samedi 9 février 2008

Le soufisme en Inde: la Chishtiyya et la Naqshbandiyya

Salam alaikoum ,

eh oui , encore l'Inde avec une etude interessante de Line Droël , principalement sur les confreries Naqshibandiyya et Chishtiyya ...


1. INTRODUCTION

L’Inde est l’un des pays au monde qui compte la plus importante communauté musulmane. Ce sont principalement les soufis, mystiques musulmans, qui ont répandu l’islam dans le sous-continent indien. Certains de ces « saints » soufis ont été enterrés en Inde et leurs sanctuaires, dargâh, font l’objet d’importants pèlerinages.
Dans ce travail, je présenterai tout d’abord le soufisme en Inde, en abordant le rôle que jouent les pîr (« vieil homme », « chef ») dans la religiosité populaire et dans la société indo-pakistanaise.
Je décrirai ensuite la rencontre du bouddhisme et de l’hindouisme avec le soufisme et tenterai de mettre en évidence les influences qu’ont eu ces deux courants religieux sur cette dernière tendance. Je soulignerai également le type de rapports qu’ils ont entretenus.
Après cela, je traiterai plus précisément de la tariqa (« voie ») soufie Chishtiyya, l’une des plus importante du sous-continent indien. J’établirai une biographie de Mu’în al-Dîn Chishtî, fondateur de cette confrérie en Inde, sans négliger les nombreux éléments de légende liés à son histoire. J’exposerai ensuite son message, ainsi que les principes de la Chishtiyya.
Je continuerai en traitant de la ville d’Ajmer et de sa dargâh, où repose Mu’în al-Dîn Chishtî.
Je décrirai le déroulement du pèlerinage effectué dans cette ville par des centaines de milliers de personnes chaque année, les rites qui y sont liés et les motivations des pèlerins.
Je présenterai ensuite la voie soufie Naqshbandiyya, également très influente dans le sous-continent indien. J’établirai une brève biographie de son maître, Muhammad Bahâ’uddîn Shâh Naqshband, puis exposerai les principes de cette tariqa.
Ma conclusion reviendra sur la place des dargâh en Inde, en soulignant la différence entre le culte des saints, qui leur est lié, et le soufisme. Il sera aussi question des rapports qu’entretiennent les hindous avec ces lieux de cultes musulmans, et du phénomène inverse.
Pour effectuer ce travail, je me suis basée aussi bien sur des ouvrages d’auteurs occidentaux, non musulmans, que sur des textes et sites Internet élaborés par des adhérents aux voies soufies traitées, cela, principalement pour ce qui concerne l’exposé des principes de celles-ci.
Je n’ai, en outre, nullement tenté d’écarter les éléments qui sont de l’ordre de la légende, des deux biographies que j’ai établies, ces derniers étant représentatifs de l’imaginaire populaire de la société indo-pakistanaise.

2. LE SOUFISME EN INDE

Les mystiques musulmans, que l’on appelle soufis, ont été en grande partie à l’origine de la conversion à l’islam des populations du sous-continent indien. Ces « saints » soufis professaient différentes « voies » mystiques, turuq, (pluriel de tariqa), et des confréries se sont formées autour de ces chefs spirituels et de leurs doctrines.
Les deux premières confréries qui s’implantèrent dans le sous-continent indien furent la Chishtiyya et la Suhrawardiyya. Par la suite, beaucoup d’autres ordres soufis établirent également leur centre dans cette région.
Parmi les confréries soufies présentes en Inde, l’on peut également citer la Qâdiriyya et la Naqshbandiyya, dont il sera question plus loin.

2.1. Les pîr dans le sous-continent indien

En Inde, de même qu’au Pakistan et en Afghanistan, le culte des « saints » soufis tient une place centrale dans la religiosité populaire. Ces saints sont enterrés dans des dargâh, « sanctuaires », qui constituent des lieux de pèlerinage plus ou moins importants, tenus par un pîr.
Pîr est un terme persan signifiant « vieil homme », « fondateur » ou « chef » d’un groupe religieux. Dans le sous-continent indien, ce titre désigne une personne ayant hérité des pouvoirs occultes d’un grand ancêtre soufi. Les pîr distinguent la tariqa (voie soufie) à laquelle ils adhèrent, de la shari’a, et prétendent avoir reçu des connaissances ésotériques leur permettant d’accomplir des miracles et de communiquer avec Dieu. La majorité des pîr, en Inde et au Pakistan, est constituée de descendants de grands maîtres spirituels soufis et ne se conforme pas toujours à la shari’a. Ces pîr tirent donc, parfois, davantage leur légitimité de l’hagiographie de leurs ancêtres que de leur connaissance et mise en pratique de la shari’a.
Les musulmans du sous-continent indien accordent une importance considérable aux pîr, dont les bénédictions sont censées apporter le succès dans tous les domaines de la vie. Leur rôle peut être comparé à celui des marabouts d’Afrique subsaharienne.
Les pîr jouent par ailleurs un rôle central lors des fêtes ayant lieu autour des dargâh, les plus importantes étant les urs (« noces » mystiques avec Dieu), qui célèbrent l’anniversaire de la mort de saints soufis.
Les deux écoles de ‘ulama (« savants » musulmans) les plus importantes du sous-continent, les Deobandis et les Barelwis, ne sont pas du même avis quant au rôle des pîr. Les Deobandis sont farouchement opposés aux pîr, du fait de leur non-respect de la shari’a et du soufisme, et voudraient substituer le rôle de ces derniers à celui des ‘ulama. Les Barelwis préconisent par contre la perpétuation des traditions populaires relatives au soufisme, aux lieux saints et au rôle des pîr héréditaires.

