jeudi 20 mars 2008

Instruire : le plus grand des jihad

Instruire : le plus grand des jihad

Par Cheikh Anta Mbacke Babou
Maître-assistant en histoire à l’Université de Pennsylvanie (USA)
Jamais penseur et Soufi n’a laissé dans la postérité sénégalaise et de la sous-région, une bibliographie aussi diversifée que celle produite par Cheikh Ahmadou Bamba ainsi qu’une biographie sur lui aussi considérable. Le vénéré Cheikh a produit une quantité importante d’ouvrages couvrant de très nombreux domaines du savoir qui font pour les exégètes, références. Il est également l’objet de plusieurs tableaux de la part des biographes qui ne se lassent point d’examiner son oeuvre et de chanter ses bienfaits.
Serigne Touba (le guide de Touba), Cheikh Ahamdou Bamba, a investi dans ses oeuvres, des domaines aussi variés que la « Tawhid » (Théologie musulmane ou Foi dans l’Unicité de Dieu), le « Fikh » (Droit), le « Tassaa-uf » (Soufisme ou Perfectionnement spirituel), la Bonne Education, l’Hagiographie, la Grammaire (arabe) et plusieurs autres axes du savoir et de la connaisance spirituelle, disent ses biographes. L’importance et l’intensité de la production du Cheikh, font que très peu de personnes peuvent se prévaloir aujourd’hui d’une connaissance totale de sa bibliographie, même si la bibliothèque « Cheikh El Khadim » de Touba, construite par Cheikh Abdoul Ahad MBacké Ibn Cheikh Ahmadou Bamba en 1977, conserve la plupart de ses écrits.
Autant les écrits de celui qui est venu visiter le monde des mortels vers 1850 à Mbacké Baol, village situé à 40 km environ à l’Est de Diourbel, capitale la region sénégalaise du même nom sont nombreux et divers, autant ses biographes ne se comptent plus. Ils continuent jusqu’ici à fouiller, tels des archéologues patients et passionnés, ses oeuvres, son itinéraire, ses actes, ses pensées, ses enseignements. Parmi ceux-ci : Cheikh Anta Mbacke Babou, Maître-assistant en Histoire à l’Université de Pennsylvanie (USA). L’ « exilé » d’universitaire vient d’ajouter sa « bêche » à la fouille nécessaire à la connaissance et à l’appropriation de l’homme Cheikh Hamadou Bamba. “Fighting the Greater Jihad : Amadu Bamba and the Founding of the Muridiyya of Senegal, 1853-1913”, ou, en français : « Le Jihad Supérieur ou Cheikh Ahmadou Bamba et la Fondation de la Mouridiyya au Sénégal, 1853-1913 », sortie des presse de « Ohio University Press, 2007 » et dont Sud a reçu les bonnes feuilles, est sa récente production.
L’ouvrage s’appuie sur des sources archivistiques, orales et iconographiques en arabe, français et wolof. Il décrit et analyse la fondation et le développement de la Mouridiyya, la confrérie portée par le Cheikh et qui fait partie des plus prégnantes aujourd’hui au Sénégal.
Quelque 200 pages manuscrites qui se proposent d’examiner la genèse de l’identité mouride et de sa méthode pédagogique axée autour de la personnalité et du projet éducatif de Cheikh Ahmadou Bamba, ainsi que la restructuration continue de cette identité par les disciples eux-mêmes jusqu’à nos jours. L’essai qui emprunte à l’histoire sa démarche méthodologique, développe une argumentation dans le même temps, d’une relecture globale des anales de l’Islam en Afrique et ailleurs. Ceci pour mieux prendre en compte les initiatives et aspirations propres des musulmans, plus particulièrement les questions d’éducation et de culture religieuse, longtemps négligées par les chercheurs au profit d’une préoccupation excessive sur les questions de résistance ou de collaboration de ces forces dans le contexte colonial. Le livre nous révèle également le processus d’acquisition du pouvoir religieux par le biais du lignage, du savoir religieux et de la baraka. Ce pouvoir religieux donne, en retour, à la population dominée la capacité d’influencer de manière significative l’Etat colonial et sa politique.
Fighting The Greater Jihad présente ainsi une approche historique originale qui diffère de manière substantielle des travaux existants sur la Mouridiyya. Car sans négliger le rôle de la politique et de l’économie dans l’analyse du mouvement mouride, il met un accent particulier sur les dimensions culturelles et religieuses trop souvent ignorées par les différentes études. Il propose une interprétation de la Mouridiyya qui s’inspire principalement de la perception que les mourides ont eux-mêmes de leur histoire. Ainsi, au lieu de voir exclusivement l’émergence de la Mouridiyya comme une simple réponse à l’occupation coloniale française, comme c’est le cas dans la plupart des recherches sur les mourides, le livre conçoit la fondation de la Mouridiyya comme une phase faisant partie intégrante de la dynamique interne de l’expansion de l’Islam en Afrique de l’Ouest. L’auteur met un accent particulier sur les motivations du fondateur, Cheikh Ahmadou Bamba, et met en exergue le caractère central du thème de l’éducation dans son œuvre et dans le développement de la Mouridiyya. Ce focus sur l’éducation, sur les sources internes et sur les aspirations des disciples mourides et de leurs dirigeants, constitue à n’en point douter une rupture majeure avec les recherches antérieures sur la Mouridiyya et ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche sur l’Islam au Sénégal, en Afrique et ailleurs dans le monde, d’une façon générale...
La traduction française de l’œuvre, devra certainement suscitée un « dialogue » instructif dans les milieux avisés et intéressés. Non pas une polémique stérile, mais des échanges documentés sur des démarches et comportements qui gagneraient assurément à être nettoyés de leurs scories fanatique .

1 commentaire:

Habib Matthieu a dit…

Bismillahi Rahmani Rahim,

dear brother or sister, thank you for your touching words; it's encourage me to work further.

May Allah bless you and your family.

Jazakallah khayran

Wa salam