Le grand public musulman, lui, dépendait entièrement des imams pour accéder au texte sacré en arabe mais sa compréhension reste toutefois incomplète. D’où la nécessité de la traduction en langue chinoise, nécessité d’autant plus évidente que l’islamisation de la communauté Hu’i s’est mise graduellement à faire usage de la langue chinoise.
Vers la fin de la Dynastie Ming et le début de celle des Ching, les savants musulmans chinois comme Wang Da’i Yu’i et Machu Lee o Chai ont senti la nécessité de traduire le sens du Coran mais l’appréhension de ne pas être à la hauteur de cette lourde tâche a développé chez eux une certaine prudence.
Au départ, la traduction avait pour objectif de servir la vie religieuse et de la faire connaître aux musulmans. Dans ce contexte, il a été procédé à la publication en 1924 de la première édition du livre du savant musulman Ting Chiang intitulé traduction et commentaire du Coran par une maison d’édition. Cette publication fut suivie d’une autre intitulée : Commentaire précis de la première sourate du Coran par le savant Da Win édité en 1941 par l’Association chinoise de Hong Kong. Quant à Ma Dao, il a traduit la première sourate du Coran (Al Fatiha) ainsi que quelques versets de la sourate de la Génisse. Cette traduction a été publiée plusieurs fois par l’Association des musulmans pour la Daa’wa.
L’apprentissage complet du Coran est célébré par un cérémonial qu’on appelle Midkhaiti ou Kaïnite, il s’agit d’une compilation d’extraits coraniques choisis publiés sous forme de livre. C’est un livre qui est largement répandu parmi les musulmans chinois en ce qu’il contient des versets traduits et classés par thèmes afin d’en rendre la lecture commode et de permettre aux fidèles d’y puiser selon les besoins de leur vie quotidienne. Deux versions de ce livre ont été publiées : la première est une traduction thématique de versets coraniques choisis, établie par Yang Bin Sang, imam de la mosquée de Pékin (ex-Dong Tsi) et révisée par l’imam Ching Kuang Wan. Publiée en 1992 par l’Association islamique de Pékin, cette traduction contient 105 chapitres traitant des principaux thèmes du Coran. Quant à la deuxième, il s’agit d’une production collective intitulée : Sélection des préceptes coraniques ; ce livre qui se divise en deux grandes parties : «la vie spirituelle et «la vie temporelle»(2) est signée Lio Fi Mao et Najing Won, Lin Tao et Dan Yang Li et publié en 1993 par la maison d’édition «Al Kawmiyat».
Parmi les autres œuvres de traduction, citons l’ouvrage de Kao Haran intitulé «Etude quotidienne du Coran», publié en 1987 par le Centre de recherche sur l’islam et le Coran ; il s’agit d’une sélection de versets coraniques destinée à la lecture et à la méditation quotidienne. Dans cet ouvrage, le texte traduit en langue chinoise est présenté en regard du texte arabe originel. En fait d’activité traductionnelle, il faut rappeler que la traduction intégrale du sens du Coran n’a été clairement établie qu’en 1927. En effet, une jeune génération de musulmans lettrés dont Mafu Chue o, traducteur de L’interprétation authentique du Saint Livre, ouvrage qu’il a d’ailleurs confié à son disciple Su Khatib. Avant de partir en pèlerinage, ce dernier l’a transcrit et confié, à son tour, à l’Association islamique chinoise qui l’a publié en l’augmentant de la préface de Cha’o - écrite l’année même de sa publication- et la postface de ladite Association. Mais cette œuvre de traduction demeure hélas introuvable.
Par ailleurs, un autre essai de traduction du sens du Coran en mandarin archaïque a eu lieu sous la supervision de Han Ching Wotan et Chan Yow et connut la participation de Mohammed Makin. Publié en trois volumes par l’Association académique de l’islam, cet essai n’a pas connu de suite.
Mais les essais effectués dans ce sens se sont multipliés depuis : une traduction du sens du Coran par Ti Jiu et une introduction à la traduction du Coran établie par Li Bo’i Ching et Yang Shang Ming et une traduction de quelques extraits du Coran par Lang Kau Ching. Citons également le manuscrit de Tang Ching intitulé Le Saint Coran en dialecte chinois n’a jamais connu le chemin des presses malgré l’initiative des étudiants de l’école des formateurs de Shang Da qui se sont donné la peine de consigner cette importante traduction.
Ainsi, entre 1937 et 1990, ont été officiellement publiées douze traductions intégrales du Coran réalisées par d’éminents savants musulmans tels :Tit Chai Fang, Jo Jiow Mi, Wang Jing Chai, Lio Jien Bi’a, Sang Ming, Chai Si Chou, Muhammad Main, Lin Song, Tong Dao Shang, Kong Shang, d’autres encore.
Outre le Coran, d’autres types de textes ont été traduits. Signalons à cet égard la traduction en chinois d’Al Burda de feu Charafuddine Muhammad Al Buayciri. Ce poème a été traduit par le jeune chercheur musulman Mafuchof, en 1896 sous le titre : poésie islamique ou chansons islamiques.
L’ère d’ouverture et de réforme qu’a connu la Chine durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix a fortement contribué à la diffusion de la culture musulmane. Les jeunes ont manifesté le désir d’apprendre la langue arabe et de mieux connaître la culture islamique, d’étudier les chef d’œuvres de la littérature, de la pensée et de l’histoire des arabes et des musulmans. La traduction de l’arabe vers le mandarin était florissante aussi bien dans les universités que dans les instituts scientifiques et académiques des différentes villes et départements chinois .
Source : www.isesco.org.ma

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