2.2. Soufisme, hindouisme et bouddhisme

Quand le soufisme est entré en contact avec l’hindouisme et le bouddhisme, ses caractéristiques principales, ayant leurs origines dans la tradition islamique, s’étaient déjà développées, et il avait également subi des influences des traditions chrétiennes et néo-platoniques.
C’est au nord-ouest de la Perse et en Asie centrale que les premiers contacts entre soufisme et bouddhisme ont eu lieu. Certains concepts de ces deux courants religieux semblent au premier abord assez proches du soufisme. Un parallèle peut notamment être établi entre l’« extinction », fanâ, soufi, et le nirvâna. Les deux phénomènes ne doivent toutefois pas être perçus comme similaires : « Les deux termes impliquent la disparition de l’individualité, mais alors que le nirvâna est purement négatif, le fanâ est accompagné de la baqâ, la vie éternelle en Dieu. L’extase du Sûfî qui s’est perdu dans la contemplation extatique de la beauté divine est complètement opposé à la sérénité dépassionnée de l’Arahat ».[Ma traduction]
Par ailleurs, le concept soufi de « paix avec tous », suhl-i kul, qui constitue l’un des traits dominants du soufisme indien du 18ème siècle, semble avoir été emprunté au bouddhisme mahâyâna. Notons également que la pratique naqshbandi consistant en « la concentration sur l’image mentale du précepteur », tasawwur-i shaykh, semble avoir une origine bouddhiste. En outre, la ville de Balkh, en Afghanistan, a longtemps été un centre monastique bouddhiste avant de devenir le lieu de résidence de plusieurs soufis éminents.
Ces parallèles et similitudes ne doivent cependant pas faire oublier la différence fondamentale entre ces deux traditions : « le Bouddhiste se moralise lui-même ; le Sûfî ne devient moral qu’à travers la connaissance et l’amour de Dieu ». [Ma traduction]
En Inde plus qu’ailleurs, à cause du risque que représentait l’environnement majoritairement hindou pour le soufisme, les soufis ont tenté de résoudre leurs dilemmes par l’orthodoxie. Les confréries soufies qui se sont établies en Inde considéraient l’aspect exotérique de la religion comme indissociable de sa connaissance ésotérique. Ainsi, al-Hujwîrî, un soufi, aurait affirmé : « L’aspect exotérique de la Vérité sans l’ésotérique est une hypocrisie, et l’ésotérique sans l’exotérique est une hérésie. Ainsi, en ce qui concerne la Loi, la formalité seule est défectueuse, tandis que la spiritualité seule est vaine ». [Ma traduction].
Parmi l’élite intellectuelle musulmane, les soufis ont été les premiers à entrer en contact avec les Hindous et de ce fait, avec le mysticisme hindou. Ainsi, le yoga semble avoir particulièrement influencé les soufis.
La pratique ascétique hindou bouddhiste consistant à errer dans les forêts a également accentué cette tendance, alors déjà présente, chez certains soufis. Ceux-ci furent désignés en tant que qalandars. Entre le 14ème et le 15ème siècle, les soufis hétérodoxes qalandars introduirent l’usage du café, de l’opium et du hashish au sein des ordres soufis hétérodoxes d’autres pays appartenant au Dâr al-islam.
Parmi les ordres soufis ayant adhéré à ces pratiques d’errance ascétique, l’on peut citer les Shattârî, dont le représentant le plus connu est Muhammad Ghauth, enterré à Gwalior.
La tradition hagiographique soufie rapporte également que, jusqu’au 18ème siècle, des compétitions relatives à l’accomplissement de miracles auraient pris place entre soufis et yogis hindous. Il s’agissait notamment de « voler dans les airs » et d’accomplir des « miracles de prosélytisme ». Des concours de « force spirituelle » ont aussi eu lieu.
Des soufis commencèrent également à être vénérés par des Hindous.
Soulignons que les interactions entre le mysticisme hindou et le soufisme ont souvent été surestimées.
L’on constate également que les principales confréries soufies présentes en Inde ont eu des attitudes similaires vis-à-vis de l’hindouisme. D’abord empreints d’hostilité, leurs rapports ont ensuite été marqués par une phase de « co-existence », puis ont évolué vers des relations de tolérance et de compréhension mutuelles.

3. LA CHISHTIYYA

La chishtiyya est l’une des confréries soufies les plus importante du sous-continent indien. Elle semble avoir été la première à s’établir en Inde, vers la fin du 12ème siècle. Cet ordre soufi tire son nom de la ville de Chisht, en Afghanistan. Le fondateur de la chishtiyya indienne, Mu’în al-Dîn Hasan Chishtî est toutefois né à Isfahan, en Iran. Il est enterré dans la dargâh d’Ajmer, devenue un important centre de pèlerinage.
Alors que le sultanat de Delhi prenait son essor, la Chishtiyya et la Suhrawardiyya étaient les ordres soufis les plus influents en Inde. La Shattâriyya, la Naqshbandiyya et la Qâdiriyya ne parvinrent pas à acquérir leur importance.

