mardi 25 mars 2008

Fariddudin 'attar

Fariddudin 'attar

Illustre poète persan du XIIe siècle, ‘Attar fut un maître, car s’il rassemble les conceptions évoluées d’un milieu de spirituels cheminant vers le mystère divin, son but est de guider. Il décrit une expérience qui lui semble concerner la condition humaine tout entière, celle de l’homme qui, pour cesser d’être dérouté, doit entreprendre vers le fond de l’âme un itinéraire périlleux.

Il veut le conduire à briser les limites de son individualité en s’universalisant
dans l’océan divin. L’une des forces de ce guide est la qualité de son expression poétique : ‘Attar a été très lu sur l’aire alors étendue de la langue persane.

Rûmi dira de lui : « il fut âme du mysticisme et je ne fais que suivre sa trace…. »

La personnalité d’‘Attar n’est saisissable qu’à travers son œuvre, les événements de son existence nous restant voilés. Il passa sa vie à Neshapur, alors centre vital du Khorasan, qui conserve la tombe de ‘Attar. L’an 1190 est la date supposée de sa mort. De son père il avait hérité un commerce de parfums, d’onguents et d’épices ; ‘Attar désigne celui qui tient un tel commerce ; Farid al-Din en fit son nom d’écrivain. Rien n’indique qu’une conversion le fît renoncer à cette profession, car il était conseillé d’en exercer une ; ‘Attar dut la trouver compatible avec une vie religieuse exigeante à laquelle il pensa dès son enfance.

Vingt-cinq ouvrages ont été attribués à ‘Attar. Certains sont manifestement apocryphes. On ne parlera ici que des œuvres incontestablement authentiques de ‘Attar.

Attiré dès son enfance par le récit de la vie des saints, ‘Attar composa une grande œuvre en prose : le Mémorial des amis de Dieu, où, sans donner ses sources, il rapporte les dits et faits de soixante-douze soufis. Plus généralement, on n’entre dans l’œuvre de ‘Attar qu’en traversant de nombreuses anecdotes (on en compte 150 dans Le Langage des oiseaux), greffées habituellement sur des récits continus, mais non sans méandres. Il devait par là toucher un large public. Le récit allégorique est un fait central dans son œuvre, mais par l’analyse de quatre œuvres majeures, H. Ritter a pu montrer combien les conceptions spirituelles qui soutiennent récits et anecdotes sont organiquement liées.

Le Langage des oiseaux est un poème déjà bien connu. Son titre est coranique (XXVII, 16, cf. 20). Avicenne avait composé un récit initiatique sur ce thème de l’oiseau, symbole de l’âme, pris aux filets du monde, retournant par degrés vers son roi.

Ahmad Ghazali écrivit à son tour, en persan, un récit sur le pèlerinage des oiseaux vers leur roi ; il insistait sur les épreuves du chemin, mais son récit manquait la passe de l’initiation : l’accueil du roi n’était qu’une grâce accordée aux oiseaux terrifiés. ‘Attar reprit ces descriptions, accentua le caractère initiatique du récit d’Avicenne.

L’histoire : les oiseaux se rassemblent pour choisir un roi ; la huppe, expérimentée dans les voies spirituelles, leur désigne Simorgh, l’oiseau « proche de nous et dont nous sommes éloignés ». Elle les entraîne à franchir sept vallées : Recherche, Amour, Connaissance, Indifférence, Unification, Stupeur, Anéantissement. Finalement, les trente (si) oiseaux (morgh) qui ont su franchir les vallées et dépasser le choc du Numineux se découvrent eux-mêmes Simorgh : au terme du cheminement, c’est « le mystère de son propre soi-même » (H. Corbin) qui est révélé à l’individu.

Le Livre divin, autre long poème, a pour thème central le renoncement. Un roi invite ses fils à exprimer ce qu’ils souhaitent ; ce sont des désirs tout mondains ; le roi leur enseigne à les transmuer en désirs des biens qui ne passent pas. Le récit s’achève sur l’éloge de la résignation et du silence de l’âme dépouillée et confiante. Le Livre de l’adversité, poème de près de 7 000 vers, est le récit du voyage de l’âme dans la méditation mystique d’une période de retraite. Elle questionne les entités mystiques, cosmiques et naturelles. Dans la douleur de la recherche, elle en vient à reconnaître que l’homme en sa corporéité n’est pas l’homme proprement dit : celui-ci est « secret divin et âme pure » ; ainsi, chercher Dieu, c’est chercher son vrai soi en questionnant le monde.

Le Livre des secrets, moins étendu et sans construction apparente, traite en douze sections de notions classiques dans le soufisme. Le Dîwân est un grand recueil de poèmes dont l’enseignement reste à inventorier ; un nombre important de ces poèmes sont de courtes pièces où l’expression symbolico-mystique est riche et capable d’enthousiasmer.

Les disciples de Rumi ont commenté plusieurs de ces poèmes. La sortie du monde par immersion dans l’âme en constitue un thème important. Un autre recueil semble devoir être attribué encore à ‘Attar. On y trouve groupés en cinquante chapitres des quatrains consacrés au thème de l’amour ; plusieurs de ces beaux quatrains ont été par la suite attribués à ‘Omar Khayyam.

La mort est l’un des pôles de la pensée de ‘Attar. À ses yeux, elle consacre le caractère éphémère de la vie terrestre. L’homme dans le besoin et la douleur n’a d’autre source de connaissance que son âme ; il y découvre que seule la vie de l’au-delà a une valeur. Dans le renoncement au monde, il troque le mal contre le bien, il triomphe de la peine par la pauvreté, la patience.

L’autre pôle de la pensée de ‘Attar est que, hors de Dieu, rien n’existe vraiment ; il faut donc chercher la proximité de ce Dieu intérieur à l’âme, dont il est le vrai soi. ‘Attar est un homme qui chercha dans un dramatique voyage intérieur à coïncider avec un soi-même senti comme divin.
Source : http://www.espacesalvator.org/Attar.html

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