samedi 27 septembre 2008

LES SEPT VALLEES DU CHEMIN MYSTIQUE DU LANGAGE DES OISEAUX

LES SEPT VALLEES DU CHEMIN MYSTIQUE du LANGAGE des OISEAUX
(02/2002*)V

d'après Farid al-Din Attar,(*) Soufi Persan [aujourd'hui l'Iran] du IXe siècle).
(aujourd'hui l'Iran).
Recherche et présentation du texte : A. von Saenger.
Les oiseaux et les mythes, volent de mémoire en mémoire. L'homme est une branche ou parfois l'oiseau se pose... "
(Proverbe Soufi)

- L'idée des l'oiseaux se confond avec celle de la légèreté, de l'essence des choses et des êtres. Les oiseaux dont il est question incarnent la pensée opposée à la matière et, par conséquent, l'intériorité de l'homme, son " moi " le plus profond. A.v.S.

Le " Langage des Oiseaux " comprend 4 647 vers. C'est une épopée mystique ou 30 000 oiseaux sont à la recherche de leur Roi. Le récit commence par un discours de bienvenue qui constitue une fonction rituelle et magique associant la " Huppe ", un oiseau, (**) porteur d'une couronne aini une grande foule d'oiseaux de toute sorte. Ils représentent Une humanité cherchante. Un cheminement lend et semé d'embouches.
Aussitôt, la foule des oiseaux inquiets se rassemblent et providentiellement la Huppe se présente comme leur messagère. Elle exhorte les oiseaux à partir pour un voyage difficile qui les conduira à la cour de leur Roi, un oiseau fabuleux, le Simorg. Tous les oiseaux comprennent l'intérêt fondamental de cette entreprise ; cependant presque aussitôt plus de dix milles d'entre eux s'excusent : ils sont pour des raisons diverses contents de leur sort ici-bas.
La Huppe admoneste tout le monde, tranquillise les uns, encourage les autres et commence l'enseignement qui permettra d'entreprendre le voyage. Pour cela ils doivent s'engager pour un long voyage dans les sept vallées qui marqueront les degrés initiatiques de leur ascension céleste et spirituelle.
Ces vallées magiques et mystiques sont : 1. - les vallées de la recherche, 2. - de l'amour, 3. - de la connaissance, 4. - de l'indépendance, 5. - de l'Union, 6. - de la stupeur et enfin 7. - celle du dénuement.
C'est après avoir franchi ces vallées, long voyage dont la durée est souvent toute une vie pleine d'embûches, voyage ou la grande majorité des oiseaux périrons, que les rescapés se voient refuser - ultime épreuve - l'accès tant espèrée au palais de leurs Roi. Cet oiseau fabuleux, leur 'Graal' interieur, et le Simurgh.
Après ce voyage dans les 7 valées Initiatique Ce refus les plonge les trente oiseaux rescapés dans un profond désespoir. Ils apprennent alors l'ultime vérité : l'Unité Universelle de toute chose et de tous être dans le temps.
Les rescapés, attendent, mûrissent, prient et méditent. ( En Persan, "Simorg. " signifie " Si " trente, " muorg " oiseaux, c'est-à-dire trente oiseaux). Les oiseaux, devenue des grands prophètes, sont finalement admis auprès de leur Roi. Ils forment ainsi une hypostase. C'est donc en se servant d'un jeu de mots qu'Attar nous fait comprendre que le face à face avec l'Esprit pur est aussi le retour à l'Unité première est également le retour des oiseaux sur eux-mêmes et sur ces multiples facettes psychiques de l'homme.

Les sept vallées que nous allons bientôt parcourir ensemble font partie de ces réalités subjectives dont chacun reçoit une image vivante et réelle, une représentation interprétée, selon sa propre capacité de perception.
Remarquons que si les noms donnés à chacune des sept vallées paraissent tout d'abord évocateurs et prometteurs de développements clairs sinon logiques, il faut bien vite changer d'idée lorsque l'on s'avance dans le récit et les anecdotes que nous propose Attar.
Il nous prévient lui-même :
- Si tu veux écarter le voile de cette affaire, sache que Dieu seul connaît ce secret et lui seul peut te le dévoiler.
Par ailleurs, Attar reconnaît parfaitement l'écueil de l'intellectualistée. Il nous dit :
-A quoi te serviront mes paroles tant que tu n'auras pas à en fait l'application ?
L'approche sera donc difficile.
Nous avons pour cela prélevé dans le texte de courtes citations que nous avons rangées dans un ordre qui nous a paru de nature à apporter quelque clarté.

I. - PREMIERE VALLEE OU VALLEE DE LA RECHERCHE.
Dans cette vallée, l'homme a le sentiment d'être en captivité. Il se sent séparer de quelque chose d'essentiel. Il est un cherchant. Il cherche à comprandre, a se libérer, mais rencontre partout l'hostilité.
La Huppe dit et enseigne :
-Cent choses pénibles t'assailliront sans cesse. C'est seulement au prix de modifications profondes et lentes du comportement que des progrès sont possibles ".
La Huppe dit et ajoute :
- Il te faudra passer plusieurs années dans cette vallée à faire de pénibles efforts et y changer d'état, car pour progresser, un engagement véritable et endurant est nécessaire ".
La Huppe dit encore :
- Tu ne cherches pas le vrai sens des choses, tu n'en as que la prétention.
La Huppe ajoute plus tard :
- Animé par un désir ardent et par l'espérance, l'homme doit sans cesse exposer sa vie dans ce long cheminement spirituel.
- Si tu te laisses aller au moindre orgueil, tu n'est plus maître de ton coeur, tu es alors comme enivré par la boisson et tu as perdu ton intelligence ".
... et finalement :
- Sois patient dans l'espoir de trouver quelqu'un qui t'indique le chemin que tu dois faire. Accroupi comme un enfant dans le sein de sa mère, recueille toi ainsi en toi-même.
... et enfin des encouragements et d'espoir :
- Qu'on fasse partie des bons ou des méchants, on possède toujours un soleil de grâce dans le giron de l'invisible.
Cette première vallée la Huppe nous indique que c'est à l'intérieur de nous-mêmes que la recherche doit être entreprise avec constance et patience.

II. - DEUXIEME VALLEE OU VALLEE DE L'AMOUR. L'intériorité retrouvée est ressentie comme une grâce et provoque un éclair d'amour mystique vers le Créateur. Il éveille violemment l'adepte qui s'engage alors dans la seconde vallée.
Cet amour calcine tous les conformismes et toutes les idées reçues, il agit comme un feu purificateur.

Car tout commence par une purification ! .

La Huppe dit :
- La raison ne peut cohabiter avec la folie ou l'amour, l'amour n'a rien à faire avec la raison humaine. Ils s'efforcent a ce détacher de tout.

La Huppe dit encore :
- Quand tu auras la certitude que tu ne possèdes plus rien, il te restera encore à détacher ton coeur de tout ce qui existe. La fin de cette seconde vallée est ainsi marquée par un première audition intérieure.

III. - TROISIEME VALLEE OU VALLEE DE LA CONNAISANCE. L'amour qui est confiance en la volonté supérieure a permis la réduction par le feu de l'esprit du monde extérieur. Cette purification met l'âme en état de réceptivité. La médiation lui donnera accès à la vallée de la Connaissance par intuition directe.
La Huppe dit:
- Lorsque le soleil de la connaissance brille à la voûte de ce chemin, chacun est éclairé selon son mérite et il trouve le rang qui lui est assigné dans la Connaissance de la vérité. La science spirituelle est révélée par une longue méditation patiente. Le calme et le silence sont nécessaires.
La Huppe dit encore :
- Quand on a un goût véritable pour ces secrets, on ressent à chaque instant une nouvelle ardeur pour en connaître d'autres. Cette révélation devient alors le guide spirituel de l'âme. La connaissance n'est cependant révélée qu'en fonction d'une prédestination de l'être.
Cette vallée est marquée par l'acquisition de la gnose, de la connaissance révélée par intuition directe.
IV. - QUATRIEME VALLEE OU VALLEE DE L'INDEPENDANCE.

Muni de la connaissance qui le soutiendra, l'être (et les oiseaux) doit maintenant devenir indépendant des chaînes subconscientes qui le relient encore à son environnement, du monde profane, pour ce fondre dans le cosmos. L'épreuve du vide, du néant permettra une réduction ontologique à l'état du germe, puis pour une autre existence.

Dès l'entrée dans cette vallée, la Huppe dit :
- Il n'y a ni prétention à avoir, ni sens spirituel à découvrir. Toute perception du temps est modifiée.
Elle ajoute :
- Alors cent caravanes vont périr dans l'espace du temps que met la corneille à remplir son jabot.Il faut être absolument indifférent.
La traversée de cette quatrième vallée a été pour les oiseaux une longue ascèse qui a apporté la réduction de " l'ego " par la maîtrise de l'inconscient. Concentré, l'être attend maintenant le face à face divin.