3.1. Khwâja Mu’în al-Dîn Hasan al-Husainî al-Sijzî Chishtî

La biographie de Mu’în al-Dîn Hasan Chishtî et les anecdotes relatives à sa vie sont empreintes de légende. Les quatre sources principales ayant servi à établir cette hagiographie sont le Siyar al-Awliyâ’, le Siyar al-‘Arifîn, les malfûzât (« discours oraux ») et le Siyar al-Aqtâb.
Mu’în al-Dîn Hasan al-Husainî al-Sijzî Chishtî est né en 1236 dans une famille de Saiyid (descendants du Prophète Muhammad), du Sijzistan, à Isfahan (Iran). Son père, Ghiyâs al-dîn Hasan al-Husainî était particulièrement pieux et vertueux. Mu’în al-Dîn fut élevé à Sanjar, dans le Khurasan.
Son père mourut lorsqu’il avait quinze ans. Le jardin familial et une meule devinrent alors les seuls moyens de subsistance de Mu’în al-Dîn et de sa mère, Bîbî Mah Nûr. Le futur « saint » avait l’habitude de prier dans ce jardin et c’est là qu’il entra en contact avec un mystique, Khwaja Ibrâhîm Qundûzî. Cette rencontre fit naître en Mu’în al-Dîn une ardente dévotion en Dieu et il devint absorbé par la recherche de la Vérité (al-haqq, « Dieu »).
Il vendit alors son héritage, se détacha du monde et des préoccupations matérielles et entreprit d’approfondir ses connaissances en matière de religion. Il quitta le Khurasan pour Samarqand, puis se rendit en Arabie et à Baghdad, où il rencontra Khwaja ‘Usmân Hârwanî, qui le prit comme murîd (« aspirant », disciple spirituel).
Mu’în al-Dîn demeura au service de Hazrat Khwaja Hârwanî durant vingt ans. Il voyageait et vivait à ses côtés, en s’instruisant.
Il est rapporté qu’à la Mecque, devant la Ka’ba, une voix parvint à Mu’în al-Dîn disant : « Mu’în al-Dîn est mon ami. Je l’ai accepté et exalté ». Khwaja ‘Usmân Hârwanî et son murîd se rendirent ensuite à la tombe du Prophète, où Mu’în al-Dîn fit son salâm (« paix », salutation). Une voix lui répondit: « Wa ‘alaikum as-salâm, étoile polaire de tous les saints ! ». A leur retour à Baghdad, Khwaja Hârwanî devint un mu’takif (celui qui est constamment en prière à la mosquée). Il autorisa alors Mu’în al-Dîn à partir voyager seul et lui donna les bénédictions qu’il avait lui-même reçues du khwâjagân de Chisht. Son instruction était donc terminée.
Mu’în al-Dîn appréciait beaucoup les samâ’ (concerts spirituels) et tous ceux qui passaient du temps à ses côtés devinrent également des adeptes de samâ’. A Baghdad, un cercle (halqa) se forma autour de lui.
Un jour, alors qu’il se trouvait près de la Ka’ba, Mu’în al-dîn entendit une voix : « Mu’în al-dîn, je suis satisfait de toi et je t’ai accepté. Demande ce que tu veux, et je te l’accorderai ». Mu’în al-dîn répondit : « Ô Allah, accepte ces murîds qui sont mes disciples et ceux qui seront mes descendants ». Dieu déclara : « Ô Mu’în al-dîn, toi, tous tes murîds et tous les murîds qui seront tes descendants jusqu’au Jour du Jugement, je les accepte tous ».
Depuis ce jour, Mu’în al-Dîn eut coutume de dire : « quiconque est mon murîd, et quiconque est le murîd de mes murîds et quiconque est mon descendant jusqu’au Jour du Jugement, Mu’în al-dîn n’entrera pas au Paradis jusqu’à ce que tous mes murîds [y] soit entrés ». [Ma traduction].
Mu’în al-Dîn Chishtî aurait rencontré à deux reprises Muhiy al-Dîn Shâh ‘Abd al-Qâdir Jîlânî, (savant perse né en 1077). ‘Abd al Qâdîr Jîlânî aurait alors prédit que Mu’în al-Dîn serait le cheikh le plus renommé de son époque et que nombreux seraient ceux qui atteindraient leur but spirituel de par sa richesse spirituelle.
Un jour, alors qu’il se trouvait à proximité de la tombe du Prophète Muhammad, à Médine, une voix demanda à Mu’în al-Dîn d’entrer dans la tombe en question. Le Prophète lui dit qu’il devait se rendre à Ajmer, dans l’Hindustan, afin de libérer cette ville de l’emprise des kâfirs (infidèles), qui l’avaient reconquise. Le Prophète donna une grenade au Khwâja, afin qu’il puisse y voir son chemin. Il se mit en route accompagnée de quarante hommes. Le Râjâ (roi) d’Ajmer, avait été informé par les astrologues de la venue du soufi et avait ordonné que ce dernier soit tué. Le groupe atteignit toutefois Ajmer sans encombre.
A Ajmer, Khwâja Mu’în al-Dîn Chishtî s’établit au bord du lac Ana Sagar. De nombreux temples à l’effigie d’idoles étaient construits près de ce lac. Le Khwâja déclara alors que conformément à la volonté de Dieu et de Son Prophète, il ne tarderait pas à les détruire.
Les infidèles hindous tentèrent de le faire fuir, en l’attaquant à l’aide d’armes et de procédés magiques. Cela n’eut toutefois aucun effet sur ce dernier et les infidèles durent prendre la fuite. En outre, le soufi, qui n’avait pas apprécié que le gardien de chameaux du Mahârâjâ lui dise de s’en aller, avait paralysé ses chameaux. Le gardien s’en plaignit donc à son roi, qui lui répondit que seul le fait qu’il implore le darvîsh la tête à ses pieds pourrait annuler la malédiction. Le gardien obéit et les chameaux purent à nouveau se mouvoir.
Peu de temps après cela, Shâdî Dev, la divinité de la ville, et Ajaipâl, le jogî le plus puissant du pays, se rendant compte du pouvoir exceptionnel de Mu’în al-Dîn Chishtî, lui proposèrent de s’installer au centre de la ville. Il établit sa résidence à l’endroit où il est maintenant enterré, qui appartenait auparavant à la divinité Shâdî Dev.
Le roi, ayant refusé de se convertir à l’islam, fut renversé et emprisonné par le sultan Shihâb al-Dîn, encouragé par Mu’în al-Dîn. Le Râjâ Pithaurâ de Delhi subit le même sort peu de temps après. Shâdî Dev se convertit par contre à l’islam, de même qu’Ajaipâl.

Mu’în al-Dîn Chishtî épousa la fille d’un gouverneur d’Ajmer, nommée Bîbî Asmat. Ce gouverneur s’était vu ordonner par le Prophète Muhammad, en rêve, de donner sa fille en mariage au darvîsh. Ce dernier accepta malgré son âge avancé, ne pouvant refuser un ordre émanant du Prophète.
Mu’în al-Dîn eut également une deuxième épouse, fille d’un râjâ renversé par les musulmans qui l’avaient capturée. Il la nomma Bîbî Umiya.
Trois fils et une fille, Bîbî Hâfiza Jamâl, naquirent de ces unions. Bîbî Hâfiza Jamâl était particulièrement pieuse et vertueuse et devint un disciple de son père. Elle est aujourd’hui enterrée à ses côtés.
Khwâja Mu’în al-Dîn Hasan Chishtî mourut sept ans après son premier mariage, ou dix-sept ans selon d’autres sources, à l’âge de 97 ou de 107 ans, le 6 du mois de Rajab, en l’an 633 de l’hégire. Il est rapporté que l’inscription « l’Amoureux d’Allâh est mort dans l’Amour d’Allâh » [ma traduction] serait alors apparue sur son front.

3.2. Message et enseignement de Mu’în al-Dîn Chishtî

L’hagiographie de Mu’în al-Dîn Chishtî met en évidence des principes considérés comme essentiels par les Chishtîs :
L’obéissance du « murîd » au « murshid » (guide) : Mu’în al-Dîn passe vingt ans au service de ‘Usmân Hârwanî, son maître, en faisant toujours passer le confort de ce dernier avant le sien.
Le renoncement aux affaires du monde matériel : il est dit que Mu’în al-Dîn s’était retiré des affaires du monde et était vêtu de façon très modeste. Lors de ses voyages, il quittait un endroit dès qu’il commençait à y être connu.
L’indépendance de l’Etat : Mu’în al-Dîn n’a apparemment jamais eu affaire à un dirigeant ou à un gouvernement musulman.
L’approbation des « samâ’ » (concerts spirituels) : Mu’în al-Dîn appréciait beaucoup les samâ’, auxquels il assistait très souvent.
Une vie quotidienne basée sur les prières et une intense dévotion : Mu’în al-Dîn était constamment en état de contemplation, jeûnait durant le jour et priait pendant la nuit. En outre, il avait coutume de réciter l’intégralité du Coran deux fois par jour et est demeuré en état de pureté rituelle, (sans « briser » ses ablutions), pendant 70 ans.
La subsistance par la culture de terre en friche et par des dons : il n’est spécifié nulle part que Mu’în al-Dîn aurait été dépendant de quelqu’un, si ce n’est en acceptant des offrandes volontaires.
La désapprobation de manifestation ostentatoire de pouvoirs miraculeux : ici, les principes des chishtîs divergent quelque peu des faits mis en évidence par la légende, qui rapporte de nombreuses occasions où les pouvoirs miraculeux de Mu’în al-Dîn ont été mis en œuvre.
Mu’în al-Dîn communique notamment à plusieurs reprises avec Dieu et a également des capacités divinatoires. Il accomplit également des miracles pour aider des personnes en difficulté et pour en convertir d’autres.
L’aide à autrui : Mu’în al-Dîn vient généralement en aide à autrui en faisant usage de
ses pouvoirs miraculeux.
La tolérance et le respect à l’égard des autres religions : Mu’în al-Dîn aurait une fois
qualifié un Hindou d’« homme saint de Dieu ». En outre, certaines traditions le décrivent comme ayant respecté les Hindous tout en ayant ramené des musulmans déviants sur le droit chemin. Les « conversions miraculeuses » que Mu’în al-Dîn accomplit sont toutefois souvent mises en évidence, notamment dans le cas du dieu Shâdî Dev et du Jogî Ajaipâl.
Voici enfin quelques extraits du message de Mu’în al-Dîn Chishtî :
L’Illuminé est un ennemi du monde, et un ami de Dieu. C’est pourquoi il renonce au monde, et est au-dessus des soucis de la vie.
L’Illuminé est quelqu’un qui n’implore aucune aide de personne, excepté de Dieu.
La repentance de ceux qui aiment [Dieu] est de trois sortes : premièrement, la honte ; deuxièmement, le fait d’éviter le péché ; et troisièmement, se purifier en se purgeant de toute cruauté et inimitié.
Le disciple spirituel mérite d’être appelé Dervish, seulement s’il vit dans le monde de la non-existence.
Ceux qui aiment Dieu sont ceux qui, s’ils accomplissent des prières du matin, pensent constamment à L’Ami (walî, Dieu) jusqu’aux prochaines prières du matin.
Celui qui rompt ses liens d’amour d’avec ses parents, ses frères et ses fils, et se dévoue exclusivement à Dieu et Son Prophète, seul celui-ci aime vraiment Dieu.
Dix choses sont nécessaires pour un Dervish, à savoir, la recherche de Dieu, la recherche d’un guide spirituel, le respect, le renoncement, l’amour, la piété ; la constance et la persévérance ; manger peu, dormir peu, la solitude ; et enfin, les prières et le jeûne.
Celui qui a de l’amour en son cœur ne se sent pas du tout affligé par la pauvreté, la faim ou l’ascèse.
Celui qui veut être épargné par le feu de l’enfer et la peur du jour de la résurrection, doit obéir à Dieu. Il doit lui obéir dans des détails supérieurs à n’importe quelle prière, à savoir, rendre justice aux blessés, aider les nécessiteux et nourrir les affamés.
Celui qui est constant et ferme en amour, accepte, volontairement et avec plaisir, toutes les difficultés et douleurs, reçues de l’Ami (walî, Dieu).

3.3. Ajmer et sa dargâh

Ajmer se trouve dans l’Etat du Rajasthan, à 130 kilomètres au sud de Jaipur et compte aujourd’hui environ 493'000 habitants. L’une des premières rencontres entre les Moghols et les Anglais eut lieu à Ajmer, où Sir Thomas Roe rencontra l’Empereur Jahângîr en 1616.
Les Anglais prirent le contrôle de la ville en 1818 et y fondèrent une école prestigieuse, le Mayo College, en 1875, où seuls les princes indiens pouvaient étudier. Cette école réputée est aujourd’hui ouverte à tous.
Notons qu’un lac artificiel datant du 12ème siècle, le lac Ana Sagar, s’étend au nord-ouest de la ville. Il est bordé de pavillons de marbre érigés par l’Empereur Shâh Jahân.
La Dargâh (sanctuaire) de Mu’în al-Dîn Chishtî est située dans la vieille ville d’Ajmer, au pied de la colline de Taragarh. Différents sultans, dont Humayun, ont participé à la construction de la dargâh, qui s’est échelonnée sur une longue période.
Akbar fut le premier empereur Moghol à s’intéresser à Mu’în al-Dîn. Il visita la dargâh à quatorze reprises et contribua fortement à sa prospérité et à son élaboration. L’Empereur Shâh Jahân visita pour sa part Ajmer cinq fois, durant son règne et construisit, entre autres, une mosquée réputée splendide dans l’enceinte sacrée.

3.3.1. Le pèlerinage

Depuis plusieurs siècles, Ajmer, du fait de sa dargâh, est un important centre de pèlerinage musulman en Inde. Des pèlerins originaires du monde Indo musulman et d’ailleurs s’y rendent tout au long de l’année.
L’anniversaire de la mort de Mu’în al-Dîn, l’urs (« noces » mystiques avec Dieu), attire le plus grand nombre de pèlerins. Entre 1879 et 1976, une moyenne de 100'000 pèlerins y ont participé chaque année.
Des Hindous visitent également la dargâh, mais ce sont généralement des résidents d’Ajmer.
Le but des pèlerins est le mausolée de Mu’în al-Dîn Chishtî. Des offrandes y sont faites par ceux dont les prières ont été entendues. Ces derniers nouent des ficelles, sur des surfaces de marbre percées autour du mausolée, qu’ils détachent une fois leurs prières exaucées.
Des pétales de roses sont également dispersés sur la tombe. Ceux qui y sont restés quelques temps sont offerts à des personnes privilégiées, qui les mangent ou les conservent comme tabarruk (ce qui attire la baraka, « bénédiction »). Soulignons que tout contact avec la tombe du saint ou ce qui y est lié, est censé apporter la baraka.
Les pèlerins disposent aussi, parfois, une pièce de tissus, le châdar, sur la tombe, après l’avoir portée au-dessus de leur tête jusqu’à la dargâh. Sa qualité varie par ailleurs considérablement selon la richesse de son propriétaire.
Les pèlerins tournent sept fois autour du mausolée, comme c’est le cas autour de la Ka’ba, à la Mecque. Ils passent également du temps assis dans l’enceinte sacrée « dans un silence passif et réceptif afin d’absorber la présence spirituelle du saint et de méditer sur sa vie et ses enseignements ». [Ma traduction]
Après leur visite à la dargâh sharîf, les pèlerins se rendent dans tous les autres lieux d’Ajmer, liés à Mu’în al-Dîn ou à son entourage. Il s’agit notamment d’une autre dargâh de Mu’în al-Dîn, située au pied de la colline de Taragarh, d’un sanctuaire connu comme la chillâ de ‘Abd al-Qâdir Jîlânî, bâti sur cette même colline, et de la dargâh de Mîrân Husain Khing Sawâr, au sommet de la colline.
Les pèlerins font des offrandes en argent ou en nature lors de leurs visites des différents monuments sacrés et font l’aumône aux nombreux mendiants se trouvant généralement à proximité de ceux-ci. Notons également la présence d’ascètes itinérants parmi ces derniers.
L’administration de la dargâh distribue par ailleurs de la nourriture aux indigents deux fois par jour, conformément aux principes de Khwâja Chishtî, depuis un bâtiment appelé le langar khâna.
A l’origine, du riz était également cuisiné dans deux grands chaudrons, les degs, et distribué aux pauvres. Ce riz est aujourd’hui vendu et considéré comme tabarruk (attirant la baraka).
Les samâ’ (concerts spirituels) tiennent une place importante dans les activités de la dargâh, surtout lors de l’urs.
Avant que le concert ne débute, les sourates al-Fâtiha, al-Ikhlâs, ainsi que deux autres sourates, sont récitées. Une friandise appelée dallî est ensuite distribuée aux spectateurs.
Le Sajjâda-Nishîn (représentant vivant du saint), assiste à certains samâ’, assis sous un dais de soie, à une extrémité de la cour des samâ’, ( la Samâ’ Khâna). La musique est transmise par haut-parleurs dans toute la dargâh, de sorte que les femmes, interdites d’entrées dans la Samâ’ Khâna, et les retardataires, puissent tout de même en profiter.
Le groupe de qawwâls, (musiciens), est constitué d’un joueur de tambour, d’un harmonium et d’au moins deux autres chanteurs. Les mêmes qawwâls ne jouent cependant pas toute la nuit. Différentes réactions sont à observer parmi les spectateurs des samâ’ : beaucoup ne sont pas particulièrement attentifs à la performance et bavardent, d’autres voient la musique comme une aide à la contemplation religieuse, enfin, certains tombent en extase.
Les concerts prennent fin à 3 heures du matin. Du thé est alors servi aux spectateurs les plus importants, puis la sourate al-fâtiha est récitée.
Le dernier jour de l’urs, la prière ( namâz) attire une foule considérable, et le neuvième jour de la fête, (9 du mois de Rajab), la dargâh est entièrement nettoyée. L’intérieur du mausolée est lavé à l’eau de rose.
Les dévots considèrent que le saint continue à jouer son rôle de guérisseur et de guide spirituel, bien qu’il soit mort, et se rendent sur la tombe de Mu’în al-Dîn pour des motifs matériels ou spirituels.
Il s’agit souvent de demander au saint de combler un besoin ou de le remercier pour l’aide déjà reçue. La guérison, le désir d’avoir un enfant, de trouver une épouse, d’avoir du succès en affaires et de ne pas subir de drames sont parmi les motifs de pèlerinage les plus courants.
La majorité des visiteurs de la dargâh n’y viennent toutefois pas pour des raisons spécifiques. Ils remercient simplement le saint pour leur bien-être et prient pour qu’il dure.

4. LA NAQSHBANDIYYA

La tariqa naqshbandiyya tire son nom de Bahâ’uddîn Shâh Naqshband, qui est considéré comme son maître, bien qu’il ne l’aie pas fondée. Abû Ya’qûb Yûsuf al-Hamadânî, né en 1140, et ‘Abd al-Khâliq al-Ghujdawânî, né en 1179, en sont les fondateurs.
Cet ordre soufi a répandu son influence de la Turquie à l’Inde, en passant par le Caucase et l’Asie centrale. C’est aujourd’hui l’une des principales confréries soufi du sous-continent indien.
Les naqshbandîs pratiquent entre autres la « méditation silencieuse du cœur » et sont connus comme les « soufis silencieux ». Les samâ’ et les danses n’ont donc pas leur place dans le procédé mystique naqshbandî. En outre, les naqshbandîs accordent, comme beaucoup d’autres ordres soufis, une grande importance aux rêves et à leur interprétation.

