mardi 22 avril 2008

Un champion oublié de l’Islam : un homme et sa mosquée


Une maison en ruine à Liverpool recèle un
secret curieux : les restes vandalisés de la première mosquée de la Grande Bretagne. Maintenant, enfin, la ville est décidée de la restaurer – et d’honorer l’avocat original qui l’avait construite. Michael Savage découvre son histoire remarquable.

Le numéro 8 Brougham Terrace à Liverpool est un pavillon jumelé abandonné. Sa façade blanchie à la chaux est crasseuse, sa porte d’entrée est toute rayée et enflée et ses protes arrière sont couvertes de graffitis. Les pigeons ont investi le toit. L’état de l’intérieur est même pire. Des larges cercles orange de champignons s’agrippent aux murs. Des morceaux du toit sont éparpillés par terre.
Rien ne suggère que le numéro 10 Brougham Terrace ait quoi que ce soit de spécial. Mais en dessous de la poussière et de la moisissure il y a un bâtiment d’une extraordinaire signification historique et sociale. Ceci fut la première vraie mosquée en Grande Bretagne.
Et après des années de négligence, elle serait enfin au point recevoir le traitement de restauration qu’elle mérite sûrement, vu sa place dans l’histoire de la nation. L’évêque de Liverpool appela pour une action. Les gouvernements saoudien et koweitien voudraient aider à financer un projet qui coûterait 2,4 millions de livres sterlings (environs 3,6 millions €, ndt.).
Alors que Liverpool se prépare à devenir la capitale européenne de la culture l’année prochaine, la situation critique de la mosquée oubliée attire de nouveau l’attention. Cela, à son tour, jeta la lumière sur le personnage étonnant qui l’avait fondée le jour de Noël en 1889.
William Quilliam était un avocat. Mais à la fin du 19e siècle en Grande Bretagne il n’y avait pas d’autre avocat qui lui ressemblait. On dit qu’il venait au tribunal en portant une tenue cérémonielle turque. D’autres prétendent qu’il voyageait à travers Liverpool sur un cheval arabe blanc, ou qu’il était descendant d’un lieutenant qui avait combattu avec Nelson à Trafalgar.
De telles histoires peuvent bien être apocryphes, toutefois Quilliam fut un homme dont la vie n’a pas besoin d’embellissement. Peu de personnalités religieuses défendirent leur foi comme l’homme qui devint le Cheikh Abdullah Quilliam le fit. Il fit cela malgré les hostilités qu’il affronta bien souvent de ses propres concitoyens. Il fut nommé Cheikh de Grande Bretagne par le dernier calife ottoman, convertit des centaines à sa religion et fut honoré par le Sultan du Maroc, le Shah de Perse et le Sultan d’Afghanistan. La mosquée à 8 Brougham Terrace fut son accomplissement suprême.
Né en 1856, Quilliam fut le fils d’un riche horloger et devint avocat après une formation à l’institut de Liverpool. Mais la vie comme avocat eut ses droits sur Quilliam, et en 1882 il partit se reposer au sud de la France. Pendant qu’il se remettait, il décida de traverser la Méditerranée en direction du Maroc et l’Algérie et ce fut là bas que sa fascination pour l’islam commença. A l’âge de 31 il se convertit à la religion, changea son nom à Abdullah et se procura un ouistiti comme animal de compagnie.
« Il n’allait jamais nulle part sans ce singe », dit la petite fille de Quilliam, Patricia Gordon. « Il avait l’habitude de s’assoir sur son épaule. Il avait un petit fez spécial pour lui et l’emportait avec lui au musée britannique où il étudiait. Il était un vieux Victorien excentrique. Il était un homme indépendant et faisait ce qu’il voulait faire toute sa vie. Quand il entrait dans une salle, tout le monde se taisait. Il était un caractère très pittoresque ».
Son amour pour les animaux exotiques changea sa maison en un zoo – il aurait gardé un chacal, un loup, un renard et même un crocodile.