V. - CINQUIEME VALLEE OU VALLEE DE L'UNION.

Cette vallée correspond à la naissance lumineuse d'un être nouveau qui est en communication directe avec l'Unité.
La Huppe nous dit :
- Lorsque le voyageur spirituel est entré dans cette vallée, il disparaît ainsi que la terre même qu'il foule aux pieds. Il sera perdu parce que l'être Unique sera manifesté, il restera muet car cet être lui parlera. Le monde devient à jamais autre. Il se produit un renversement total. La lumière de l'évidence et de la certitude remplace les sensations.
Attar dit :
- Ce qui se présente en toi comme Unité n'est pas différent de ce qui se compte. Même l'intelligence n'a plus rien à faire ici.
Dans cette cinquième vallée l'être nouveau vit désormais dans la certitude de l'Unité retrouvée avec l'entité céleste qui lui correspond.
VI. - SIXIEME VALLEE OU VALLEE DE LA STUPEUR. Dans cette vallée, l'être nouveau réalisé subira dans un grand éclair de stupéfaction, l'épreuve de la visite du monde des intelligences pures.
La Huppe dit :
-Là, il y a plus que du feu de l'esprit, car l'homme de chair en est abattu, brûlé et consumé. La Huppe nous dit encore :
-Les soupirs sont comme des épées et chaque souffle est une amère complainte. C'est à la fois le jour et la nuit et ce n'est ni le jour ni la nuit.
L'être avance ainsi stupéfait de vivre dans un monde éternellement présent, sans mémoire.
La Huppe ajoute :
-Celui qui a l'Unité gravée dans son coeur oublie tout et s'oublie lui-même ".
L'être réalisé accède ainsi à l'invisible, il passe derrière le rideau. (disent les Soufis). Dans cette sixième Vallée, l'épreuve du monde des intelligences pures prépare la résurrection de l'être au sein de l'essence divine.
VII. - SEPTIEME VALLEE OU VALLEE DU DENUMENT. L'être a dépassé le monde des intelligences pures, il est maintenant dénué de tout, il peut s'incorporer à l'harmonie parfaite de l'Unité céleste et participer à la volonté divine. Il est alors l'égale aux plus grands personnages de la spiritualité. Il est Prophète ! (Cette volonté n'est pas déiste, mais uniquement spirituelle).
La Huppe dit :
- Si une chose pure tombe dans cet océan, elle perdra son existence particulière, elle participera à l'agitation des flots de cet océan cosmique, en cessant d'exister isolément, elle sera belle désormais. L'Etre disparaît au sein de l'océan qui est de pure divinité.
La Huppe dit encore :
-Ce que l'on peut considérer comme l'essence de cette Vallée c'est l'oubli, le mutisme, la surdité et l'évanouissement de toute choses.
Car dit la Huppe :
- L'être est devenu porteur de lumière.
- L'être entre dans l'éternité.
- L'être connaîtra peut-être une mission de création mystique dans le monde.
La Huppe ajoute ; - Il ne se verra plus lui-même, il n'apercevra que son ami, dans tout ce qu'il verra, il verra alors sa propre face, dans chaque atome il verra le tout, il contemplera sous le voile des millions de secrets aussi brillants que le soleil.
CONCLUSION : Nous voudrions dire quelques mots de la Huppe. Les oiseaux avancent sous la conduite de la Huppe. Elle est leur guide et leur Conseillère. Son discours n'admet aucun doute et n'est jamais discuté. Il est plein de certitude et semble providentiellement relié à l'âme du monde.
Ce discours est toujours général comme la Loi. Jamais la Huppe n'emploie la ruse. Elle n'est jamais flatteuse non plus. Tout ce qu'elle dit est orienté vers l'Unité, vers l'Ultime face à face. .
Tout ceci nous a conduit à penser que les échanges : D'oiseaux et les réponses de la Huppe correspondaient à un langage intérieur et symbolisaient en fait les méditations.
Les oiseaux représentaient alors les multiples facettes de notre 'moi' et la Huppe est cette voix intérieure qui doit, selon ATTAR, nous enseigner toute vérité. Les oiseaux qui meurent pendant le voyage deviennent les modes de penser et de sentir qui ne sont pas en harmonie avec l'ordre et qui devront donc disparaître.
Ceci dit, ne nous étonnons pas, si à travers ce que nous dit la Huppe, un passage se fait vers la partie la plus secrète de notre être, provoquant la percée d'éclairs de vérité. Comprendre le langage des oiseaux serait donc comprendre le langage secret qui nous interpelle, constamment, au plus profond de notre inconscient personnel.

Nous ne pouvons que dire notre émerveillement d'avoir rencontré au sein de l'Islam soufi un gnostique authentique : Farid al-Din Attar. Il est véritablement un représentant de l'universelle spiritualité du monde qui, au-delà des siècles, des distances, des races et des religions nous fait un discours d'où surgissent, comme des fleurs, les figures, des archétypes que nous avons toujours pressenties, attendues et désirés.


A.v.Saenger.


- (*) Farid al-Din Attar. Poète persan (aujourd'hui l'Iran) a vécu de 1119 a 1190 ou encore jusqu'en 1220). Médecin, il pratiquait surtout la pharmacie. Attar veut dire en perse le Droguiste. Il fait parti du grand courant mystique dans la tradition spirituelle Soufi de l'Ecole d'al-Hallâdj - (**) La Huppe, un oiseau genre passereau porteur d'une couronne de plumes...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un texte d'une densité essentielle en nos temps de déliquescence, tant de la pensée, que de la voie du coeur.
La clarté intérieure devrait s'appliquer sans limites ni appropriation déplacée pour ces textes appartenant à l'humanité dans son ensemble.
Les sources intégrales se trouvent depuis 1999 sur http://www.simorg.net (qui ne propose qu'un travail de compilation, réflexion, traduction...sur cette voie)
Merci cependant d'avoir participé à la diffusion de ces symboles salvateurs pour la conscience humaine.