4.1. Muhammad Bahâ’uddîn Shâh Naqshband

Muhammad Bahâ’uddin Shâh Naqshband est né en 1317, au mois de Muharram, dans le village de Qasr al-‘Arifan, près de Bukhara, dans une famille tadjik. Il est considéré comme le maître de la Naqshbandiyya par ses adeptes, qui lui donnent notamment les titres de « Sultan des Saints », ou de « grand assistant (ghauth) ».
Il aurait reçu des pouvoirs miraculeux durant son enfance et à l’âge de dix-huit ans, fut envoyé par son grand-père auprès de l’un des shaykh de la tariqa, Muhammad Bâbâ as-Sammâsî, qui devint son maître. A la mort de celui-ci, il se maria et continua son instruction auprès de Sayyid Amîr Kulalî.
Bahâ’uddin rencontra également un derviche turc du nom de Khalîl, auprès duquel il resta six ans. Après cela, il ressentit le besoin de s’écarter des affaires du monde. Ayant terminé son instruction, un cercle de disciples se forma autour de lui. Il prônait un style de vie mystique austère et discret, affirmant « ce qui est apparent est pour le monde, ce qui est caché (intérieur) est pour Dieu », (az-zâhir li l-khalq al-bâtin li l-haqq).

Shâh Naqshband encourageait également ses disciples à gagner leur vie « à la sueur de leur front » et à faire don aux indigents de ce qu’ils gagnaient. Lui-même vivait de façon particulièrement austère, ne se nourrissant que de l’orge qu’il faisait pousser et invitant les pauvres à sa table. Il jeûnait la plupart du temps, mais rompait son jeûne lorsqu’il recevait un invité, conformément à l’un de ses principes : « Conservez l’harmonie avec vos amis, mais sans commettre de péchés. Cela signifie que si vous jeûniez lorsque quelqu’un est venu vers vous en ami, vous devez vous asseoir à ses côtés de sorte à lui tenir compagnie convenablement. L’un des principes du jeûne, ou de n’importe quel acte de culte, est de dissimuler ce que l’on fait. Si l’on le révèle, en disant, par exemple, aux invités ‘je jeûne’, alors l’orgueil peut faire son apparition et ruiner le jeûne. C’est la raison qui motive le principe ». [Ma traduction]
Shâh Naqshband mourut en 1388, un lundi soir du mois de Rabi’ul-Awwal. Il fut enterré dans son jardin, comme il l’avait souhaité. Il avait passé ses derniers jours dans sa chambre, où ses disciples lui rendaient visite et recevaient ses conseils.
Les différents rois de Bukhara prirent soin de son école et de sa mosquée, tout en faisant accroître leur influence.
Le maître de la Naqshbandiyya eut plusieurs successeurs renommés, parmi lesquels Shaykh Muhammad bin Muhammad Alauddîn al-Khwarazi al-Bukhari al-Attar et Muhammad Parsa, auteur de la Risâla Qudsiyya.

4.2. Les 11 principes naqshbandî

La voie naqshbandî est basée sur onze principes ou exercices. Les huit premiers ont été formulés par ‘Abd al-Khâliq al-Ghujdawânî et les trois derniers, ajoutés par Bahâ’uddîn Shâh Naqshband.
Yâd kard (le souvenir ou « faire mention »), oralement et mentalement : consiste en la répétition constante du dhikr (invocations) qui nous a été attribué, afin d’atteindre la vision de la béatitude. Shâh Naqshband avait coutume de dire : « le but du dhikr est que le cœur ait toujours al-Haqq [Dieu] en conscience, car sa pratique bannit l’inattention ».
Bâz gasht (la contrainte ou retenue) : quand le dhâkir (celui qui pratique le dhikr), est en train de répéter la shahâda, il devrait y interposer des phrases telles que « Mon Dieu, tu es mon but et ta satisfaction est mon but », afin d’éviter que ses pensées ne s’égarent. Cela a aussi un sens de retour à Dieu, de repentir.
Nigâh dâsht (la vigilance) : être vigilant vis-à-vis des pensées qui pourraient nous égarer, lorsque l’on répète la phrase sacrée (la shahâda).
Yâd dâsht (le souvenir) : se concentrer sur la présence divine dans un état de dhawq (sensibilité), d’avant-goût, d’anticipation intuitive ou de perception, sans aide extérieure.
Hôsh dar dam (conscience de la respiration) : il s’agit de la technique du contrôle de la respiration. L’on ne doit pas exhaler ou inhaler de façon négligente, sans y penser.
Safar dar watan (voyager vers sa patrie) : c’est un voyage intérieur, un mouvement allant des qualités blâmables vers des qualités louables. Certains le considèrent comme la révélation de la face cachée de la shahâda.
Nazar bar qadam (être attentif à l’endroit où l’on marche) : le sâlik (pèlerin) doit toujours être attentif, lors de son voyage et quel que soit le pays qu’il traverse, à ce que son regard ne soit pas distrait du but de son voyage.
Khalwat dar anjuman (la solitude parmi une foule) : le voyage du pèlerin, bien qu’il se déroule en apparence dans le monde, est un voyage intérieure avec Dieu. Il est en outre conseillé de pratiquer le dhikr chaque semaine au sein d’une assemblée.
Wuqûf zamânî (la conscience du temps) : consiste à être conscient de la manière dont on passe notre temps : en restant sur la bonne voie, ou en s’en égarant. Dans ce dernier cas, l’on doit se repentir. Le mûrid doit analyser et évaluer ses actions à tous moments.
Wuqûf ‘adadî (la conscience des nombres) : compter le nombre de dhikr que l’on effectue, de sorte à empêcher les mauvaises pensées de nous envahir et à accomplir le plus rapidement possible la répétition prescrite par le maître.
Wuqûf qalbî (la conscience du cœur) : cela consiste à diriger son coeur vers la présence divine uniquement, à ressentir et visualiser chaque pensée et inspiration, bonne et mauvaise, alternant entre la lumière et l’obscurité à l’intérieur du cœur. Le dhikr est en effet prescrit dans le but de contrôler et éviter les turbulences du cœur.