Pour Quilliam, sa conversion fut seulement le début de son association élevée et fière avec l’Islam. Il trouva aussitôt qu’il avait le talent de convaincre les autres de ses mérites [de l’Islam]. Il commença par donner des cours sur sa nouvelle religion et puis fonda la Mosquée et l’Institut de Liverpool dans la petite maison de Brougham Terrace, rue de West Derby, an 1889.
Durant dix ans depuis son retour à la ville, il rassembla derrière lui environs 150 Musulmans presque tous des convertis britanniques. Des scientifiques et des professionnels firent partie de son groupe, tout autant que ses fils et sa mère qui avait pourtant passé le gros de sa vie comme une activiste chrétienne. Il produisit aussi deux journaux, le Croissant et la Revue Islamique , sur une machine d’impression dans le cave de la maison. Les deux firent diffusés au niveau international.
Mais la mission de Quilliam ne s’arrêta pas à la publication. Il procéda à aider à soulager les souffrances sociales à Liverpool en fondant la Maison de la Médine qui s’occupa des enfants illégitimes et leurs trouva des parents nourriciers. Il créa le Collège Musulman, une association de débats hebdomadaires et écrivit un livre sur les cantiques musulmans en Anglais.
Il trouva encore du temps pour écrire un livre. La Foi de l’Islam fut publié en 1899 par un petit imprimeur local, et fut traduit dans 13 langues, avec trois éditions publiées. Quilliam dit fièrement qu’il eut été lu par la reine Victoria et le gouverneur d’Egypte.
Mais tout le monde n’apprécia pas la vigueur de Quilliam. Peu après sa conversion à l’Islam, il fut expulsé de sa maison par son propriétaire qui fut en colère de son rejet du Christianisme. La date de sortie de son livre sur l’Islam coïncida avec la haine très agressive que quelques uns dans la communauté chrétienne vouèrent pour lui. « Le conflit en cours avec le Soudan (le Soudan fut envahi par la Grande Bretagne en 1898, ndt.) voulait dire que toute mention de l’Islam en Grande Bretagne était comme l’agitation d’un tissu rouge devant le taureau » précise le professeur Humayun Ansari, un expert dans l’histoire islamique britannique du collège Royal Holloway à Londres.
Quilliam ne fut jamais quelqu’un à se laisser faire et lança une série d’attaques contre le gouvernement britannique. Quand le Premier Ministre, William Gladstone, dut donner un discours à Liverpool incitant à agir contre l’Empire ottoman pour son traitement des Arméniens, Quilliam bondit pour défendre le calife. Il rassembla sa communauté à la mosquée pour prononcer un discours opposé où il déclara que l’Occident fut très content d’ignorer les « atrocités chrétiennes » par ailleurs.
« Un Américain fait exploser une bombe dans les rues bondées de Constantinople et tue des femmes et des enfants innocents et, parce qu’il se dit Chrétien, il est porté aux nues en Angleterre comme un héro et un patriote! » Quilliam écrivit. « Un Afghan se bat pour sa patrie dans la passe de Khyber, et parce qu’il est Musulman il est dénoncé comme un traitre et un rebelle ».
Selon le professeur Ansari, Quilliam paya un prix pour sa position. « Bien sûr, il était raillé, mais ça montrait qu’il était un homme courageux tout en étant une figure de controverse. Bien que d’autres personnes anglaises se fussent converties, ils avaient tendance à adopter un profil bas. Quilliam à l’opposé était bien plus direct et défiant, ce qui faisait de lui un personnage public de haut niveau dans le processus ».
Sans surprise, Quilliam développa des relations difficiles avec la presse. Le journal de Liverpool décrivit sa recherche à convertir la ville à l’Islam comme « stupide et importune ». Il devint un contributeur régulier aux pages des courriers des lecteurs essayant de corriger ce qu’il vit comme une vision populaire incorrecte de l’Islam, provenant des mythes datant de l’époque des croisades.