5. CONCLUSION

Chez les musulmans du sous-continent indien, le culte des saints tient une place particulièrement importante. Celui-ci est à différencier du soufisme, bien que les dargâh soient aussi visitées par des soufis. Les préoccupations matérielles de beaucoup de pèlerins sont d’ailleurs bien éloignées du renoncement au monde que prônaient les saints soufis. La richesse et la splendeur de la plupart des dargâh paraissent également en contradiction avec les principes d’austérité des saints qu’elles abritent.
Les enseignements de ces grands soufis ne sont toutefois pas totalement négligés, la distribution en masse de nourriture aux pauvres, notamment à la dargâh d’Ajmer, en est un exemple.
L’importance qu’ont revêtu les saints, dans de nombreuses régions du monde musulman, s’explique entre autre par le vide laissé par le Prophète Muhammad, à sa mort. Les saints, capables de communiquer aussi bien avec l’homme qu’avec le Divin ont en quelque sorte remplacé l’intermédiaire qu’était le Prophète.
Ainsi, les adeptes de la Chishtiyya considèrent Mu’în al-Dîn Chishtî comme l’envoyé de Dieu en Inde, nabî al-Hind, et celui qui aurait permis aux Musulmans de conquérir cette région.
En Inde, les dargâh soufies sont, avec certains temples de déesses hindoues, parmi les rares lieux de cultes où se côtoient paisiblement Musulmans et Hindous. « Dans ces lieux où chacun peut avoir un accès tangible au sacré, pour exaucer ses vœux ou trouver la guérison, l’étiquette religieuse importe moins que le besoin d’assistance ».
Un Hindou, lors de sa visite d’une dargâh, tentera de respecter, dans une certaine mesure, les modalités du culte musulman. Il fera par exemple des offrandes de sucre et non de riz. Le Musulman fera de même s’il visite le temple d’une déesse hindoue.
« Payer sa visite au saint, musulman ou chrétien, après le culte à la déesse, ou inversement – mais l’ordre de révérence n’est pas toujours indifférent -, accroît à terme la quantité d’aura qu’on retire et conséquemment les bienfaits qu’on en attend. Ainsi la différenciation culturelle est-elle respectée, au prix de formes de comportement à peine différenciées ».

6. BIBLIOGRAPHIE

AHMAD Aziz, Studies in Islamic culture in the Indian environment, Oxford : Clarendon Press, Oxford University Press, 1964.
ASSAYAG Jackie, TARABOUT Gilles (éd.), Altérité et identité : islam et christianisme en Inde, Paris : Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, coll. Purusârtha, 1997.
CURRIE P. M., The shrine and cult of Mu’î al-Dîn Chishtî of Ajmer, Delhi, Bombay, Calcutta, Madras: Oxford University Press, coll. Oxford University South Asian Studies Series, 1989.
- ERNST Carl W., Eternal Garden: Mysticism, History, and Politics at a South Asian Sufi Center, New York: State University of New York Press, 1992.
- EWING Katherine, The Politics of Sufism: Redefining the Saints of Pakistan, in: AHMED Akbar S. (éd.), Pakistan: The Social Sciences’Perspective, Karachi, Oxford, New York, Delhi: Oxford University Press, 1990.
SHERANI Saifur Rahman, “Ulema” and “Pir” in the Politics of Pakistan, in: DONNAN Hastings, WERBENER Pnina (éd.), Economy & Culture in Pakistan: Migrants and Cities in a Muslim Society, Houndmills, Basingstoke, Hampshire: Macmillan Academic and Professional LTD, 1991.
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ZINS Max-Jean, Pakistan: La quête de l’identité, Paris : La Documentation française, coll. Asie Plurielle, 2002.

Sites Internet

http://www.sufiajmer.org
http://www.dargahajmer.com
http://www.naqshbandi.org
http://www.goldensufi.org/3-TheNaqshbandidya.html

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle beauté, quele finesse, quel savoureux mélange de philosophies spirituelles ou plutôt qu'un mélange qui ferait penser au synchrétisme quel parrallèle parfait entre l'hindouisme et ses différents Yoga et également le bouddhisme et le soufisme.
Je connais Gwallior et Ajmer les deux villes dont on parle dans ce texte, mais je crois avoir vu la plus belle image du parrallèle dont je vous parle sur les bords du gange au moment du coucher de soleil, deux hommes, un hindou vêtu de bure orange et un soufi vêtu de lain blanc s'asseyant côte à côte et regardant dans la même direction, dans la direction du soleil couchant un "fana" et un "nirvana" pour laisser place GEANT.
Vous me faites revivre mes voyages chers Habbib Matthieu. Un seul mot merci.

Anonyme a dit…

"Pour laisser place au GEANT" Pardon il est tard...la fatigue :-)