Il écrivit : « Quand nous considérons que l’Islam est trop mélangé avec l’empire britannique, et les plusieurs millions des concitoyens musulmans qui vivent sous le même règne, il est extraordinaire que si peu de choses soient connues à propos de cette religion. Et par conséquent la grande ignorance des gens à propos de ce sujet fait qu’ils puissent être facilement trompés et leur jugement égaré ».
Sa position franche fit aussi de sa mosquée une cible d’agression. Durant une confrontation, une foule de 400 manifestants se rassembla devant le bâtiment en jetant de la boue, des cailloux, des végétaux pourris à ceux quittant la salle de prière. En 1895, un groupe menaça Quilliam de le brûler vif.
Ces efforts pour promouvoir l’Islam lui apportèrent des louanges et des amis puissants à travers le monde musulman. Le Shah de la Perse fit de lui un consul pour son pays. En 1894, le Sultan Abdul Hamid II, le dernier calife ottoman, donna à Quilliam le titre de « Cheikh al-Islam en Grande Bretagne », chef des Musulmans britanniques. Le Sultan d’Afghanistan lui donna 2500 livres sterlings comme un « cadeau personnel » pour l’aider à continuer ses bonnes œuvres.
Au changement du siècle, Quilliam eut développé des plans ambitieux pour construire une mosquée de rien, complète avec un dôme et un minaret. Mais fidèle à son caractère excentrique, il prit une décision soudaine en 1908 pour quitter la Grande Bretagne , en se dirigeant mystérieusement vers l’est et ne retournant que peu de temps avant sa mort en 1932.
Quand Quilliam quitta la Grande Bretagne , il emporta avec lui l’énergie qui eut soutenu sa mission effectuée tout seul avec beaucoup de succès. Sans lui au gouvernail, les institutions qu’il eut fondées régressèrent, y compris la mosquée. Finalement, elle finit dans les mains du conseil municipal de Liverpool. Quand les autorités se retirèrent, la mosquée tomba encore plus en ruines, « probablement parce que l’eau a pénétré après que les voleurs avaient enlevé le plomb du toit », dit Galib Khan, un membre dirigeant du group essayant de restaurer la mosquée.
Mohammad Akbar Ali, le président de l’association Abdullah Quilliam créée pour la campagne de restauration, ajouta : « Quilliam l’avait officiellement ouverte le jour de Noël en 1889 avec un petit déjeuner spécial pour 130 enfants de la ville ».
Une réunion de collecte d’argent organisée plutôt ce mois fut assistée par les ambassadeurs de l’Arabie Saoudite et du Koweït. Mais pour M. Ali, il a un principe plus large derrière la volonté de trouver de l’argent britannique pour restaurer l’héritage d’Abdullah Quilliam.
« Une partie du problème affronté maintenant par les jeunes Musulmans britanniques est qu’ils n’ont pas d’héritage islamique qu’ils peuvent vraiment considérer comme le leur », il dit. « Quand les Musulmans nés et élevés au Royaume Unis veulent revisiter leurs racines islamiques, ils retournent aux pays de leurs ancêtres comme l’Inde, le Pakistan ou l’Arabie Saoudite. Mais Quilliam est la preuve que la Grande Bretagne a son propre héritage islamique. Réparer cette mosquée avec de l’argent britannique, que ce soit du gouvernement ou de la communauté musulmane, agirait comme un symbole fort de l’Islam britannique. C’est un héritage religieux dont tous les Musulmans britanniques peuvent être fiers ».
L’évêque de Liverpool, le vénérable révérend James Jones, est maintenant le patron de la campagne de collecte d’argent. Il admet que le fait qu’on lui eut demandé de soutenir la cause représenta un « défi théologique » pour lui, mais il se sentit obligé par l’exemple de Quilliam. « L’un des défis dans le monde d’aujourd’hui est de concentrer sur les bons exemples des religions des uns et des autres et de trouver le socle commun », il dit. « Quilliam fut un homme qui fit énormément de bonnes œuvres que tous les chefs religieux devraient apprécier, et la campagne pour restaurer son institut mérite d’être soutenue, au niveaux national et local ».

Source : http://www.independent.co.uk/news/uk/this-britain/forgotten-champion-of-islam-one-man-and-his-mosque-459936.html

Aucun commentaire: